Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SOLDINI (Silvio)

cinéaste italien (Milan 1958).

Créateur, avec un groupe de réalisateurs milanais, de la coopérative de production Indigena, Silvio Soldini s'affirme loin de Rome comme une des figures dominantes d'un cinéma lombard exigeant et minimaliste. Paesaggio con figure (1983) et Giulia in ottobre (1985), ses deux premiers films, font connaître un observateur quasi clinique des errances urbaines. Avec l'Air paisible de l'Occident (L'aria serena dell'ouest, 1990) et Un'anima divisa in due (1993), Soldini poursuit une sorte d'enquête sur l'impossible cheminement des êtres les uns vers les autres : les quatre protagonistes de l'Air paisible de l'Occident illustrent la dégradation des relations humaines dans une grande métropole européenne, tandis que le couple que forment un jeune Italien et une Tzigane dans Un'anima divisa in due montre les limites de l'idéalisme occidental et la brutale confrontation avec un sectarisme et une intolérance sans issue. En 1997, il signe Le acrobate, un film intimiste et sensible, retraçant la rencontre entre deux femmes que tout semble opposer. Après un documentaire sur les populations Tsiganes (Rom Tour, 1999), il exécute un étonnant revirement vers la comédie avec Pain, tulipes et comédie (Pane e tulipani, 2000), l'histoire d'une mère de famille de Pescara qui redécouvre la joie de vivre au cours d'une fugue improvisée à Venise.

SOLER (Fernando)

acteur et cinéaste mexicain (Saltillo Coahuila 1896 - Mexico 1979).

Figure de proue d'une famille de comédiens (Andrés, Domingo, Mercedes et Julián Soler, également cinéaste), il incarne durant une trentaine d'années le père par excellence des écrans mexicains, tout comme Sara García représente l'éternelle maman, dévouée corps et âme aux siens. Après avoir joué auprès de ses frères Andrés et Julián dans Chucho el roto (G. Soria, 1934), il interprète toutes les variations patriarcales, de Papacito lindo (F. de Fuentes, 1939) et En tiempos de Don Porfirio (J. Bustillo Oro, id.) à Los valses venían de Viena y los niños de París (id., 1965), en passant par Cuando los hijos se van (1941) et Cuando los padres se quedan solos (1948), du même Bustillo Oro, Una familia de tantas (A. Galindo, id.) et La oveja negra (I. Rodríguez, 1949), où il se trouve face à face avec son rival Pedro Infante. Lorsqu'il passe à la mise en scène, avec Con su amable permiso (1940), il exploite les mêmes veines comiques et mélodramatiques qui l'ont rendu célèbre. Sa vertu est soumise à dure épreuve par Ninón Sevilla (Sensualidad, A. Gout, 1950) et par la Susana de Buñuel, qui lui confie les rôles-titres du Grand Noceur (1949) et de Don Quintin l'amer (1951). Beau joueur, il ne refuse donc pas l'autoparodie, signe d'une certaine décadence de son archétype (Los tales por cuales, Gilberto Martínez Solares, 1964).

SOLINAS (Franco)

scénariste italien (Cagliari 1927 - Fregene 1982).

Journaliste, écrivain, il collabore avec Fellini et d'autres auteurs au scénario des Volets clos (L. Comencini, 1951). D'après son roman Squarciò, Pontecorvo tire Un dénommé Squarciò (1957), dramatique récit de la rébellion d'un pauvre pêcheur de Sardaigne. Il collabore encore avec Pontecorvo pour Kapo (1960), le troublant calvaire d'une jeune fille dans un camp de concentration nazi, et pour la Bataille d'Alger (1966), qui met en scène avec honnêteté la résistance contre les troupes françaises en Algérie. Son talent pour l'analyse politique et historique des événements les plus complexes s'épanouit surtout dans Salvatore Giuliano (F. Rosi, 1961), qui mêle librement enquête et fiction. Il est responsable de la « politisation » du western italien, avec quatre films importants : La resa dei conti (S. Sollima, 1967), Il mercenario (S. Corbucci, 1968), Tepepa (Giulio Petroni, 1969) et Queimada (G. Pontecorvo, id.). Il conçoit et écrit État de siège (Costa-Gavras, 1973), qui actualise les conflits de l'Amérique latine déjà traités dans ses métaphores de genre western. Dans Monsieur Klein (J. Losey, 1976), il aborde le dédoublement d'un individu amoral pendant la période de l'occupation allemande de la France.

SOLNTSEVA (Youlia) [Julija Ippolitovna Solnceva]

actrice et cinéaste soviétique (Odessa 1901 - Moscou 1989).

Après des études à l'Institut d'État de musique et d'art dramatique, elle est comédienne d'un théâtre pour enfants. Elle débute au cinéma en 1924 dans le premier rôle d'Aélita, film de Yakov Protazánov. Elle sera jusqu'à la fin du muet une vedette très prisée : la Cigarière du Mosselprom (Y. Jéliaboujskii, 1924), ‘ Tempête ’ (Bourja, Pavel Dolina, 1928), Deux Femmes (G. Rochal, 1929), la Terre (A. Dovjenko, 1930). Ayant épousé Alexandre Dovjenko en 1928, elle devient sa plus proche et plus dévouée collaboratrice (interprète, assistante) et travaille notamment comme coréalisatrice pour : Chtchors (1939), Libération (1940), la Bataille pour notre Ukraine soviétique (1943), la Victoire en Ukraine (1945), Mitchourine (1948). Elle tourne seule son premier film en 1953, ‘ Egor Boulytchov et les autres ’ (Egor Bulyčov i drugie). Après la mort de son mari (1956), elle met en scène trois scénarios que celui-ci avait minutieusement élaborés : le Poème de la mer (Poema o more, 1958), le Dit des années de feu (‘ Povest ’ plamennih let, 1960), la Desna enchantée (Začarovannaja Desna, 1964). Avec ses propres œuvres, ‘ l'Inoubliable ’ (Nezabyvaemoe, 1968), ‘ la Porte d'or ’ (Zolotye vorota, 1969), ‘ le Monde en trois dimensions ’ (Mir v trëh izmerenijah, 1979), comme dans ses activités d'historienne (restaurations, éditions, expositions, articles), elle n'a cessé de servir la glorieuse mémoire de Dovjenko tout en s'efforçant de demeurer fidèle à l'esprit aussi bien qu'au style du grand cinéaste.

SOLOGNE (Madeleine Vouillon, dite Madeleine)

actrice française (La Ferté-Imbault 1912 - Vierzon 1995).

Bien qu'ayant épousé un opérateur de cinéma, Jean Douarinou, elle ne se destine pas à la carrière d'actrice. Les hasards de la vie lui font cependant abandonner son premier métier de modiste pour se consacrer d'abord au théâtre, ensuite aux studios (elle débute dans un rôle d'ouvrière pour La vie est à nous de Jean Renoir en 1936). Son physique de belle brune la cantonne soit dans des rôles de gitane (les Filles du Rhône, Jean-Paul Paulin, 1938 ; le Danube bleu, Émile-Edwin Reinert et Alfred Rode, 1940), soit dans des compositions comiques (Raphaël le Tatoué, Christian-Jaque, 1939) ou sentimentales (le Père Lebonnard, Jean de Limur, id.). À partir de 1941, on découvre son jeu sobre cachant une grande sensibilité et la justesse de ses apparitions, fût-ce dans des mélos comme Fièvres (J. Delannoy, 1942) ou l'Appel du bled (Maurice Gleize, id.). La consécration lui est apportée par l'Éternel Retour (Delannoy, 1943), où Cocteau la transfigure en l'imposant en Yseult aux cheveux de lin ; cette coiffure « médiévale » et le pull-over de Jean Marais lancent la mode. Ce rôle va la dévorer. Elle ne trouve plus ensuite de personnage d'envergure : ni dans Vautrin (P. Billon, 1944), où son sens des nuances fait pourtant merveille, ni, à plus forte raison, dans les petites comédies qu'elle défend après la Libération. Son talent s'englue dans de lourdes machines (Un ami viendra ce soir, R. Bernard, 1945 ; la Foire aux chimères, P. Chenal, 1946). De guerre lasse, elle s'arrête de tourner en 1947 et, dès lors, ne paraît plus qu'à de rares et malheureuses occasions et après de longs intervalles (les Naufrageurs, Charles Brabant, 1959 ; Il suffit d'aimer, René Darène, 1961 ; le Temps des loups, S. Gobbi, 1969).