Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
L

LEISER (Erwin)

cinéaste suisse d'origine allemande (Berlin 1923 - Zurich 1996).

Pour échapper aux persécutions antisémites, il s'installe en 1938 en Suède, où il deviendra journaliste et critique théâtral. Puis il se tourne vers le cinéma et réalise en 1959 Mein Kampf, long métrage de montage de documents d'archives et réussite majeure dans le domaine du film politique : écartant la simple explication du nazisme par la mégalomanie d'Hitler et son emprise sur les foules, il dénombre et dénonce les responsables de sa « résistible ascension » : le militarisme et le capitalisme. Puis il s'installe à Zurich, où il réalise un autre document de premier ordre, Eichmann, l'homme du Troisième Reich (Eichmann und das dritte Reich, 1961), réflexion sur l'antisémitisme nazi à l'occasion du procès à Jérusalem de l'exécuteur de la « solution définitive ».

C'est à la menace atomique depuis Hiroshima qu'il consacre Choisis la vie (Wähle das Leben, 1963), puis il revient au « nazisme ordinaire » avec Allemagne, réveille-toi ! (Deutschland, erwache !, 1967), anthologie du cinéma hitlérien, où les « Heimatfilme » furent le plus souvent des véhicules subtils et retors de l'idéologie officielle. Pas de place dans le monde pour les enfants (Keine Welt für Kinder, 1972) et Femmes dans le tiers monde (Frauen in der dritten Welt, 1975) analysent les problèmes des pays en voie de développement. Il tourne ensuite notamment Die Mitläufer (1985 documentaire - fiction), Die Feuerprobe (1988), Otto John - eine deutsche Geschichte (1995). Il a également consacré des documentaires à des personnalités de la culture et des arts, entre autres à Hans Richter (1973), à Bram Van Velde (1977), à Edward Kienholz (1977), à Claes Oldenburg (1994).

LELOUCH (Claude)

cinéaste français (Paris 1937).

Il est l'exemple du réalisateur fou de technique, qui a appris le cinéma la caméra à la main, et qui a gravi tous les échelons de la profession, du court métrage à la grosse machine (qu'il « monte » lui-même par l'intermédiaire de sa société de production, les Films 13), en tournant même des scopitones pendant les périodes de vaches maigres de ses débuts de carrière.

Lorsqu'il filme, Lelouch est un auteur. Il sait saisir une lumière, diriger les comédiens chevronnés (d'Anouk Aimée à Catherine Deneuve, de Jean-Louis Trintignant à Yves Montand, d'Annie Girardot à Michèle Morgan) comme les débutants (c'est lui qui a révélé au cinéma Jacques Villeret). Il aime les couleurs optimisantes, les romances sentimentales, la psychologie superficielle des romans de gare. Un homme et une femme (1966) partage une Palme d'or au festival de Cannes, gagne deux Oscars et le lance à la fois en France et dans de nombreux pays, suscitant parfois même des imitateurs fascinés par un savoir-faire évident et un romanesque séducteur. Les critiques et le public pourtant ne sauront jamais s'accorder sur l'importance d'un metteur en scène dont l'ambition ne parvint pas à convaincre les premiers mais dont le charme quelque peu démagogique sut presque toujours trouver les faveurs du second à de rares exceptions près (Mariage, 1974 ; À nous deux, 1979 ; Édith et Marcel, 1983). Ses productions les plus orgueilleuses (Toute une vie ; les Uns et les Autres, la Belle Histoire) s'égarent dans une imagerie sulpicienne, laïque certes, mais pesamment édifiante. Il est permis de préférer certaines œuvres plus modestes comme le Voyou ou Itinéraire d'un enfant gâté, où il parvient à intégrer de bons acteurs dans un scénario parfaitement « huilé ».

Films  :

le Propre de l'homme (1960) ; la Femme spectacle (1963, inédit) ; Une fille et des fusils (1965) ; les Grands Moments (id.) ; l'Amour avec des si (1966 [ : 1962]) ; Un homme et une femme (id.) ; Vivre pour vivre (1967) ; Loin du Viêt-nam (une séquence, id.) ; Treize Jours en France (1968) ; la Vie, l'amour, la mort (1969) ; Un homme qui me plaît (id.) ; le Voyou (1970) ; Smic, smac, smoc (1971) ; l'Aventure, c'est l'aventure (1972) ; la Bonne Année (1973) ; Toute une vie (1974) ; Mariage (1974) ; le Chat et la Souris (id.) ; le Bon et les Méchants (1976) ; Si c'était à refaire (id.) ; Un autre homme, une autre chance (1977) ; Robert et Robert (1978) ; À nous deux (1979) ; les Uns et les Autres (1981) ; Édith et Marcel (1983) ; Viva la vie (1984) ; Partir, revenir (1985) ; Un homme et une femme : vingt ans déjà (1986) ; Attention Bandits (1987) ; Itinéraire d'un enfant gâté (1988) ; Il y a des jours et des lunes (1990) ; la Belle Histoire (1992) ; Tout ça ... pour ça (1993) ; les Misérables (1995) ; Hommes, femmes : mode d'emploi (1996) ; Hasards et coïncidences (1998) ; Une pour toutes, toutes pour une (1999).

LEMAIRE (Philippe)

acteur français (Moussy-le-Neuf 1927).

Il connaît très jeune le vedettariat avec la pièce de Roger Ferdinand, Ils ont vingt ans. À l'écran, sa blondeur et son sourire romantiques se marient mal avec des airs de gigolo qui font penser au Georges Flamant d'avant-guerre. Dans ce registre, il connaîtra pourtant quelques succès, par exemple dans Quand tu liras cette lettre (1953) de Jean-Pierre Melville (aux côtés de son épouse d'une saison, Juliette Gréco). On l'a vu aussi dans Christ interdit (C. Malaparte, 1951), les Mauvaises Rencontres (A. Astruc, 1955), le Vice et la Vertu (R. Vadim, 1963), dans le rôle du père du Diable au cœur, de Bernard Queysanne, en 1977.

LEMAÎTRE (Maurice)

poète et cinéaste expérimental français (Paris 1926).

Pionnier du cinéma lettriste aux côtés de Isidore Isou, éternel franc-tireur, il rompt des lances depuis cinquante ans contre les « pompiers » et les « falsificateurs » du cinéma, cherchant inlassablement à jeter les bases d'une « nouvelle culture ». De Le film est déjà commencé ? (1951) à Projection privée (1978), en passant par Moteur ! (1967) et Une copie mutilée (1973), Lemaître se veut « toujours à l'avant-garde de l'avant-garde, jusqu'au paradis et au-delà »... Sa filmographie compte une centaine de films, vidéos, performances, et sa bibliographie autant de traités, pamphlets, manifestes et revues. Grand inventeur de formes, il peut légitimement revendiquer nombre d'initiatives, comme la dissociation systématique de l'image et du son, le montage aléatoire, l'absence d'image, la redéfinition de la séance de cinéma, qui seront reprises et popularisées par d'autres cinéastes aujourd'hui plus connus, tels Guy Debord, Jean-Luc Godard ou Marguerite Duras.