Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

STRASBERG (Lee)

homme de théâtre et acteur américain (Budanov, Autriche-Hongrie [auj. Budzanow, Pologne], 1901 - New York, N. Y., 1982).

Figure dominante du théâtre américain, il fonde en 1931 le Group Theatre, avec Harold Clurman et Cheryl Crawford, et y monte, pendant dix ans, des pièces de nombreux dramaturges de gauche. En 1948, il entre comme directeur artistique à l'Actors Studio, où il exerce une influence marquante sur plusieurs générations de comédiens : Marlon Brando, Paul Newman, Shelley Winters, Eli Wallach, Joanne Woodward, Dustin Hoffman, Harvey Keitel, Al Pacino, Robert De Niro. Acteur occasionnel, il interprète, à ses débuts, une demi-douzaine de rôles à la scène. En 1974, il fait sa première création à l'écran dans le Parrain II de Francis Ford Coppola, et remporte une nomination à l'Oscar. Il jouera ensuite dans : le Pont de Cassandra (G. Pan Cosmatos, 1977), Boardwalk (Stephen Verona, 1979), Justice pour tous (N. Jewison, id.), Going in Style (Martin Brest, id.), ainsi que dans le téléfilm le Dernier Locataire (J. Taylor, 1978).

STRAUB (Jean-Marie)

cinéaste français (Metz 1933).

Animateur de ciné-clubs durant ses études littéraires à Strasbourg et Nancy, il se rend à Paris en 1954. Il y rencontre Jacques Rivette, qu'il assiste pour son court métrage le Coup du berger (1956), et s'intéresse au tournage de films de Gance, Renoir, Bresson, Astruc notamment. En 1958, refusant de se battre contre les Algériens, il s'exile en Allemagne avec sa femme et collaboratrice Danièle Huillet et s'installe à Munich. Il passe à la mise en scène en 1963 avec un court métrage Machorka Muff, d'après Heinrich Böll, et devient l'une des figures majeures du nouveau cinéma allemand. Il tourne un moyen métrage Non réconciliés / Seule la violence aide où la violence règne (Nicht versöhnt / Es hilft nur Gewalt wo Gewalt herrscht, 1965), qui s'impose par un style dépouillé et austère qu'il va peaufiner de film en film : Chronique d'Anna Magdalena Bach (Chronik der Anna Magdalena Bach, 1967) est une analyse très personnelle de la vie et de l'œuvre du grand musicien. Le style de Straub, qui réinvente certaines fonctions du cinéma sans rien concéder à la notion de « spectacle », rebute une certaine partie de la critique, mais enthousiasme et influence plusieurs thuriféraires qui découvrent en Straub un maître exigeant et particulièrement novateur. Ses œuvres suivantes ne se laisseront guère intimider par les attaques de ceux qui n'y voient qu'une provocation d'intellectuel. Après le moyen métrage le Fiancé, la comédienne et le maquereau (Der Brautigam, die Komödiantin und der Zuhalter, 1968), il s'installe à Rome en 1969 et entreprend des films dont la construction s'apparente au reportage, se soumet à la loi de la distanciation (les acteurs volontairement figés n'existent qu'en tant que messagers d'une idée et non en tant que personnages fictionnels) et permet en quelque sorte de voir et entendre le réel brut et non le réel flatteur. L'échec d'Othon / Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ou Peut-être qu'un jour Rome se permettra de choisir à son tour (1969) repose sans doute également sur un malentendu, Straub n'ayant visiblement cherché ni à mettre en valeur le texte de Corneille, ni même à en donner une interprétation personnelle, mais s'étant essentiellement limité à démonter les mécanismes et la représentation théâtrale. Leçons d'histoire (Geschichtsunterricht, 1972), Introduction à la musique d'accompagnement d'une scène d'ombre et de lumière d'Arnold Schoenberg (Einleitung zu Arnold Schoenbergs Begleitmusik zu einer Lichtspielscene, CM, 1973), Moïse et Aaron (Moses und Aron, 1974), Fortini Cani (I Cani del Sinaï, 1977), De la nuée à la résistance (Della nube alla resistenza, 1979), Trop tôt trop tard (1981), Amerika, rapports de classe (Klassen verhältnisse, 1984 d'après Kafka), la Mort d'Empédocle (Der Tod des Empedokles, 1987, d'après Hölderlin), Noir Péché (Schwarze Sünde, 1989), Cézanne (1990), Antigone (1991, d'après Sophocle, Hölderlin et Brecht), Lothringen (CM,1994, d'après un texte de Maurice Barrès), Du jour au lendemain (Von heute auf morgen, 1996, d'après l'opéra de Schönberg), Sicilia (1999), Ouvriers, paysans (Operai, contadini, 2001), participent de la même recherche, qui vise avant tout à contester, par choix idéologique et politique, le mode de représentation cinématographique habituel.

STRAUS (Oskar)

musicien autrichien (Vienne 1870 - Bad Ischl 1954).

Chef d'orchestre et compositeur, il participe à la naissance d'un musical hérité, adopté de la tradition viennoise : Ludwig Berger filme, avant même le parlant ! son opérette Rêve de valse (Ein Walzertraum, 1929), que Lubitsch reprend brillamment avec un montage sonore en 1931 : le Lieutenant souriant. Il collabore à la Dernière Valse (Der letze Walzer, Leo Mittler, 1934 ; remake Arthur/Maria Rabenalt, 1951) ; Trois Valses, tourné en France par Berger en 1938 ; le Soldat en chocolat (The Chocolate Soldier, tourné aux États-Unis par Roy Del Ruth en 1941 d'après Der taffere Soldat). Mais on lui doit surtout, de Lubitsch encore, Une heure avec toi (One Hour With You, 1932) et de Max Ophuls : De Mayerling à Sarajevo (1939), la Ronde (1951) et Madame de... (1953), en collaboration avec George Van Parys.

STREEP (Mary Louise, dite Meryl)

actrice américaine (Basking Ridge, N. J., 1949).

Après une formation de chanteuse d'opéra, elle se tourne vers le théâtre à l'université de Yale puis à Broadway avant de paraître à l'écran dans Julia (F. Zinnemann, 1977) et de jouer avec succès dans la série télévisée Holocaust en 1978. Actrice très originale, plus proche par sa formation des milieux artistiques new-yorkais que du cinéma hollywoodien, elle alterne avec intelligence les rôles de femme énigmatique et torturée (la Maîtresse du lieutenant français, K. Reisz, 1981 ; le Choix de Sophie, A. J. Pakula, 1982) et ceux d'Américaine « moyenne » placée dans un contexte volontairement neutre et quotidien (Kramer contre Kramer, R. Benton, 1979 ; Falling in Love, Ulu Grosbard, 1984). Dans le Mystère Silkwood (M. Nichols, 1983), elle semble prendre la suite de Jane Fonda en incarnant une femme militante luttant seule contre des industriels corrompus. Dans Out of Africa (S. Pollack, 1985), elle se glisse sans effort apparent dans le récit autobiographique de la romancière danoise Karen Blixen et incarne une « femme de tête » touchée par le romantisme ambiant. Son physique de blonde diaphane peut lui permettre d'aborder tous les genres, de ressembler à une victime fragile ou de jouer les garces opiniâtres. Mieux encore, elle sait, s'il le faut, jouer plus grand que nature sans pour autant devenir irritante, comme elle le fait, star sur le déclin obsédée par l'éternelle jeunesse, dans La mort vous va si bien (R. Zemeckis, 1992). Cette prestation est sans doute la plus réjouissante de la carrière récente de l'actrice. En effet, des réalisateurs sans subtilité comme Mike Nichols (la Brûlure, 1986 ; Bons Baisers d'Hollywood, 1989), Hector Babenco (Ironweed, 1987), ou Susan Seidelman (la Diable, 1989) l'enferment dans le conformisme et la routine. Bille August (la Maison aux esprits), sans vraiment la bousculer, lui suggère une assez fine interprétation, mais le plus physique Curtis Hanson (la Rivière sauvage [The Wild River], 1994) ne se soucie pas de tant de nuances.