Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

STILL.

Mot anglais désignant une photographie (réalisée par un photographe ou obtenue par agrandissement d'une image de film), par opposition aux images animées.

STILLER (Mosche, dit Mauritz)

cinéaste suédois (Helsingfors [auj. Helsinki], Finlande, 1883 - Stockholm 1928).

D'origine juive — son père était musicien dans l'armée russe —, il apprend très jeune à chanter, à jouer du violon, à s'exprimer dans plusieurs langues différentes et éblouit son entourage en récitant sans effort apparent des œuvres de Shakespare et de Molière. Pour échapper à la conscription — la Finlande en ce temps dépend encore de l'autorité des tsars —, il s'enfuit en Suède, qui devient bientôt sa terre d'adoption puis sa vraie patrie. Passionné par le théâtre, il s'engage dans différentes troupes itinérantes avant de faire la connaissance du producteur Charles Magnusson qui, séduit par le charme, l'élégance, le brillant de ce jeune artiste, l'engage à peu près en même temps que celui qui va devenir son ami et son compagnon d'aventure : Victor Sjöström. Les deux débutants, avec leur style propre (Stiller le raffiné, Sjöström le poète de la nature), débutent comme acteurs puis se voient confier leurs premières mises en scène. Pendant quatre ans, Stiller fait ses gammes — hélas ! nombreux sont les petits films de cette période qui ont disparu à jamais lors d'un incendie de la Svenska Bio. Déjà, cependant, il se fait remarquer par sa technique à la fois souple et audacieuse (les Masques noirs, 1912 ; la Vampire, id. ; le Mari tyrannique, id. ; l'Enfant, id. ; À cause de son amour, 1913 ; les Ailes, 1916). Amour et Journalisme semble avoir été sa première œuvre d'envergure (cette comédie pétillante décrit l'aventure d'une jeune journaliste qui n'hésite pas à se transformer en employée de maison chez un célèbre explorateur polaire afin de décrocher un « scoop » pour son journal). Le Meilleur Film de Thomas Graal (1917) et Leur premier-né (1918) poursuivent le même filon avec un bonheur d'expression tout à fait original, que les spectateurs retrouveront amplifié deux ans plus tard dans Vers le bonheur, adaptation piquante de la pièce du Hongrois Ferenc Herczeg : le Renard argenté. Stiller semble appartenir à la même famille d'esprit que Lubitsch avec un zeste supplémentaire d'extravagance et de dandysme. Mais il ne souhaite pas rester prisonnier d'un genre, fût-il le plus spirituel et le plus valorisant. Victor Sjöström, ayant acquis une solide réputation après les Proscrits et la Fille de la tourbière, ouvre la voie du réalisme dramatique et allégorique en s'inspirant de quelques chefs-d'œuvre littéraires scandinaves : l'année même où il adapte Selma Lagerlöf en signant la Voix des ancêtres, Mauritz Stiller de son côté tourne le Chant de la fleur écarlate d'après le roman finlandais de Johannes Linnankoski. En 1919, les deux cinéastes dirigent deux œuvres majeures, toutes deux extraites de l'œuvre de Lagerlöf. Sjöström met en scène la deuxième partie du cycle romanesque Jérusalem en Dalécarnie, sous le titre la Montre brisée, et Stiller offre le Trésor d'Arne, dont les somptueuses images signées Julius Jaenzon et Gustav Boge séduiront Eisenstein qui s'en souviendra pour son Ivan le Terrible. On retrouve le même talent dans À travers les rapides (1921, d'après un roman finlandais de Juhani Aho) et dans deux nouvelles adaptations de Selma Lagerlöf : le Vieux Manoir (1922) et la Légende de Gösta Berling (1924, qui révèle aux côtés de Lars Hanson une actrice promue à un avenir radieux : Greta Garbo). Stiller souhaite sans doute devenir le Pygmalion d'une Garbo qui l'éblouit : il accepte les propositions d'une firme allemande, la Trianon, qui offre à la nouvelle vedette le premier rôle de l'Odalisque de Smolina. Mais la firme fait faillite, le film est abandonné. Le triomphe de Gösta Berling dans la capitale allemande permet à Garbo de jouer dans la Rue sans joie de Pabst en 1925. Le producteur américain Louis B. Mayer, en voyage en Europe, se fait projeter le film et, enthousiaste, supplie Stiller de venir tourner à Hollywood. Ce dernier accepte si du moins Mayer engage aussi Greta Garbo. Le couple part pour les États-Unis en juillet 1925. Mais Stiller déchante vite : il déplaît souverainement à l'éminence grise de Louis B. Mayer, l'autoritaire Irving Thalberg. Sa sensibilité à fleur de peau, ses caprices, ses excentricités financières le conduisent à se voir écarter de la réalisation du Torrent (que dirigera Monta Bell avec — comble d'amertume pour Stiller — Greta Garbo en tête d'affiche, 1926), à ne tourner que quelques scènes de la Tentatrice (1926, signé par Niblo). Ayant quitté la MGM pour la Paramount, où il est accueilli par Erich Pommer, il ne réussit vraiment à contrôler la réalisation que de deux films : Hôtel impérial (1927) et Confession (id.), dont la vedette n'est pas Greta Garbo mais Pola Negri. Découragé, malade, en proie à des dépressions nerveuses, il ne peut mener à bien ses projets — il sera remplacé par Rowland V. Lee sur le plateau de Barbed Wire (1927), par Josef von Sternberg sur celui de la Rue du péché (1928). Une santé de plus en plus déficiente achève de le briser : les médecins lui recommandent d'aller respirer au plus vite l'air des montagnes suédoises. Il n'en aura pas le temps : il s'éteint à Stockholm le 8 novembre 1928 à l'âge de 45 ans.

Films  :

Mère et fille (Mor och dotter, 1912) ; les Masques noirs (De svarta maskerna, id.) ; Lorsque retentit le tocsin (När larmklockan Ljuder, id.) ; Lorsque la belle-mère gouverne (När svärmor regerar, id.) ; Lorsque l'amour tue (När Kärleken dödar, id.) ; le Fiancé tyrannique (Den tyranniske fästmannen, id.) ; la Vampire ou l'Esclave d'une femme (Vampyren eller En kvinnas slav, id.) ; l'Enfant (Barnet, id.) ; les Conflits de la vie (Livets konflikter, 1913) ; Modernes Suffragettes (Den Moderna suffragetten, id.) ; les Frères (Bröderna, id.) ; Une querelle de frontières / les Frontaliers (Gränsfolken, id.) ; À cause de son amour (För sin kärleks skull, id.) ; Sur les chemins du destin (Pä livets ödevägar, id.) ; le Mannequin (Mannekängen, id.) ; le Grand Camérier (Kammarjunkaren, id.) ; l'Inconnue (Den ökanda, id.) ; Quand les artistes sont amoureux (Nar konstnärer älska, 1914) ; les Camarades de jeux (Lekkamraterna, id.) ; l'Épine rouge (Det röda tornet, id.) ; l'Abri (Skottet, id.) ; l'Oiseau de la tempête / le Tourmentin (Stormfågeln, id.) ; le Poignard (Dolken, id.) ; l'As des voleurs (Mästertjuven, 1915) ; le Mouilleur de mines (Minlotsen, id.) ; le Passé de son épouse (Hans hustrus förflutna, id.) ; Madame de Thèbes (id., id.) ; les Ports (Hämnaren, id.) ; Sa nuit de noces (Hans bröllopsnatt, id.) ; la Broche du bonheur (Lyckonnålen, id.) ; la Lutte pour son amour (Kampen om hans hjärta, 1916) ; les Ailes (Vingarna, id.) ; Amour et Journalisme (Kärlek och journalistik, id.) ; l'Étoile du ballet / Wolo (Balettprimadonnan, id.) ; Alexandre le Grand (Alexander den store, 1917) ; le Meilleur Film de Thomas Graal (Thomas Graals bästa film, id.) ; Leur premier-né (Thomas Graals bästa barn, 1918) ; le Chant de la fleur écarlate (Sången om den eldröda blomman, id.) ; le Trésor d'Arne (Herr Arnes pengar, 1919) ; La Vengeance de Jakob Vindas (Fiskebyn, id.) ; Vers le bonheur (Erotikon, 1920) ; À travers les rapides (Johan, 1921) ; les Émigrés (De landsflyktige, id.) ; le Vieux Manoir (Gunnar Hedes saga, 1923) ; la Légende de Gösta Berling (Gösta Berlings saga, 1924) ; la Tentatrice (The Temptress, US, terminé et signé par F. Niblo, 1926) ; Hôtel Impérial (id., US, 1927) ; Barbed Wire (quelques séquences, remplacement de Stiller par R. V. Lee, US, id.) ; Confession (The Woman on Trial, US, id.) ; la Rue du péché (The Street of Sin, complété par J. von Sternberg, US, 1928).