Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
L

LAUGHLIN (Tom)

acteur, cinéaste, producteur et scénariste américain (Minneapolis, Minn., 1938).

Après des études universitaires, il joue de petits rôles à la fin des années 50 : Thé et Sympathie (V. Minnelli, 1956), South Pacific (J. Logan, 1958), Gidget (P. Wendkos, 1959)... Après un long voyage en Europe, il dirige une école Montessori à Santa Monica pendant plusieurs années, puis revient au cinéma en réalisant de petits films indépendants dans lesquels ses fonctions multiples sont dissimulées derrière des pseudonymes (Donald Henderson, Lloyd E. James, T. C. Frank). En 1967, dans le Credo de la violence (Born Losers), il crée le personnage de Billy Jack, ancien béret vert devenu un justicier solitaire en lutte contre l'establishment, qui aura un immense succès auprès de la jeunesse américaine. Il exploite le filon avec Billy Jack (1971), The Trial of Billy Jack (1974), Billy Jack Goes to Washington (1977), qui reprend les grandes lignes du Mr. Smith de Capra. Il crée sa propre maison de production, la Billy Jack Enterprises, mais l'échec de son western extravagant El Pistolero (The Master Gunfighter, 1975) le conduira au bord de la faillite.

LAUGHTON (Charles)

acteur de théâtre et de cinéma et cinéaste américain d'origine britannique (Scarborough, Yorkshire, 1899 - Los Angeles, Ca., 1962).

L'itinéraire de Charles Laughton est exceptionnel : acteur dans une cinquantaine de films signés des plus grands noms (de De Mille à Preminger, en passant par McCarey, Hitchcock, Renoir, Wilder, etc.), poursuivant parallèlement une carrière théâtrale prestigieuse, il décide à 56 ans de passer à la mise en scène cinématographique et réalise un film unique — à tous les sens du terme —, qui garde, un quart de siècle après sa sortie, intacts son mystère et sa poésie : la Nuit du chasseur (The Night of the Hunter, 1955). Imagine-t-on Louis Jouvet réalisant Alice au pays des merveilles ? L'œuvre se situe au carrefour de l'expressionnisme et du modernisme : elle hanta une génération de cinéphiles.

Dans les années 20, Laughton joue — avec brio — Tchekhov et Bernard Shaw. Sa rondeur, son flegme le rendent vite célèbre. Au cinéma, il fait ses premières apparitions dans deux courts métrages d'avant-garde d'Ivor Montagu, Bluebottles et Daydreams, sur des sujets de H. G. Wells (1928) : dont un rôle de bobby, aux côtés de celle qui allait devenir son épouse, la comédienne Elsa Lanchester (future « fiancée de Frankenstein »). On le voit aussi dans Piccadilly (E. A. Dupont, 1929). Une tournée aux États-Unis le fait remarquer par les Talent Scouts d'Hollywood. Il fait une première apparition dans un film d'épouvante de James Whale : Une soirée étrange (1932). Suivront quelques compositions mémorables, parfois à la limite du cabotinage : Néron dans le Signe de la croix (C. B. De Mille, 1932) ; le gratte-papier contestataire de Si j'avais un million (E. Lubitsch, id.) ; le savant fou de l'Île du docteur Moreau (E. Kenton, id.) ; le père victorien et dominateur de Miss Barrett (S. Franklin, 1934) ; le maître d'hôtel pince-sans-rire de l'Admirable Mr. Ruggles (L. McCarey, 1935) ; Javert des Misérables (R. Boleslavsky, id.) ; le sadique capitaine Bligh des Révoltés du Bounty (F. Lloyd, id.). Ajoutons à cela trois intermèdes « historiques » dans son pays natal : Henry VIII (la Vie privée d'Henry VIII, A. Korda, 1933), qui lui valut un Oscar ; Rembrandt (A. Korda, 1936) et surtout le bégayant empereur Claude dans l'admirable et inachevé I, Claudius (J. von Sternberg, 1937). À la veille de la Seconde Guerre mondiale, il campe un méconnaissable Quasimodo sous la direction de William Dieterle. En 1943, il est l'humble instituteur saisi par le patriotisme de Vivre libre, de Renoir. En 1948, Alfred Hitchcock — presque son sosie — lui confie le rôle du juge cynique du Procès Paradine. Il sera aussi un commissaire Maigret placide dans l'Homme de la tour Eiffel (B. Meredith, 1950), un clochard savoureux dans un sketch de la Sarabande des pantins (H. Koster, 1952), un Hérode fantasque dans Salomé (W. Dieterle, 1953) et le vieil avocat misogyne de Témoin à charge (B. Wilder, 1958). À chaque rôle il impose sa « touche », mélange d'humour et de cynisme retors. N'oubliant pas pour autant le théâtre, il est un truculent Bottom dans le Songe d'une nuit d'été, un bouleversant Roi Lear et il interpréta le Galileo de Brecht sous la direction de Joseph Losey. À Paris, il joue dans un français impeccable le Médecin malgré lui. En 1962, il tourne son dernier film : Tempête à Washington (O. Preminger), dans lequel il incarne un machiavélique sénateur à l'idéologie conservatrice — un rôle de composition s'il en fut.

De la Nuit du chasseur (brillante adaptation par James Agee d'un roman de David Grubb, avec une interprétation dominée par Robert Mitchum et, en guest star, Lillian Gish), Robert Benayoun a écrit qu'il « demeure un exemple parfait de ce cinéma indépendant qui, au long des années, a fini par supplanter Hollywood, au cœur duquel il fut tout de même réalisé à une époque où ce genre d'écarts était affreusement mal vu. Plongeant au plus profond du fantastique quotidien, atteignant par moments aux mythes les plus éternels, il constitue une œuvre à la fois déchiffrable et ineffable, authentiquement américaine et d'un substrat universel, bref un îlot et une étape, un accident et une fatalité, une évidence et un défi ». En réalisant cette fable étincelante, Charles Laughton a prouvé que dans son corps d'ogre battait un cœur de petit poucet... Elsa Lanchester a publié leurs souvenirs communs sous le titre Charles Laughton and I.

Autres films :

Quasimodo (The Hunchback of Notre-Dame, W. Dieterle, 1939) ; la Taverne de la Jamaïque (A. Hitchcock, id.) ; Drôle de mariage (G. Kanin, 1940) ; Six Destins (J. Duvivier, 1942) ; le Fantôme de Canterville (J. Dassin, 1944) ; le Suspect (R. Siodmak, 1945) ; Capitaine Kidd (R. V. Lee, id.) ; la Grande Horloge (J. Farrow, 1948) ; Arc de triomphe (L. Milestone, id.) ; l'Île au complot (R. Z. Leonard, 1949) ; Chaussure à son pied (D. Lean, 1954) ; Spartacus (S. Kubrick, 1960).