Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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PASOLINI (Pier Paolo) (suite)

Une diversité prodigieuse de dons explique, sans doute, ce bel éclectisme, ces exercices de corde raide exécutés chaque fois avec une suprême élégance et une témérité qui laisse cois ses détracteurs. Le tout ne va certes pas sans maladresse, rançon d'une combinaison singulière d'amateurisme et de maniérisme : ces terrains vagues et ces dunes à perte de vue, ces accoutrements baroques et ces jeunes blondinets folâtrant, ces trognes tannées de figurants, ces chairs féminines lourdement étalées, voilà qui ne convainc pas toujours, et ne saurait satisfaire les tenants d'un art de générosité et d'harmonie, auquel pourtant il n'a cessé d'aspirer. Pasolini reste et restera un météore du cinéma contemporain, vrai « calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur ». Comme l'écrit un autre de ses commentateurs, Dominique Noguez, il y a désormais un mot qui dit bien « ce mélange de réalisme et de mythologie imaginaire, de sculpture moderne et de fausse préhistoire, toute cette féerie sous-prolétarienne, ce bric-à-brac de tiers monde, cet exotisme hétéroclite et superlatif, ce style d'Eisenstein marocain ou de Fellini de banlieue ouvrière. Ce mot n'existait pas avant Pasolini. Il existe désormais : pasolinien ».

Pasolini a, en outre, collaboré en tant que scénariste, coscénariste ou acteur à divers films, dont : la Fille du fleuve (M. Soldati, 1955), les Nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria, F. Fellini, non crédité au générique, 1957) ; plusieurs films de Mauro Bolognini : Marisa la civetta, id. ; les Jeunes Maris, 1958 ; les Garçons, 1959 ; le Bel Antonio, 1960 ; ça s'est passé à Rome, id. ; La viaccia, 1961 ; La commare secca (B. Bertolucci, 1962) ; Requiescant (C. Lizzani, 1967) ; Ostia (id., S. Citti, 1970) ; Histoires scélérates (Storie scellerate, S. Citti, 1973).

Films  :

Accattone (id., 1961) ; Mamma Roma (id., 1962) ; Rogopag (épisode La ricotta, 1963) ; la Rabbia (premier épisode, id.) ; Sopraluoghi in Palestina (DOC, 1964) ; l'Évangile selon Matthieu (Il vangelo secondo Matteo, id.) ; Conquête sur la sexualité (Comizi d'amore, 1965 [1963]) ; Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini, 1966) ; les Sorcières (Le streghe, épisode de la Terre vue de la lune, 1967) ; Œdipe roi (Edipo re, id.) ; Capriccio all'italiana (épisode Che cosa sono le nuvole ?, 1968) ; Théorème (Teorema, id.) ; Appunti per un film indiano (TV, CM, id.) ; Amore e rabbia (épisode La sequenza del fiore di carta, 1969 [1967]) ; Porcherie (Porcile, 1970) ; Médée (Medea, id.) ; le Décaméron (Il Decamerone, 1971) ; les Contes de Canterbury (I racconti di Canterbury, 1972) ; les Mille et Une Nuits (Il fiore delle mille e una notte, 1974) ; Carnets de notes pour une Orestie africaine (Appunti per un Orestiade africana, 1976 [1970]) ; Salo ou les Cent Vingt Journées de Sodome (Salo o le centoventi giornate di Sodoma, id.).

PASSER (Ivan)

cinéaste tchèque (Prague 1933).

Expulsé successivement du lycée et de la faculté des hautes études cinématographiques, Passer exerce divers métiers, puis travaille pendant plusieurs années comme assistant réalisateur (notamment de Jasný pour Un jour... un chat, 1963) avant de pouvoir tourner ses propres films. Avec son ami Forman (dont il est le coscénariste pour l'As de pique, id., et les Amours d'une blonde, 1965), il élabore dans les années 60 un nouveau type de film improvisé où la réalité brute du jeu des acteurs, au-delà de l'humour, prend le sens d'un correctif « subversif » de l'idéologie officielle. Dès Un fade après-midi (Fadni odpolene, MM, 1965) mais surtout après Éclairage intime (Intimní osvětkení, id.), son premier long métrage qui lui vaut une reconnaissance internationale (et qui est probablement le plus beau fruit de toute la « nouvelle vague » tchèque), Passer se distingue cependant parmi ses confrères par le lyrisme et la finesse tout intérieure de ses films. D'où, sans doute, également, le succès modeste — comparé à celui de Forman, bien mieux adapté à la machinerie du show-business — que Passer reçoit aux États-Unis, où il s'installe après 1968. Tout en cherchant un compromis entre son exigence de poète et les impératifs commerciaux, Passer continue cependant à tourner des films de grande qualité, à la fois personnels et professionnellement solides (voire brillants), qui prolongent l'impulsion initiale d'Éclairage en œuvre cohérente. Après l'excellent film noir du milieu de la drogue, Né pour vaincre (Born to Win, 1971), et une farce tragi-comique sur le thème des milices parallèles, la Loi et la Pagaille (Law and Disorder, 1974), Passer réalise deux films de commande, le Désir et la Corruption (Ace Up My Sleeve, 1975) et Silver Bears (1977), dont au moins le premier est toutefois étonnamment inventif et libre. Avec Cutter's Way (1981), il couronne provisoirement sa carrière par une œuvre offrant, une fois de plus, toutes ses principales qualités : l'érotisme, l'humour, la révolte, liées à une discrète mais constante invention formelle et à une fluidité et une finesse de la vision (c'est-à-dire de la mise en scène). En 1985, il signe Creator (id.), une fable mi-fantastique, mi-nostalgique sur l'amour perdu qu'on espère pouvoir ressusciter par les lois de la biologie et en 1988 Haunted Summer qui explore les limites de l'univers romantique en imaginant une rencontre estivale en Suisse entre Lord Byron et d'autres intellectuels dont le poète Percy Shelley et sa maîtresse Mary qui va devenir l'auteur du célèbre Frankenstein. Il signe ensuite Pretty Hattie's Baby (1990) et un documentaire (Stalin, 1992) pour la télévision américaine.

PASTERNAK (Joseph, dit Joe)

producteur américain (Szilagy-Somlyo, Autriche-Hongrie, 1901 - Beverly Hills, Ca., 1991).

Fils d'un cantor, il prend durant la guerre la succession de celui-ci, puis gagne les États-Unis. Après avoir exercé divers petits métiers, il devient troisième assistant d'Allan Dwan, en 1924. Entré à l'Universal en 1926, il part un an plus tard pour Berlin comme adjoint de Paul Kohner. Il aborde la production en 1930 avec Zwei Menschen et assure en cinq ans la production d'une douzaine de comédies, dont plusieurs seront adaptées à Hollywood. Skandal in Budapest (G. von Bolvary et Stefan Szekley, 1933) deviendra ainsi Top Hat (M. Sandrich, 1935) et Kleine Mutti (H. Koster, id.) inspirera Bachelor Mother (G. Kanin, 1939).