Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

COUCHE SENSIBLE. (suite)

Fixage et lavage.

Après développement, la couche sensible contient de nombreux cristaux non révélés, qu'il faut éliminer car ils absorbent passablement la lumière. Dans un premier temps, le fixage (l'agent essentiel du fixateur est l'hyposulfite de soude) transforme ces cristaux en produits solubles dans l'eau. Dans un deuxième temps, l'eau du lavage entraîne les produits solubles, ne laissant que la gélatine et les éléments constitutifs de l'image (argent dans le cas du noir et blanc, produits colorés dans le cas de la couleur).

En réalité, on ne peut pas éliminer totalement les produits solubles. La gélatine ne peut pas, en effet, être plus « pure » que l'eau dans laquelle elle baigne. Or cette eau, si pure soit-elle au départ, se charge précisément des produits qu'elle entraîne. On peut donc seulement, par lavages successifs, abaisser par étapes la teneur de la gélatine en produits indésirables jusqu'à une valeur suffisamment basse pour qu'il ne se produise pas d'altération chimique de l'image. Consommatrice d'argent, l'industrie cinématographique est donc aussi consommatrice... d'eau.

Développement chromogène.

À l'issue de la réaction chimique qui s'opère entre les cristaux « marqués » et les molécules de révélateur en contact avec eux, les granules d'argent libéré se retrouvent entourés par les autres produits de la réaction. En noir et blanc, ces produits sont éliminés lors des étapes ultérieures du traitement. En couleurs, on les met à profit, en les faisant réagir avec d'autres produits chimiques — les coupleurs — généralement présents dès le départ dans la couche sensible (sauf pour le Kodachrome, où ils sont apportés par les bains de développement). Cette seconde réaction conduit à l'apparition, là où se trouvaient les cristaux « marqués », de corps colorés qui constitueront finalement l'image une fois que l'argent aura été éliminé à l'aide d'un solvant approprié. Ce processus de développement chromogène n'est réalisable qu'avec certains révélateurs, dits révélateurs chromogènes.

Le principe de ce processus, sur lequel reposent aujourd'hui tous les procédés de cinéma en couleurs, avait été décrit dès 1911 par le chimiste allemand R. Fischer. Mais la panoplie chimique de l'époque ne permettait pas de le mettre en application de façon satisfaisante : il fallut attendre pour cela les années 35, où apparurent presque simultanément le Kodachrome et l'Agfacolor. ( PROCÉDÉS DE CINÉMA EN COULEURS.)

Inversion.

Avec le mode de développement considéré jusqu'ici, l'argent libéré (ou les colorants apparus à la place de l'argent libéré) forment une image négative, où les « blancs » du sujet sont traduits par du noir et réciproquement. Si l'on copie cette image sur un film vierge, un nouveau retournement des « valeurs » s'opère : après développement du second film, les blancs du sujet sont bien traduits par du blanc et les noirs par du noir. C'est la filière classique négatif-positif : le film projeté est distinct du film de prise de vues.

Il est possible d'obtenir directement une image positive. Considérons à nouveau les trois « plages » évoquées plus haut. À la prise de vues, tous les cristaux sont « marqués » dans la première plage, une partie seulement dans la seconde plage, aucun dans la troisième. (Nous négligeons ici le voile.) Après développement, au lieu de laver et fixer, éliminons l'argent libéré par un solvant approprié. Soumettons ensuite le film, lors d'une « seconde pose », à un éclairement suffisant pour « marquer » tous les cristaux restant. Après un second développement (suivi maintenant d'un fixage et d'un lavage), on obtient, sur la pellicule même de prise de vues, une image où les « blancs » du sujet sont traduits par du blanc et les « noirs » par du noir. Ce processus de développement par inversion, ou développement inversible, est aussi bien praticable en couleurs qu'en noir et blanc.

S'il est plus complexe que le développement de la filière négatif-positif, et s'il n'est généralement praticable qu'avec des films inversibles (c'est-à-dire conçus à cet effet), le développement présente l'avantage économique appréciable de fournir directement un film projetable. Pour cette raison, les amateurs travaillent presque exclusivement en inversible. En cinéma professionnel, les films distribués dans les salles sont de toute façon des copies : la filière négatif-positif est alors plus rationnelle, et on n'a recours à l'inversion que dans quelques cas bien précis : films intermédiaires ( COPIES.), ou prises de vues en 16 mm sur Ektachrome inversible ( CONTRASTE.)

COULÉE.

Opération consistant à couler l'émulsion sur le support. Films de même coulée, films découpés dans le même ruban large de pellicule vierge. ( FILM.)

COULEURS (procédés de cinéma en).

Le cinéma était à peine né que chercheurs et inventeurs s'efforçaient de lui donner ce qui lui manquait alors pour restituer la réalité filmée : le son et la couleur.

Coloriage et effets colorés.

À l'époque, on ne disposait que de films noir et blanc. La première idée qui vint à l'esprit, dès 1896, fut donc de colorier les copies d'exploitation. Initialement, des ouvrières habiles peignaient à la main, image par image, les éléments déterminés par le chef coloriste : les arbres en vert, telle robe en bleu, le toit de tuile en rouge, etc. Assez rapidement, la forte demande de films coloriés conduisit à industrialiser la méthode. On se mit alors à découper sur une première copie, image par image, les zones à colorier ; cette copie servait ensuite de « pochoir » pour l'application (manuelle d'abord, puis mécanique, par brosses rotatives ou par rouleaux encreurs) des colorants sur les copies de série, qui recevaient successivement jusqu'à 6 ou 7 couleurs différentes. (Il fallait évidemment autant de pochoirs que de couleurs.)

Le coloriage fut énormément utilisé, notamment sous le nom de Pathécolor, jusqu'à la Première Guerre mondiale. Il tomba par la suite en désuétude, et disparut définitivement vers 1930. (Supplanté par le pochoir, le coloriage manuel demeura employé occasionnellement, par ex. pour les copies originales du Cuirassé Potemkine [S. M. Eisenstein, 1925], où le drapeau révolutionnaire était ainsi peint en rouge. Le coloriage de certaines scènes du Jour de fête, de Tati, lors de sa réédition, relevait lui aussi, indirectement, de cette méthode.)