Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

STROBOSCOPIE. (suite)

Le film est composé d'une série de photographies enregistrées normalement tous les 24e de seconde et dont le temps de pose est normalement voisin de 1/48e de seconde. Pendant la durée de cette pose, la roue tourne : l'image des rayons est donc « bougée ». Généralement, ce bougé est tel que, sur chaque photographie, les rayons sont à peu près invisibles. Mais dans certains cas (si les roues tournent lentement ou si l'on emploie un temps de pose très court) le bougé est suffisamment faible pour que les rayons soient visibles.

Il se peut alors que, entre l'enregistrement de deux vues successives, la roue tourne d'un angle tel que chaque rayon prenne, sur les photographies, la place d'un autre. D'une vue à l'autre, l'image globale des rayons est ainsi exactement identique : l'œil en tire tout naturellement l'impression que les rayons n'ont pas bougé, et donc que la roue ne tourne pas. Il se peut aussi que l'image globale des rayons soit, d'une vue à la suivante, légèrement décalée en sens inverse du mouvement réel des roues : l'œil a ici l'impression que la roue tourne à l'envers. Il se peut enfin que l'image globale des rayons soit légèrement décalée dans le sens du mouvement ; l'œil a l'impression que la roue tourne très lentement, comme si elle « patinait ».

Ces phénomènes purement visuels proviennent donc de coïncidences entre la vitesse de rotation des roues et la cadence de prise de vues. Á l'époque où les caméras étaient dotées d'un viseur extérieur indépendant du mécanisme d'avance intermittente du film, ces coïncidences ne pouvaient être perçues dans le viseur : elles n'apparaissaient qu'à la projection des rushes, quand il était trop tard pour recommencer la scène. Aujourd'hui, toutes les caméras professionnelles sont dotées d'un viseur reflex, qui reprend l'image fournie par l'objectif de prise de vues, un miroir lié à l'obturateur renvoyant cette image vers le viseur pendant l'intervalle de temps qui sépare l'enregistrement de deux vues successives. On observe ainsi dans le viseur lui-même une série de vues successives du mouvement, à une cadence exactement égale à celle de la prise de vues. Les coïncidences apparaissent alors dans le viseur, et on peut éventuellement s'efforcer de les éviter, en demandant par exemple une modification de l'allure du carrosse.

Il reste toutefois des cas où les phénomènes de stroboscopie demeurent inévitables, par exemple lorsqu'on filme le démarrage d'un moteur d'avion à hélice. Avant d'atteindre son plein régime, où l'hélice tourne si vite qu'elle est invisible, le moteur passe par des régimes qui sont les multiples entiers de la cadence de prise de vues : au voisinage de ces régimes intermédiaires, l'hélice paraît s'immobiliser puis repartir en avant.

On rencontre également le phénomène de la stroboscopie lorsque l'on filme en éclairant la scène avec des lampes « H. M. I. ». ( MOUVEMENT D'APPAREIL, SOURCES DE LUMIÈRE.)

STRODE (Woodrow, dit Woody)

acteur américain (Los Angeles, Ca., 1914 - Glendora, Ca., 1994).

Cet ancien footballeur et lutteur a une carrure impressionnante et un visage noble, comme sculpté, qui ne pouvaient que frapper le monde du cinéma. Il y est actif, dans de très petits rôles, dès 1941, mais, comme beaucoup de Noirs, ne peut vraiment y faire carrière. Il doit attendre 1960 pour obtenir enfin des rôles conséquents où son apparence se trouve épaulée d'un remarquable talent d'acteur. Il tient le rôle-titre du Sergent noir de John Ford, création digne, tragique et massive, dépourvue de tout « oncletomisme ». Dans Spartacus, Kubrick lui confie un rôle plus court, mais sa composition de gladiateur reste cependant inoubliable. John Ford a ensuite exploité son physique dans toutes sortes d'exotismes : il est indien dans les Deux Cavaliers (1961) et mongol dans Frontière chinoise (1966). Il est également l'un des Professionnels de Richard Brooks (id.). Il part alors pour l'Italie, où il interprète d'emblée deux personnages marquants : une impressionnante figure christique inspirée de Patrice Lumumba dans le méconnu Assis à sa droite (V. Zurlini, 1968) et une silhouette éliminée au cours du long prologue de Il était une fois dans l'Ouest (S. Leone, id.). Malheureusement, il va de westerns italiens obscurs en productions calamiteuses (Che !, R. Fleischer, 1969), de films d'horreur à bon marché en apparitions trop courtes (on a à peine le temps de le reconnaître dans Cotton Club, F. F. Coppola, 1984). On ne peut s'empêcher de penser que le manque d'imagination des producteurs et des réalisateurs a ici étouffé une carrière potentiellement riche.

STROEVA (Vera) [Vera Pavlovna Stroeva]

cinéaste soviétique (Kiev 1903).

Elle fait ses études à l'Institut d'art théâtral de Kiev (1920-21), met en scène plusieurs spectacles au Théâtre pédagogique de Moscou (1921-1928), rencontre Grigori Rochal qu'elle épouse et pour lequel elle écrit divers scénarios, avant de collaborer étroitement avec lui à la réalisation des Nuits de Saint-Pétersbourg (1934). Dès 1931, elle dirige seule ‘ le Droit des pères ’ (Pravo otcov). Elle signe ensuite ‘ l'Homme sans étui ’ (Čelovek bez futljara, 1932), ‘ la Génération des vainqueurs ’ (Pokolenie pobediteleje, 1936), ‘ À la recherche de la joie ’ (V poiskah radosti, CO Rochal, 1940), ‘ les Jeunes Musiciens ’ (Junye muzykanty, 1945), Marité (id., 1947), ‘ le Grand Concert ’ (‘ Bol ’šoj Koncert, 1951, avec les éléments du Bolchoï), ‘ les Étoiles joyeuses ’ (Veselye zvezdy, 1954, un cinéconcert), Boris Godounov (Boris Godunov, 1955, d'après l'opéra de Moussorgski), ‘ Plaine, ma plaine ’ (Poljuškopole, 1957), ‘ la Khovantchina ’ (Hovanščina, 1959, à nouveau d'après l'œuvre de Moussorgski), ‘ Nous, le peuple russe ’ (My, russkij narod, en deux parties, 1965), ‘ le Cœur de la Russie ’ (Serdce Rossii, 1970), ‘ Un bouquet de violettes ’ (Buket fialok, 1983).

STROHEIM (Erich Oswald Stroheim, dit Erich von)

acteur et cinéaste américain d'origine autrichienne (Vienne 1885 - Maurepas, France, 1957).

Il naît dans une famille aisée de commerçants — puis petits industriels — de confession juive. Son enfance viennoise coïncide avec un regain de l'antisémitisme en Autriche. Après des études au lycée, il travaille chez son père et fréquente la jeunesse dorée de la capitale. Son œuvre se souviendra du théâtre « à scandale » de ces années : Karl Sternheim, Frantz Wedekind, Herman Suderman. Appelé sous les drapeaux à 20 ans, il déserte au bout de six mois pour des raisons demeurées inconnues. Paradoxalement, l'ordre, le décorum, la hiérarchie, le sens du devoir et de l'honneur militaires l'auront marqué pour le reste de sa vie. Il émigre aux États-Unis en 1908 (ou 1909) et, après les métiers les plus divers, s'établit à Hollywood en 1914. Il sera cascadeur, figurant (Naissance d'une nation, D. W. Griffith, 1915 ; Intolérance, id., 1916), assistant de Griffith, John Emerson, Allan Dwan, George Fitzmaurice notamment, acteur enfin. En 1915, il est conseiller militaire, interprète et assistant d'Emerson pour le Prince étudiant (Old Heidelberg). Cette comédie, adaptée de la pièce de Meyer-Foerster, contient le schéma de base de son futur cinéma « viennois ». En 1917, dans For France (Wesley Ruggles), il incarne un officier prussien rigide, hautain, sardonique et jouisseur. Il va reprendre ce rôle, qui semble lui réussir, dans cinq films consécutifs, entre autres pour Griffith (les Cœurs du monde, 1918). Révolte ou fascination, mégalomanie ou volonté de revanche sociale, il décide d'assumer son personnage dans son art comme dans sa vie. Il sera « l'homme que vous aimerez haïr ». Il crée sa propre légende et s'y tiendra jusqu'à sa mort. Il se dit aristocrate, ex-lieutenant de dragons, né Erich Oswald Hans Carl Maria von Stroheim, fils d'un colonel de l'armée impériale et d'une dame d'honneur de l'impératrice Élisabeth d'Autriche. À cette noblesse mythique son génie d'artiste va conférer la meilleure des réalités. Pourquoi, au reste, ne voir dans la mythomanie aristocratique de Stroheim qu'envie et folie de grandeur ? Pourquoi pas, symétriquement, une condamnation, un rejet violent de la bourgeoisie ? Il dirige son premier film en 1919 : Maris aveugles. D'emblée, tout Stroheim est là, avec son style et ses thèmes (moins ce qu'on appellera son « humanité », sa tendresse tenue secrète, refoulée). Petit, gringalet, ridiculement enserré dans un uniforme trop étroit, tête à claques, plus proche du groom et du chasseur d'hôtel que du prestigieux militaire, le lieutenant autrichien von Steuben, alias von Stroheim, incarne une dialectique retorse : le personnage n'a rien de séduisant, il est vaniteux, stupide, agressivement sûr de lui, et cependant il séduit. C'est là le scandale : l'amour démystifié, reste la sexualité.