Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
P

PENN (Arthur) (suite)

Ces neuf films, auxquels la participation d'Arthur Penn à Visions of Eight (1973, sur les jeux Olympiques) reste un peu étrangère, fournissent un ensemble remarquablement cohérent et inégal à la fois. Cohérent de propos, sûrement : Penn n'arrête pas de manifester sa conscience de l'obscur et son besoin de lumière et de calme. Inégal de facture : peu de ses films respirent d'un souffle régulier, ce qui n'est pas étonnant pour une œuvre dont le déséquilibre est l'un des fils conducteurs. Dans le Gaucher, il donne l'impression de ne pas encore pouvoir pulvériser, comme il le fera, les scories littéraires et freudiennes du scénario. Bonnie and Clyde, Little Big Man et Missouri Breaks sont construits sur des hauts et des bas, pour les deux derniers, d'approximations scénaristiques que le cinéaste ne masque pas toujours (Missouri Breaks est, explicitement, un film qui ne se termine pas). La Fugue procède dans l'incertitude jusqu'à un final splendide qui, par sa réussite, accuse encore le flou du début. Miracle en Alabama, la Poursuite impitoyable et Alice's Restaurant sont d'un bloc, totalement maîtrisés. Dans les deux premiers cas, Penn tient parfaitement la gageure d'un film instinctif sur un canevas très écrit et, pour le dernier, d'un film très écrit sur un canevas en roue libre. Il cerne aussi, dans ces trois films, avec une justesse toute personnelle, les différents visages de l'enfance, de l'adolescence et de la jeunesse.

À ces trois titres s'ajoute Georgia (Four Friends, 1981), qui parle des mêmes choses, qui met en scène les mêmes désordres, mais qui témoigne d'une sérénité totale vers laquelle Penn, jusqu'alors, n'avait que tendu. Film à la fois déchirant et lumineux, il impose son auteur comme l'un des rares qui ait poussé jusqu'au bout le portrait de l'Amérique de sa génération. En 1985, le cinéaste signe Target, un thriller d'espionnage, avec Gene Hackman, en 1987, Froid comme la mort (Dead of Winter), en 1989, Penn and Teller Get Killed et, en 1996, Inside.

L'apparente inégalité n'entame en rien l'importance du travail d'Arthur Penn, directeur d'acteurs inspiré et technicien aux intuitions géniales. Bien au contraire, elle est la preuve irréfutable de sa rigueur et de son honnêteté et de l'originalité de son entreprise. Arthur Penn est un authentique cinéaste moderne. ▲

PENN (Sean)

acteur et réalisateur américain (Burbank, Ca., 1960).

Né dans une famille d'acteurs (il est le fils du comédien et metteur en scène Leo Penn), il brûle vite les planches et débute au cinéma à vingt ans dans Taps (H. Becker, 1981) : la manière dont ce jeune garçon au physique buté et à l'expression intense tenait tête à un acteur aguerri comme George C. Scott était le signe d'un talent naturel et opiniâtre. Des réalisateurs importants le remarquent (Crackers, L. Malle, 1984, remake du Pigeon de M. Monicelli) et des rôles à la James Dean assoient sa réputation de rebelle (Comme un chien enragé, At Close Range, James Foley, 1986). Un mariage éclair avec Madonna lui apporte la consécration, mais le couple est réuni dans un gros insuccès commercial (Shanghai Surprise, id., J. Foley, 1986). Brian De Palma fait de lui un véritable acteur de composition : sergent bestial et criminel pendant la guerre du Viêt Nam (Outrages, 1989) ou avocat marron, camé et corrompu (l'Impasse, 1993). Peu de temps après, Sean Penn passe à la réalisation avec Indian Runner (id., 1991), joli film intimiste, et remporte une véritable consécration avec Crossing Guard (id., 1995), puis The Pledge (id. 2001). Ce succès ne lui fait pas délaisser le métier d'acteur ; son interprétation écorchée dans la Dernière Marche (T. Robbins, id.) lui vaut une nomination à l'oscar. Il est également remarquable en inquiétant enfant gâté dans The Game (D. Fincher, 1997), en « looser » désespéré dans U-turn, ici commence l'enfer (O. Stone, id.) ou en écrivain dandy et alcoolique dans The Weight of Water (K. Bigelow, 2000). Son frère, Christopher Penn, a reçu le prix d'interprétation masculine au Festival de Venise 1997 pour Nos funérailles (A. Ferrara).

PENNEBAKER (Don Alan)

documentariste américain (Evanston, Ill., 1930).

Il poursuit des études au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et travaille comme ingénieur à New York après son service militaire. Il peint aussi et s'occupe de publicité. Il aborde le film avec Daybreak Express en 1953 : c'est un collage d'images sur le métro new-yorkais, soutenu par une musique de Duke Ellington. À partir de 1958, il participe à l'aventure du cinéma direct. Cette année-là, Robert Drew fonde la Drew Associates afin d'expérimenter une nouvelle forme de journalisme filmé. Il intègre Pennebaker dans son équipe, qui comprend déjà Richard Leacock et Albert Maysles. Les quatre hommes donnent, en 1960, avec Primary, le manifeste esthétique de leur mouvement. Au sein de la Drew Associates, Pennebaker participe à la réalisation de Yankee No ! (CO Leacock, Drew, Maysles, 1960), The Chair (CO Leacock et Gregory Shuker, 1962),... Jane (CO Leacock, Hope Rydan, Shuker et Abott Mills). Après leur départ de la Drew Associates en 1963, Leacock et Pennebaker fondent leur propre société de production. Pennebaker met ses connaissances du cinéma direct au service de la confection de portraits de musiciens à travers des reportages sur des concerts de rock : Don't Look Back (1967), sur une tournée de Bob Dylan, Monterey Pop (1968), Sweet Toronto (1971), Bowie (1973). En 1968, il travaille avec Jean-Luc Godard sur un projet appelé One A. M. (One American Movie). Après l'abandon du cinéaste français, Pennebaker termine le film qu'il baptise : One P. M. (One Parallel Movie ou One Pennebaker Movie). Il existe, en fait, deux versions de cette bande. Grâce à ses œuvres sur la culture rock, qui recoupent un phénomène de société, Pennebaker est un des rares documentaristes à connaître un certain succès public. On lui doit également Jule Styne Tribute (1974), Ives Rehearsal (1976), Jingle Bells (1978), The Energic War (1979, CO Chris Hegedus), Elliot Carter at Buffalo (id., CO C. Hegedus et Leacock), Baltimore (1980, CO C. Hegedus et Jim Desmond), De Lorean (1981, CO C. Hegedus), Rockaby (1982, CO C. Hegedus), Haïti, a Visit to Katheryn Dunham (1983), Dance Black America (id., CO C. Hegedus), Jimi Plays Monterey (1986, prises de vues 1968), 10th Anniversary of the Rocky Horror Picture Show (id.), Shake-Otis Redding at Monterey (id.), The War Room (1993), Moon Over Broadway (1997, CO C. Hegedus).