Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ROMM (Mikhaïl) [Mihajl Il'ič Romm] (suite)

En 1962, il fait une retentissante rentrée avec Neuf Jours d'une année, remarquable profession de foi humaniste à propos des problèmes de conscience d'un physicien nucléaire déchiré entre ses dangereuses activités professionnelles et sa vie sentimentale, et tourmenté par ses responsabilités de savant travaillant à la mise au point de la bombe atomique ; la modernité de son expression filmique assure à cette œuvre une place de choix dans le courant de la Nouvelle Vague alors en plein épanouissement. Il témoigne à nouveau de son intérêt pour les grands thèmes de réflexion dans le Fascisme ordinaire (1965), où il rassemble et commente des documents d'archives pour montrer les manifestations quotidiennes du phénomène nazi et dénoncer ses résurgences contemporaines. Et c'est à une actualité plus globale et plus brûlante qu'il s'attache dans ‘ Et pourtant je crois ’ (1975 — après sa mort, le film sera terminé par Guerman Lavrov, Elem Klimov et Marlen Khoutziev), où il esquisse une histoire politique de notre siècle et stigmatise de manière très polémique les errements idéologiques qu'il décèle à l'Ouest (bellicisme, nihilisme, maoïsme) et les responsabilités qu'il leur attribue dans la tension internationale.

Films :

Boule-de-Suif (Pyška, 1934) ; ‘ les Treize (Trinadcat ’, 1937) ; Lénine en octobre (Lenin v Oktjabre, id.) ; Lénine en 1918 (Lenin v 1918 godu, 1939) ; ‘ le Rêve ’ (Mečta, 1943 [ 1941]) ; Matricule 217 (Čelovek No 217, 1945) ; ‘ la Question russe ’ (Russkij vopros, 1948) ; ‘ Vladimir Ilitch Lénine ’ (Vladimir Il'ič Lenin, DOC, id.) ; ‘ Documents cinématographiques sur V. I. Lénine ’ (Kinodokumenty o V. I. Lenin, 1949) ; ‘ Mission secrète ’ (Sekretnaja missija, 1950) ; ‘ Amiral Ouchakov ’ (Admiral Ušakov, 1953) ; ‘ Les navires attaquent les bastions ’ (Korabli šturmujut bastiony, id) ; ‘ Meurtre dans la rue Dante ’ (Ubijstvo na ulice Dante, 1956) ; ‘ Lénine vivant ’ (Živoj Lenin, 1958) ; Neuf Jours d'une année (Devat ‘ dnej odnogo goda, 1962) ; le Fascisme ordinaire (Obyknovennyj fašizm ; DOC, 1965) ; ‘ les Premières Pages ’ (Pervye stranicy, DOC, CO S. Linkov et K. Osin, 1971) ; ‘ Et pourtant je crois ’ (I vsë taki ja verju, DOC, 1975).

RONDI (Brunello)

cinéaste et scénariste italien (Tirano 1924 - Rome 1989).

Assistant et coscénariste de Ultimo amore (Luigi Chiarini, 1947), il collabore ensuite à deux films de Rossellini, Onze Fioretti de François d'Assise (1950) et Europe 51 (1952). Depuis la Strada (1954), il travaille à tous les films de Fellini en tant que coscénariste et conseiller artistique. Il collabore aussi aux scénarios des films de Bolognini (Arabella, 1967), De Sica (le Temps des amants, 1968), Festa Campanile (Scacco alla regina, 1970). Il passe à la mise en scène en 1962 (après quelques courts métrages) en collaboration avec Paolo Heusch : Una vita violenta, un drame réaliste d'inspiration pasolinienne. Son deuxième film, Il demonio (1964), est une intéressante analyse ethnographique de la superstition en Lucanie. Les suivants exploitent le filon de l'érotisme commercial sans ambition ni originalité particulières.

RONET (Maurice)

acteur et cinéaste français (Nice 1927 - Paris 1983).

Formé au Conservatoire, c'est un comédien fin, élégant, nourri de Céline et de philosophie pessimiste. Jacques Becker le fait débuter à l'écran dans Rendez-Vous de juillet (1949). Il n'atteint les premiers rôles qu'une dizaine d'années plus tard, dans deux films que Louis Malle semble avoir écrits pour lui : Ascenseur pour l'échafaud (1958) et le Feu follet (1963). Il s'identifie alors à des personnages inquiets, habités par un mal de vivre qui s'apparente à celui des « hussards » de l'après-guerre. Il s'est également essayé à la mise en scène : le Voleur du Tibidabo (1965), Bartleby (1978, d'après une nouvelle de Hermann Melville), tourné pour la télévision, mais diffusé dans les salles de cinéma, ainsi qu'un documentaire tourné dans les îles de la Sonde sur les derniers lézards géants (l'Île des Dragons, 1973).

Autres films :

Un grand patron (Y. Ciampi, 1951) ; la Jeune Folle (Y. Allégret, 1952) ; le Guérisseur (Ciampi, 1954) ; la Sorcière (A. Michel, 1956) ; Celui qui doit mourir (J. Dassin, 1957) ; Plein Soleil (R. Clément, 1960) ; le Rendez-Vous de minuit (R. Leenhardt, 1961) ; la Longue Marche (A. Astruc, 1966) ; la Ligne de démarcation (C. Chabrol, 1966) ; le Scandale (id., 1967) ; la Femme infidèle (id., 1969) ; la Piscine (J. Deray, id.) ; le Dernier Saut (E. Luntz, 1970) ; Raphaël ou le Débauché (M. Deville, 1971) ; Don Juan 73 (R. Vadim, 1973) ; Mort d'un pourri (G. Lautner, 1977) ; Beau-Père (Bertrand Blier, 1981) ; la Balance (Bob Swaim, 1982).

ROOM (Abram) [Abram Matveevič Room]

cinéaste soviétique (Vilnius, Lituanie, 1894 - Moscou 1976).

Après avoir étudié la neuropsychologie à l'Institut de Petrograd (1915-1917), combattu dans l'Armée rouge, s'être essayé aux professions de dentiste et de journaliste, Room se consacre au théâtre, qu'il pratiquait déjà en amateur depuis l'université. Entre 1919 et 1923, il est metteur en scène du théâtre expérimental pour l'enfance, à Saratov ; en 1923 et 1924, metteur en scène au théâtre de la Révolution à Moscou. Il débute au cinéma en 1924 avec des courts métrages excentriques publicitaires et la comédie antialcoolique ‘ Chasse aux distillateurs clandestins ’, puis, livrant coup sur coup cinq films importants, il s'affirme cinéaste de tout premier plan. La Baie de la mort (1926), dans son traitement narratif, manifeste l'influence du film d'aventures américain, mais impose sa vision de l'histoire qui puise sa force dans le lyrisme de l'espace, le « typage » des caractères, l'insolite néanmoins véridique des angles, des cadres, des effets dramatiques. Trois dans un sous-sol (1927), dont l'ample ouverture (un train roule vers Moscou) vaut bien celle de la Bête humaine de Renoir, s'enferme ensuite dans un logement ultra-exigu pour y débattre de la nouvelle morale sexuelle et de ses difficultés, thèmes repris encore dans ‘ Cahots ’ (1928). Du Fantôme qui ne revient pas (1930), on a dit excellemment qu'il fait songer à Lang par son utilisation de la géométrie, à Resnais pour le mélange vivant du passé et du présent, de l'imaginaire et du réel, à Welles pour son extraordinaire personnage de policier-mouchard en civil. En 1928, Room tournera selon le système d'Aleksandre Chorine le premier film sonore soviétique, œuvre documentaire : ‘ le Plan des grands travaux ’. Proclamant dès 1925 qu'au cinéma « la prééminence appartient aux hommes vivants », Room s'intéresse à la diversité psychologique des êtres et des sentiments ; il s'attarde sur les visages ; il pratique le découpage en continuité, le plan long (la Baie de la mort en contient un de 2 minutes et 12 secondes). Il a le don de la suggestion formelle, de la beauté plastique, de l'émotion souterraine. Ces mérites, affaiblis certes, se retrouvent encore dans Fleurs tardives, réalisé pourtant à 76 ans.