Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MUSIQUE ET CINÉMA. (suite)

Jazz et cinéma.

Du jazz, le cinéma ne semble retenir que le cliché, la transgression du monde des valeurs normalisantes. Une classification sociale imprécise lui reste trop souvent reliée. D'abord curiosité sociologique (le Chanteur de jazz), il devient l'objet d'une certaine noblesse condescendante dans les années 50 : Miles Davis (Ascenseur pour l'échafaud, L. Malle, 1958). Pour Autopsie d'un meurtre d'Otto Preminger (1959), Duke Ellington crée pour la première fois une partition directement issue de l'univers du jazz, mais c'est en 1963, avec The Cool World (S. Clarke), que naît le prototype de la collaboration idéale grâce à la partition de Mal Waldron. Une partition restée pratiquement sans descendance. Récupérée par l'industrie du cinéma, la spécificité jazzistique s'épuise au gré des modes dans la production cinématographique contemporaine : l'Arnaque (G. Roy Hill), la Petite (L. Malle).

La comédie musicale.

Enclave d'allégresse dans le système hollywoodien, la comédie musicale s'est d'abord nourrie de l'héritage des scènes de Broadway (chansons de George Gershwin, Cole Porter, Irving Berlin) avant de devenir le lieu de toutes les magies ponctuées de thèmes musicaux directement pensés en termes cinématographiques : compositions d'Harold Arlen, Nacio Herb Brown, Sammy Cahn, Sammy Fain, Frederick Loewe et Alan Jay Lerner, Ira Gershwin, Oscar II Hammerstein, Jerome Kern, Frank Loesser, Jimmy McHugh, Richard Rodgers et Lorenz Hart, Jules Styne, Harry Warren, Kurt Weill. Pour cet extraordinaire mélange de genres, les cinéastes de la comédie musicale ont su s'attacher les talents de véritables « couturiers de la bande son ». Parmi ces « arrangeurs », il faut citer les noms de : Saul Chaplin, Roger Eden, Johnny Mercer, Ralph Burns, John Green, Ray Heindorf, André Previn, George Stoll. En France, Michel Legrand a doté l'univers de Jacques Demy d'une âme personnelle qui n'a rien à envier aux modèles du genre (les Parapluies de Cherbourg, les Demoiselles de Rochefort). [ COMÉDIE MUSICALE.]

MUSSO (Joseph Cesar, dit Jeff)

cinéaste français (La Ciotat 1907).

D'abord violoniste, il se fait connaître par un film policier d'inspiration très littéraire, le Puritain (1938, d'après Liam O'Flaherty), qui réunit de bons acteurs (P. Fresnay, J. -L. Barrault, Viviane Romance) et lui vaut le prix Louis-Delluc. Dernière Jeunesse (1939, avec Raimu et Jacqueline Delubac) témoigne encore d'une certaine recherche, mais certes pas Vive la liberté, médiocre bande de résistance (1946 [ : 1944]). La brève carrière de Jeff Musso se clôt brutalement sur un film ambitieux qui ne fut jamais distribué (bien que terminé et monté), Robinson Crusoé (1950, avec G. Marchal). Elle renaît discrètement avec des courts métrages tournés dans les années 70, sur sa ville natale, La Ciotat, où il s'est retiré.

MUṢṬAFA (Niyazi)

cinéaste égyptien (Assiout 1903 - Gizeh 1986).

Il acquiert à Munich, de 1933 à 1937, une excellente formation technique : montage, prise de vues, direction d'acteurs, et fait partie de la seconde génération des studios Misr dont la rénovation et le développement font du Caire, dans les années 30, « la Mecque du cinéma ». Dès son retour d'Allemagne, il tourne ‘ Salama sauvé ’ (Salama fi khayr, 1937) et ne cesse depuis lors. Il a signé environ cent cinquante longs métrages... Mélodrames, films chantés et dansés, comédies et féeries, tel ‘ le Bonnet enchanté ’ (Ṭaqiyya al-Ikhfa, 1943 — remake en 1958), sont traités avec un rapide savoir-faire, qui ne s'embarrasse ni de psychologie ni de raffinement. Mustafa est un professionnel du film populaire, et son influence, on le devine, n'est pas toujours heureuse. Son incursion, déplorable, dans le genre « patriotique » n'est que l'exploitation d'une nouvelle source de succès faciles. La place qu'il occupe est fondée sur la réussite extraordinaire, auprès de divers publics, du Maroc à l'Indonésie, des genres de la production égyptienne, films musicaux ou « westerns bédouins », ces derniers étant une spécialité de l'actrice Kuka Ibrahim (Rabḥa, 1943). Toutes les vedettes du box-office du Caire ont évidemment tourné avec ce cinéaste prolifique. Parce qu'ils reflètent ou appartiennent à un genre ou à des héros traditionnels, on peut citer, à titre d'information, les films suivants : ‘ Antar et Abla ’ (Antarwa Abla, 1945 — remake en 1970) ; ‘ la Sultane du désert ’ (Sulṭana al-ṣaḥra, 1946) ; ‘ le Secret de la princesse ’ (Sirr al-amira, 1948) ; Afra (1949) ; ‘ la Fée du désert ’ (Sitt al-ḥusn, 1950) ; ‘ le Cavalier noir ’ (al-Faris al-aswad, 1953) ; ‘ Taxi d'amour ’ (Taxi-al-gharam, id.) ; ‘ Coupe et Cigarettes ’ (Sigara wa ka's, 1954, où apparaît pour la première fois celle qui va être « Dalida ») ; ‘ les Costauds d'Hussaynia ’ (Futuwwat al Ḥusayniyya, id.) ; ‘ Isma ’il Yasin Tarzan ’ (1957) ; ‘ la Brune du Sinaï ’ (Samra‘  Sina ’, 1958) ; ‘ le Bandit ’ / ‘ l'Imposteur ’ (al-Naṣṣab, 1951) ; ‘ la Dernière Chance ’ (Âkhir furṣa, 1953) ; l'Agent secret 77 ’ (al-'Amil 77, 1968) ; ‘ Sans pitié ! ’ (Bila raḥma !, 1970).

MUSURACA (Nicholas)

chef opérateur américain d'origine italienne (Riace 1892 - Los Angeles, Ca., 1975).

Actif depuis 1923, Nicholas Musuraca peut être considéré comme le maître des opérateurs de la série B. À la RKO, il n'eut pas son pareil pour créer des atmosphères d'une étonnante richesse à l'aide seulement de quelques ombres et de quelques reflets, pulvérisant sans peine un décor modeste hérité d'un autre film plus important. Son travail dans les années 20 et 30 est largement méconnu. Mais, dans les années 40, il fut le collaborateur de Jacques Tourneur (la Féline, 1942 ; la Griffe du passé / Pendez-moi haut et court, 1947), de Robert Siodmak (Deux Mains... la nuit, 1945) ou de John Brahm (le Médaillon, 1946), ces grands artistes du néoexpressionnisme hollywoodien. Il faut voir Jane Randolph traquée dans une piscine aux murs nus que Musuraca irise des reflets de l'eau et de l'ombre pour prendre pleinement conscience de son talent (la Féline). Il est triste que dans les années 50 il n'y ait pas eu un cinéaste pour se fier à son métier, si ce n'est Fritz Lang (Le démon s'éveille la nuit, 1952, à l'extraordinaire grain documentaire ; la Femme au gardénia, 1953).