Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
I

ITALIE.

Traditionnellement considéré comme un des cinémas les plus importants du monde, le cinéma italien a focalisé l'intérêt des historiens autour de deux moments clés, l'âge d'or du muet, l'explosion du néoréalisme. En fait, des origines à nos jours, il y a plus continuité que rupture et, si le cinéma italien connaît un grand rayonnement international, rayonnement confirmé par d'innombrables récompenses dans tous les festivals du monde et par le prestige dont jouissent ses plus célèbres représentants (Rossellini*, De Sica*, Visconti*, Fellini*, Antonioni*, Pasolini*, Rosi*, Ferreri*), il le doit à son profond enracinement dans la vie sociale et culturelle du pays.

La naissance du cinéma italien.

Les débuts du cinéma en Italie se font, comme dans la plupart des pays européens, sous le signe du cinématographe Lumière. En novembre 1895, Filoteo Alberini* a bien fait breveter un appareil pour l'enregistrement, le tirage et la projection des images, le Kinetographe (Kinetografo), mais cet appareil restera à l'état de plan et ne sera même pas réalisé sous forme de prototype. En Italie, c'est à l'initiative de photographes qu'ont lieu les premières projections, d'abord le 13 mars 1896 à Rome puis, dans les semaines suivantes, à Naples, Milan, Turin et dans toutes les grandes villes de la péninsule. Les opérateurs Vittorio Calcina et Giuseppe Filippi enregistrent les premières bandes pour le compte de la société Lumière. De son côté, Italo Pacchioni réalise une sorte de copie du Cinématographe et tourne des films, qu'il présente probablement à la foire de Milan en 1898. Ainsi, très vite, le cinéma quitte les projections expérimentales pour toucher un public très large, un public qui découvre les images animées dans les baraques foraines et les cafés-concerts. En 1898, le transformiste Fregoli filme ses propres numéros et intègre les projections à ses spectacles sur scène ou organise des projections autonome sous le nom de Fregoligraph. Des salles fixes qui se consacrent exclusivement aux projections cinématographiques commencent à apparaître : le phénomène se manifeste dès 1897 à Rome, Naples, Venise. Parmi les premiers entrepreneurs réapparaît Alberini : en 1899, il inaugure une salle de projections fixes et animées à Florence. Parti pour Rome, il ouvre dans cette ville le cinéma Moderno en janvier 1904. Conscient de la nécessité de lier l'exploitation, la distribution et la production, il s'associe avec Dante Santoni pour créer en 1905 une société de production, l'Alberini & Santoni, pour laquelle il met en scène la Prise de Rome (1905), un film qui marque un tournant dans l'histoire du cinéma italien car il s'agit de la première bande à scénario sortie des studios transalpins. Entre 1896 et 1905, la production était en effet presque exclusivement composée de vues d'actualités, vues enregistrées par des opérateurs comme Rodolfo Remondini à Florence, Leonardo Ruggeri à Naples, Francesco Felicetti à Rome puis, un peu plus tard, par des opérateurs fameux comme Luca Comerio, Vittorio Calcina, Roberto Omegna*, Giovanni Vitrotti* ou Luigi Fiorio.

À partir de 1905, la production italienne entre dans une phase ascendante qui va durer jusqu'en 1918. Le développement du cinéma correspond à un moment d'expansion de l'économie italienne, à une période où des capitaux sont à la recherche d'investissements rémunérateurs. Pendant quelques années vont cohabiter des structures productives artisanales et des structures industrielles dans lesquelles interviennent des groupes financiers et des banques. On assiste ainsi à la naissance de nombreuses maisons de production, notamment à Rome et à Turin. À Rome, l'Alberini & Santoni devient en avril 1906, avec l'appui du Banco di Roma, la Cines. La société se développe rapidement, elle fait appel au Français Gaston Velle pour améliorer le niveau technique de la production. Le succès est si net que dès 1907 la Cines ouvre une succursale à New York, amorçant ainsi la conquête du marché américain par les films italiens. À Turin, Arturo Ambrosio*, qui s'est intéressé très tôt aux actualités réalisées par Omegna et Vitrotti, crée à la fin de 1905 la société Arturo Ambrosio et Cie. L'entreprise grandit très vite : en avril 1907, elle se transforme en société par actions avec l'appui du Banco commerciale de Turin. Dans cette même ville, Carlo Rossi fonde à la même époque la société Carlo Rossi et Cie ; il engage l'ancien directeur général des établissements Pathé, Charles Lépine. Parmi les premiers employés de la société, on trouve un comptable appelé à un grand avenir, Giovanni Pastrone*. En 1907, une trentaine de films sont produits et distribués en Italie et à l'étranger par la Carlo Rossi et Cie. Des difficultés financières conduisent à la liquidation de l'entreprise et à son rachat par l'ingénieur Sciamengo et par Pastrone : les deux hommes débaptisent la société et lancent en mars 1908 l'Itala Film. La nouvelle firme s'impose très vite aux côtés de l'Ambrosio et de la Cines comme la troisième société de production, se spécialisant dans les films de fiction de caractère dramatique (les films documentaires ont plutôt le label Ambrosio, les comiques le label Cines ou Itala). À côté des grands centres que sont Turin et Rome, des maisons de production apparaissent également dans d'autres villes. Au début de 1908, on peut dénombrer une dizaine de sociétés de notable importance : l'Ambrosio, l'Itala, l'Aquila Film à Turin ; la Cines, la Pineschi à Rome ; la Luca Comerio à Milan ; la société des frères Roatto à Venise ; la société des frères Troncone (créée en 1905), les Manufactures cinématographiques réunies à Naples. Par la suite naissent encore de nouvelles maisons importantes. À Milan, en 1909, après s'être associé avec la SAFFI, Comerio est écarté de sa propre société par un groupe d'aristocrates lombards qui transforment la SAFFI-Comerio en Milano Films. La même année, la succursale Pathé de Rome devient la Film d'arte italiana. À Rome toujours, le comte Baldassare Negroni* et l'avocat Giovacchino Mecheri créent en 1912 la Celio Film, tandis qu'à Naples Giuseppe Di Luggo fonde en 1913 la Napoli Film. En 1914, Nino Martoglio* lance à Rome la Morgana Film, société éphémère qui produira Perdus dans les ténèbres (1914). Au total, à la veille de la guerre de 1914-1918, on compte en Italie un grand nombre de sociétés de production installées dans les villes citées et aussi à Florence, Catane, Velletri, Albano.