Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SCHÜBEL (Rolf)

cinéaste allemand (Stuttgart 1942).

Documentariste très engagé dans les sujets sociaux et politiques, il tourne en co-réalisation avec Theo Gallehr Rote Fahnen sieht man besser (1971) et notamment Arbeitskampf (1972). Il dispose de sa propre société de production à partir de 1974 et collabore principalement avec la télévision de Cologne après avoir participé à plusieurs expériences cinématographiques collectives. Deux de ses documentaires ont connu une large diffusion hors d'Allemagne : À la mémoire d'un monstre (Nachruf auf eine Bestie, 1983) et l'Indien (Der Indianer, 1985-1987). Le premier, consacré à un jeune meurtrier qui a commis plusieurs crimes, s'attache à l'analyse du contexte qui a favorisé l'existence de ce supposé « tueur-né », et intègre magistralement sa confession enregistrée au magnétophone avant sa mort. L'Indien, qui a connu une large diffusion, est le récit de la maladie et de l'agonie d'un homme atteint d'un cancer à la gorge.

En 1990, Schübel passe à la fiction avec le Mal du pays de Walerjan Wrobel (Das Heimweh des Walerian Wrobel), l'histoire d'un jeune Polonais déporté dans un camp de travail nazi. Après Todfeinde – von Sterben und Leben in Stalingrad (CO Grigori Tchoukhraï, 1993), il revient à la télévision puis dirige une coproduction germano-hongroise très romanesque, qui brode sur la vie de l'auteur d'une chanson des années 1930, Sombre dimanche : Ein Lied von Liebe und TodGloomy Sunday (2000).

SCHÜFFTAN.

Procédés Schüfftan, truquages dus au chef opérateur E. Schüfftan, permettant de marier dès la prise de vues plusieurs éléments visuels. ( EFFETS SPÉCIAUX.)

SCHÜFFTAN (Eugen [aux États-Unis Eugene Shuftan])

chef opérateur américain d'origine allemande (Breslau [auj. Wrocław, Pologne], 1893 - New York, N. Y., 1977).

Peintre, sculpteur, architecte et décorateur, il vient au cinéma au début des années 20 et s'y consacre d'abord à la création d'effets spéciaux photographiques, en particulier pour Metropolis (F. Lang, 1926), où il utilise une combinaison de maquettes aux décors réels connue comme « procédé Schüfftan », et Narkose (A. Abel, 1929). Il éclaire des films comme la Reine Louise (K. Grune, 1927), les Hommes, le dimanche (R. Siodmak et E. G. Ulmer, 1929), Abschied (Siodmak, 1930), l'Atlantide (G. W. Pabst, 1932) ou Der Laüfer von Marathon (E. A. Dupont, 1933) et coréalise avec Franz Menzler Das Ekel (1931) avant d'émigrer en France en 1933. Il y participe de façon décisive aux recherches formelles qui aboutiront au « réalisme poétique » français avec des films comme Du haut en bas (Pabst, 1933), La crise est finie (Siodmak, 1934), la Symphonie des brigands (F. Feher, 1935), la Tendre Ennemie (M. Ophuls, 1936), Mademoiselle Docteur (Pabst, 1937), Forfaiture (M. L'Herbier, id.), Drôle de drame (M. Carné, id.), Yoshiwara (Ophuls, id.), Mollenard (Siodmak, 1938), le Roman de Werther (Ophuls, id.), Quai des brumes (Carné, id.), Trois Valses (L. Berger, id.), le Drame de Shanghai (Pabst, id.), Sans lendemain (Ophuls, 1940). Il s'exile aux États-Unis en 1940 et devient citoyen américain en 1947. Sa carrière après la guerre est internationale et jalonnée de réussites (presque toujours en noir et blanc) comme l'Aveu (D. Sirk, 1944), Barbe-Bleue (Ulmer, id.), la Double Énigme (Siodmak, 1946, non cré-dité), le Rideau cramoisi (A. Astruc, 1952), Marianne de ma jeunesse (J. Duvivier, 1955), la Tête contre les murs (G. Franju, 1959), les Yeux sans visage (id., 1960), Au bout de la nuit (J. Garfein, 1961), l'Arnaqueur, qui lui vaut un Oscar (R. Rossen, id.), Lilith (id., 1964), la Grande Frousse (J. -P. Mocky, id.), Trois Chambres à Manhattan (Carné, 1965).

SCHULBERG (Budd)

scénariste américain (New York, N. Y., 1914).

Fils du célèbre B. P. Schulberg, grand producteur de la Paramount, Budd Schulberg grandit à Hollywood. Vers la fin des années 30, il collabore à des scénarios (Une étoile est née, W. A. Wellman, 1937). En 1941, il devient célèbre avec un roman où ses souvenirs hollywoodiens, évoqués dans une langue acerbe et critique : Qu'est-ce qui fait courir Sammy ?, scandalisent les milieux de l'industrie cinématographique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il travaille aux côtés de John Ford pour une série de films documentaires. En 1951, amené à comparaître devant le HUAC (Comité des activités antiaméricaines organisé par le sénateur McCarthy), il reconnaît avoir appartenu au parti communiste américain dans les années 30, pour une très brève période, et donne les noms de plusieurs collègues de l'industrie cinématographique accusés d'être des « compagnons de route ». Il transpose indirectement cette expérience dans des scénarios écrits pour Elia Kazan dans les années suivantes : Sur les quais (1954), pour lequel il obtient l'Oscar du meilleur scénario, et Un homme dans la foule (1957). Il est également l'auteur du très beau scénario de la Forêt interdite (N. Ray, 1958), qui reste une de ses contributions les plus remarquables au cinéma, son écriture à la fois poétique et dense étant remarquablement adaptée à l'esthétique et au rythme des films de Nicholas Ray. Il a écrit un livre sur son père et l'âge d'or d'Hollywood : Moving Pictures.

SCHUMACHER (Joel)

cinéaste américain (New York, N.Y., 1939).

Ancien étalagiste puis costumier, puis scénariste, Joel Schumacher est depuis 1981 l'un des réalisateurs les plus sûrs d'Hollywood. On peut le regretter tant il affiche la vulgarité et le goût de la violence gratuite stigmatisés par ceux qui n'aiment pas le cinéma américain. Schumacher y ajoute une propension au crapoteux et au moralement douteux que l'on trouve même dans son film le plus digne (Falling Down, 1993). Il compléta sans réel panache la série Chute libre des Batman après la défection de Tim Burton (Batman Forever, id., 1995 ; Batman & Robin, id., 1996) et signa un film sans doute personnel avec le très visqueux 8 Millimètres (8 mm-Eight Millimeters, 1999).

SCHÜNZEL (Reinhold)

acteur et cinéaste allemand (Hambourg 1888 - Munich 1954).

D'abord homme d'affaires puis journaliste, il ne vient au théâtre que tard et entreprend à partir de 1916 une carrière parallèle d'acteur (Journal d'une fille perdue, 1re version due à R. Oswald, 1918 ; Madame du Barry, E. Lubitsch, 1919) et de cinéaste (à partir de 1919). Il a réalisé plus de vingt films muets entre 1918 et 1930. Les comédies brillantes, parfois à la limite du scabreux, qu'il réalise dans les années 30 sont souvent séduisantes : Das schöne Abenteuer (1931, et sa version française, la Belle Aventure), Viktor und Viktoria (1933, et sa version française Georges et Georgette), Amphitryon (1935, et sa version française, Les dieux s'amusent), Donogoo Tonka (1936). Mais il est tenu en suspicion par les nazis, qui se méfient de son ironie et de son irrespect et qui détestent les films de ce « demi-Juif », en particulier Au pays de l'amour (Land der Liebe, 1937), qui est mutilé par la censure. Schünzel quitte donc l'Allemagne avant même la sortie du film. Émigré aux États-Unis, il réalise Balalaïka (1939) et d'autres titres aussi médiocres et aussi fraîchement reçus. Il se reconvertit vite au rôle d'acteur. Malgré son physique arrondi de bonhomme placide, il est souvent inquiétant, comme dans Les bourreaux meurent aussi (F. Lang, 1943), où il est un tortionnaire de la Gestapo, les Enchaînés (A. Hitchcock, 1946), où il incarne un espion nazi. Il revient en Allemagne peu avant sa mort.