Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
P

PACINO (Al) (suite)

Ce qui rend sa composition dans le Parrain, si saisissante, c'est l'ambiguïté de ce regard qui donne la mort et qui crie au secours en même temps. En fait, si Al Pacino connaît assez peu de limites, il possède cependant un registre qu'il a très exactement défini : il excelle dans les rôles de victimes, pitoyables (Panique à Needle Park, l'Épouvantail, Un après-midi de chien) ou non (Serpico, Bobby Deerfield), car, dans cette situation, son regard peut, comme aucun, devenir implorant et désespéré, sublimant la froideur la plus figée en une espèce de hargne masochiste au renoncement christique. Indiscutablement, Al Pacino connaît ses atouts et il en joue en maître. Il a pu accepter sans déchoir des rôles de routine (Justice pour tous) : il y donne souvent l'impression d'un naturel total. Chaque personnage est le fruit d'un long travail de l'intérieur ; pour cela, son interprétation remarquable de Bobby Deerfield ou de la Chasse ne donne à la première vision qu'une impression de raideur et ne se développe que lentement dans l'esprit du spectateur.

Al Pacino est un immense acteur, mais, de plus, sans avoir comme De Niro ou Harvey Keitel, été associé à un cinéaste en particulier, il peut se glorifier d'une série de films d'une rare qualité. Cela est particulièrement perceptible dans l'évolution récente de sa carrière : c'est un personnage durci, plus sujet aux colères (« Pacino blast ») que le public attend toujours avec délectation : pourtant on perçoit une véritable exigence à travers sa confiance grandissante en des cinéastes ambitieux qui offrent à ses prestations des écrins dignes d'elles (Révélations, M. Mann, 1999 ; l'Enfer du dimanche, O. Stone, id.). On ne saurait dire, comme certains l'ont fait hâtivement, que le public américain s'est reconnu en lui : il n'est pas de ceux qui provoquent les engouements et lui-même tient trop fermement le public à distance pour que cela se produise. Mais il est indéniable que sa tristesse profonde, la nostalgie de l'anonymat qu'il véhicule reflètent un désenchantement et une angoisse qui dépassent largement le cas archétypal. ▲

PADOVANI (Lea)

actrice italienne (Montalto di Castro 1920 - Rome 1991).

Elle étudie à l'Accademia d'Arte drammatica de Rome et débute au théâtre de variété à côté du comique Erminio Macario, avec qui elle interprète aussi son premier film : L'innocente Casimiro (Carlo Campogalliani, 1945). Elle joue ensuite dans un célèbre drame néoréaliste sur la Résistance : Le soleil se lève encore (A. Vergano, 1946). Son caractère fort est bien utilisé par Edward Dmytryk dans Donnez-nous aujourd'hui (1949), où elle obtient un succès mondial. Les quelque cinquante films qu'elle tourne ensuite sont des drames sociaux ou des comédies populaires. Parmi ceux-ci, il faut citer : Acte d'accusation (Atto di accusa, Giacomo Gentilomo, 1950), Onze heures sonnaient (G. De Santis, 1952), Totò e le donne (Steno et M. Monicelli, id.), Quelques Pas dans la vie (A. Blasetti, 1954), Gran varietà (Domenico Paolella, id.), Dossier noir (A. Cayatte, 1955), Pain, amour, ainsi soit-il (D. Risi, id.), Montparnasse 19 (J. Becker, 1958), la Princesse de Clèves (J. Delannoy, 1961), l'Ennui (D. Damiani, 1963), Frenesia dell'estate (L. Zampa, 1964), Un homme à moitié (V. De Seta, 1966), Ciao Gulliver (Carlo Tuzii, 1970).

PADRÓN (Juan)

cinéaste cubain (Cárdenas, Matanzas, 1947).

Le principal créateur de l'école cubaine d'animation a débuté comme dessinateur dans la presse. Son personnage le plus populaire, Elpidio Valdés, combattant mambí des luttes d'indépendance, apparaît pour la première fois dans la revue pour enfants Pionero (1970). Padrón aborde « l'image par image » aux studios de l'armée. Intégré à l'ICAIC (Institut cubain de l'art et de l'industrie cinématographiques), il commence justement avec Una aventura de Elpidio Valdés (CM, 1974). Le petit héros échappe aux conventions des manuels par son espièglerie et sa décontraction, proches de la tradition picaresque, même si son auteur est d'une épatante méticulosité dans la reconstitution d'époque, visible en particulier dans ses longs métrages, Elpidio Valdés (1979) et Elpidio Valdés contra dólar y cãnón (1983). Cependant, Padrón développe d'emblée d'autres styles graphiques à l'occasion de films à contenu didactique, tels que Horologium, que quiere decir reloj, Velocipedia et La silla, trois courts métrages de 1974. Il élargit davantage sa palette grâce aux gags absurdes et à l'humour noir de la série des Filminutos (à partir de 1980), qui débouche finalement sur son long métrage le plus original, Vampires à La Havane (¡Vampiros en La Habana !, 1985). Parallèlement, il entreprend une collaboration fructueuse avec le dessinateur argentin Quino, le «  père  » de Mafalda, dont il met en mouvement la veine la plus acide, dans la série des Quinoscopio (à partir de 1985). En 1996 il signe le long métrage Contra el águila y el león.

PAGANO (Bartolomeo)

acteur italien (Sant‘ Ilario, Gênes, 1878 - id. 1947).

C'est Maciste, le « mastodonte aux vastes oreilles » (Nino Frank), barbouillé de noir pour tenir le rôle d'un esclave dévoué dans Cabiria, épopée de Pastrone à ses mesures (1914). L'énorme docker (c'était son métier) prit goût à déménager les lions et les gladiateurs. Le triomphe que lui fait le public ouvre un avenir à son personnage de brute au grand cœur. L'Itala Film lui commande alors d'endosser pour les besoins patriotiques de l'heure l'uniforme des Bersagliere, puis celui des chasseurs alpins (1916). On devine la suite : le brave Maciste doit se battre contre tous et contre tout, y compris lui-même, jusqu'à devenir somnambule, voyager, partir en vacances... ou même se risquer aux enfers pour le premier film de Mario Camerini (1926). Il met les pouces en 1928, après un Giuditta e Oloferne qui, sans doute, lui coupe toute envie de courir après sa tête. Il avait même tourné en Allemagne sous la direction de Carl Boese : Maciste und die chinesische Truhe (1923).

Le personnage a été remis à l'honneur, encore que ce soit beaucoup dire, dans les années 60, lorsque le péplum revint à la mode. Quelque vingt-cinq films sont tournés en cinq ans (il y a parfois des variations étranges, Maciste, selon la diffusion des films, pouvant s'appeler Tarzan ou Marcus). Ainsi Mark Forest, Mitchell Gordon, Gordon Scott, Samson (un prénom en situation) Burke, entre autres, relevèrent-ils, pas bien haut, le gant de l'ex-docker.