Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SKOLIMOWSKI (Jerzy)

cinéaste polonais (Łodz 1936).

À peine sorti de l'université, il publie trois recueils de nouvelles et de poèmes et écrit avec Andrzej Wajda le scénario des Innocents charmeurs (1959) tout en se consacrant à la boxe en amateur. Wajda le fait alors entrer à la fameuse école de cinéma de Łódź, où il se lie avec Roman Polanski (avec qui il écrit le scénario du Couteau dans l'eau, réalisé en 1961), et dirige un moyen métrage qu'il interprète : Boxer (id.) et plusieurs courts métrages. Il s'impose internationalement avec son premier long métrage : Signe particulier : néant (Rysopis, 1964), dont il est aussi scénariste, décorateur, monteur et principal interprète, et avec la suite qu'il lui donne l'année suivante : Walkover (1965), dans laquelle il incarne un étudiant, boxeur amateur, qui erre dans la vie à la recherche d'un but et ne rencontre que vide autour de lui. Après la Barrière (Bariera, 1966) et le Départ (BEL, 1967), il entreprend une virulente satire : Haut les mains ! (Rece do gory), qui, interdite par les autorités, ne sera achevée et distribuée que près de quinze ans plus tard, et pour seulement quelques mois. À partir de 1968, il se partage entre la Grande-Bretagne et la Pologne et commence la plus cosmopolite des carrières : Dialog 20-40-60 (un sketch, TCH, 1968), les Aventures du brigadier Gérard (The Adventures of Gerard, GB-IT-SUI, 1970) d'après Conan Doyle, Deep End (id., ALL-US, id.), Roi, dame, valet (Herzbube / King, Queen, Knave, ALL-US, 1972), le Cri du sorcier (The Shout, GB, 1978), Travail au noir (Moonlighting, GB, 1982). Au décousu délibéré des premiers films succède, dans cette seconde phase de sa carrière, une rigueur de plus en plus exigeante qui parvient à préserver, dans les meilleurs cas (Deep End, Travail au noir), l'illusion de l'improvisation tout en en élaguant les facilités.

Errance ou désarroi de l'adolescence, plongée dans la folie, incapacité de communiquer, expatriation : le dénominateur commun des films majeurs de Skolimowski est bien l'isolement qui fait de l'homme, où qu'il soit, un étranger au monde. Mais si le réalisateur propose à sa manière métaphorique une vision à la fois fataliste et tragique de la société contemporaine, il le fait sur un ton très personnel, oscillant entre un pathétique et un comique toujours décalés, qui dément narquoisement l'ambition de ses intentions : commentaire évident de la situation polonaise contemporaine, Travail au noir est aussi un tableau incisivement drôle de la société anglaise en même temps qu'un autoportrait sans complaisance de Skolimowski lui-même, autoportrait qu'il tente de peaufiner, mais avec moins d'efficacité, dans le Succès à tout prix (Success Is the Best Revenge, 1984). En 1985, le cinéaste tourne un brillant huis clos maritime qui est aussi un suspense policier, proche des œuvres de John Huston : le Bateau-phare (The Lightship) avec Robert Duvall et Klaus-Maria Brandauer, avant de s'égarer du côté de Tourgueniev dans Eaux printanières (Torrents of Spring, 1989) où la joliesse des images ne parvient guère à rendre séduisante une mise en scène appliquée et conformiste. En 1991 il signe Ferdydurke. L'emploi restreint du dialogue, l'utilisation mesurée de la caméra subjective et un travail constant sur les correspondances chromatiques caractérisent formellement une œuvre singulière et forte, toujours sur le point de basculer dans l'absurde surréel, profondément polonaise dans son apparent manque d'identité culturelle, qui pose sur le monde le regard de l'éternel étranger.

SKOUEN (Arne)

cinéaste norvégien (Oslo 1913).

Il est d'abord marin, puis journaliste avant de publier, en 1937, un roman : Ruth devrait me voir (Na skulde Ruth sett mig). En 1943, les nazis interdisant les représentations de sa pièce la Chaise dorée (Gullstolen), il s'enfuit en Suède puis gagne la Grande-Bretagne et les États-Unis. Il revient dans son pays après la guerre, obtient deux succès littéraires : la Fête au port des galets (Fest i port des galets, 1947) et les Voyous (Gategutter, 1948). Il porte à l'écran ce dernier roman en collaboration avec Ulf Greber. Le thème de la Seconde Guerre mondiale lui inspire Atterrissage forcé (Nödlanding, 1951). Il réalise ensuite le Cirque Fandango (Circus Fandango, 1953), la Flamme (Det brenner i natt, 1954), les Enfants du soleil (Barn av solein, 1955) et surtout le Rescapé (Ni liv, 1957), film semi-autobiographique qui conte l'évasion d'un résistant vers la Suède en 1943. Après une pause, Skouen signe un film ambitieux An-Magritt (1969), où apparaît la toute jeune Liv Ullmann. Skouen peut être considéré comme le plus éminent des metteurs en scène norvégiens de l'après-guerre.

SKOURAS (Spyros)

producteur américain d'origine grecque (Skourohorion, Grèce, 1893 - Mamaroneck, N. Y., 1971).

Fils d'un pauvre berger, il émigre aux États-Unis en 1910 avec deux de ses frères, Charles et George. À force de travail et d'économies, ils finissent par prendre le contrôle de l'ensemble des cinémas de la ville de Saint Louis. À la fin des années 20, ils vendent leur chaîne de cinémas à la Warner, et Spyros est bientôt nommé à la tête de la direction de l'ensemble du circuit Warner. En 1930, il quitte la Warner pour rejoindre la Paramount. En 1932, il sauve la Fox de la banqueroute et se fait l'artisan de son association avec la Twentieth Century. Il devient président de la Twentieth Century Fox en 1942 et, avec l'aide de Darryl Zanuck, directeur de la production, parvient à donner au studio une place prépondérante dans l'industrie du cinéma. En 1953, il réussit une grande opération avec l'acquisition du procédé CinémaScope, qui ouvre l'ère du grand écran. Mais la prospérité de la firme est fragile et, après le fiasco de Cléopâtre en 1962, bouc émissaire de l'échec, il est destitué de la présidence et démissionne en 1969.

SLEZAK (Walter)

acteur américain, d'origine autrichienne (Vienne 1902 - Flower Hill, N. Y., 1983).

Fils du ténor Leo Slezak, découvert par le réalisateur Mihály Kertész (Michael Curtiz) en 1922, il interprète sous sa direction, en Autriche, son premier film, le Sixième Commandement (Sodom und Gomorrah), tourne en Allemagne plusieurs œuvres dont le Michaël de Dreyer en 1924, puis émigre aux États-Unis, où il se fixe en 1930. Il travaille longtemps à Broadway avant de revenir au cinéma en 1942, avec Une lune de miel mouvementée (Once Upon a Honeymoon, L. McCarey). Sa corpulence imposante l'ayant obligé à abandonner les rôles de jeunes premiers, il se spécialise vite dans des compositions de personnages abrutis massifs, ou plus fréquemment de « méchants » inquiétants, volontiers fourbes. Suivant les besoins, il peut incarner un pirate (Sinbad le Marin [Sinbad the Sailor], R. Wallace, 1947 ; l'Île au trésor [Treasure Island], J. Hough, 1972 — en Angleterre), un détective corrompu (Né pour tuer, R. Wise, 1947), un matamore tyrannique que Judy Garland doit épouser (le Pirate, V. Minnelli, 1948) ou un agent nazi : dans cette fonction, il est exceptionnellement convaincant de cynisme, et en même temps presque sympathique, dans Lifeboat (A. Hitchcock, 1944). Il est également très ambigu dans Né pour tuer (R. Wise, 1947), en détective corrompu citant constamment la Bible. Il reste dans les mêmes registres tout au long de sa carrière, dans Appelez-moi Madame (W. Lang, 1953), Quand la terre brûle (The Miracle, I. Rapper, 1959), le Rendez-vous de septembre (R. Mulligan, 1961). Parallèlement, il poursuivit une brillante carrière théâtrale à Broadway (son rôle dans la comédie musicale Fanny lui vaut deux récompenses en 1955) et même au Métropolitan Opera, à partir de 1957.