Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
V

VINTON (Will)

cinéaste américain (Mc Minnville, Tenn., 1947).

Dans les années 60, étudiant à l'université de Berkeley, il a l'idée de filmer des voyages au moyen de maquettes en pâte à modeler qu'il a construites pour le programme final de son cours d'architecture. Intéressé par ce matériau particulièrement malléable et motivé par sa rencontre avec le sculpteur Bob Gardner, il décide de réaliser avec lui Fermé le lundi (1973). Ce premier travail, gratifié d'un Oscar, lance sa carrière et, en même temps, suscite l'intérêt du public pour cette nouvelle façon d'utiliser le volume ; la plastiline offrant une liberté d'expression, une souplesse, un rythme et une invention qui jusqu'alors n'avaient pu s'exprimer que dans le 2D avec le dessin animé. Ensuite, les deux artistes se séparent, et Vinton continue seul à inventorier les possibilités de cette technique qu'il nomme lui-même claymation. D'une dextérité époustouflante, il joue avec ses personnages comme un metteur en scène de prises de vues réelles. Il leur offre un décor, les éclaire, les fait parler, mais, en plus, les fait bouger, les triture au gré de son inspiration et de sa fantaisie, plaisir évidemment refusé à ses collègues du « vrai » cinéma.

Son succès lui permet de créer son propre studio, d'où sortent de nombreux films publicitaires, des effets spéciaux pour le film Captain Eco, avec Michael Jackson, la bande-annonce de Divine Madness, avec le mont Rushmore en claymation, des courts métrages Martin the Cobler (1976), d'après un conte de Tolstoï, Rip van Winkle (1978), adaptation d'un conte de Washington Irving, et surtout le plus intéressant et le plus drôle, The Great Cognito (1982), une succession de métamorphoses délirantes de la tête d'un acteur qui monologue sur la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu'un long métrage The Adventures of Mark Twain (1985).

VIRAGE.

Opération de laboratoire, au cours de laquelle l'image noir et blanc est convertie, par transformation chimique, en image « couleur et blanc ». ( PROCÉDÉS DE CINÉMA EN COULEURS.)

VISCONTI (Eriprando)

cinéaste italien (Milan 1933 - Pavie, 1995).

Assistant de son oncle Luchino sur l'épisode de Nous les femmes (1953), il collabore au scénario de Gli sbandati (F. Maselli, 1955). En 1962, il devient réalisateur avec Una storia milanese, drame d'amour original qui le place au rang des jeunes espoirs du cinéma italien. Mais les films qui suivent se révèlent de plus en plus conventionnels (la Religieuse de Monza [La monaca di Monza], 1969 ; Michel Strogoff [Strogoff], 1971), même s'ils se veulent engagés (Il vero e il falso, 1972 ; Il caso Pisciotta, id.), ou encore érotiques (La orca, 1976 ; Œdipus Orca, 1977 ; Una spirale di nebbia, id.).

VISCONTI (Luchino)

metteur en scène et cinéaste italien (Milan 1906 - Rome 1976).

De son père, Giuseppe Visconti, duc de Modrone, il hérite un titre, et l'amour du théâtre. Si, dans sa jeunesse, il se passionne pour les courses de chevaux, c'est dans la décoration et le cinéma que le jeune aristocrate, aux idées par ailleurs progressistes et mal- venues dans l'Italie mussolinienne, décide de faire carrière. Il travaille en France avec Jean Renoir, dont il est l'assistant, sur les Bas-Fonds (1937), et le créateur de costumes d'Une partie de campagne (1936). La guerre interrompt cette collaboration, et c'est avec Karl Koch que Visconti termine une Tosca (1940), premier maillon d'une chaîne d'inspiration qui court, de la scène à l'écran, comme un lien somptueux, tout au long de la vie d'un homme épris à la fois de Verdi et de tout art lyrique, de Shakespeare et de mélodrame, d'histoire, et de cette beauté dont Rilke, imaginant celle des anges, écrit qu'elle est « terrible ». Toutes les forces inspiratrices de Visconti se trouvent ainsi liées, fussent-elles divergentes, et confrontées à des mondes peut-être moins séparés que complémentaires, traversés de failles, d'erreurs, et de désastres.

Théâtre ou, mieux, opéra de nos réalités, l'œuvre cinématographique de Luchino Visconti s'inspire d'éléments, ou d'événements, tous situés dans un temps historique compris entre 1850 et 1950 (même si Violence et Passion déborde cette dernière limite). Opéra, parce que son intuition, son sens de « la réalité lyrique » et son sens de l'histoire ont su fonder très tôt, dès son troisième film, un art dont l'ampleur et la perfection plastique atteignent souvent à une magnifique plénitude. Son projet d'adaptation d'un roman de Verga refusé par la censure, Visconti transpose alors Le facteur sonne toujours deux fois, roman de James Cain : Ossessione donne le coup d'envoi de ce qui va être le néoréalisme. L'expression, qui va faire abusivement « école », est du chef monteur Mario Serandrei, qui visionnait les rushes du film. Mais, si Visconti a travaillé avec Zavattini, à qui il doit le scénario de Bellissima, si Ossessione est pour le moins aussi sombre, négatif et pessimiste que le seront plusieurs œuvres de De Sica, Blasetti, Olmi, et a sans doute marqué une date, c'est sans théorisation aucune de la part d'un cinéaste dont la conception du film noir ou la méditation sur l'histoire se refuseront toujours au didactisme et à tout sentimentalisme démagogique. Ossessione (1943) fit scandale, et son exploitation fut interdite presque partout par les autorités locales, tandis que, au lendemain de la guerre (Visconti manqua de peu être fusillé par les Allemands en retraite), La Terre tremble exaspère un régime repris en main par l'Église et les milieux d'affaires. Cet Épisode de la mer gardera le titre général, inapproprié et célèbre, d'une trilogie dont il demeure l'unique volet, les deux autres ne parvenant pas à être financés. En fait, une trilogie imprévue rassemble après coup Ossessione, La Terre tremble et Rocco et ses frères — trois films qui sont, au bord du constat, le portrait sociologique de l'Italie des pauvres, de ses violences ambiguës, de ses migrations vers l'illusion. D'un fait divers, Visconti sait retenir ce qui est significatif et l'intégrer à la trame filmique, épurée de toute complaisance ; seul lui importe ce qui est représentatif, ce qui, grâce aux pouvoirs fantastiques et immédiats de l'image, suggère ou dénonce. La fable merveilleusement mélodramatique de Bellissima (1951), où se démène la Magnani, ironise sur l'envers de l'illusion sacro-sainte, sur le temple du rêve : Cinecittà — mais sans s'attendrir pour autant sur la crédulité populaire. Pour avoir fait ses premières armes sous l'égide du réalisme poétique français, le réalisme de Visconti, lyrique dans l'expression plastique de l'histoire et de l'espace, dans la composition et le mouvement de chaque séquence et de chaque plan, s'appuie sur des constats et des données autrement âpres. La reconstitution d'un milieu n'est pas seulement un problème de décors — où, cependant, l'ancien assistant de Renoir est passé maître. Car, si les intérieurs de Rocco et ses frères, les somptueuses « nature mortes » de Senso ou du Guépard dénotent une scrupuleuse attention (historique et sociale, mais aussi psychologique) aux objets, aux toilettes, aux gestes, qu'il s'agisse des pêcheurs non comédiens d'Aci Trezza parlant leur dialecte (La Terre tremble) ou de la cour de Bavière, Visconti sait que le vrai ne se charge de sens qu'en fonction des pouvoirs de l'écriture, de l'unité interne de l'œuvre.