Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
H

HIRSZMAN (Leon)

cinéaste brésilien (Rio de Janeiro 1937 - id. 1987).

Un des initiateurs du Cinema Novo. Après des études d'ingénieur, il se consacre à la diffusion des ciné-clubs. Pedreira de São Diogo, son épisode de Cinco Vezes Favela (1962), est un exercice eisensteinien, à propos d'un conflit dans un bidonville. Le documentaire Maioria Absoluta (1964) attire l'attention sur la misère et l'analphabétisme du Nordeste. A Falecida (1965) est le portrait quasi clinique de la petite-bourgeoisie de la banlieue de Rio. La grisaille, la morbidité, la désagrégation sont parfaitement suggérées par la mise en scène et par l'interprétation. Et il est intéressant de noter que le sacro-saint football y apparaît comme un exutoire. Garota de Ipanema (1967) essaie de poursuivre cette exploration psychosociale du côté de la classe moyenne plus sophistiquée de Rio ; le résultat est moins convaincant. Hirszman doit attendre quelques années pour mettre en scène son meilleur film à ce jour : São Bernardo ( : 1971), qui est tout à fait digne de l'œuvre de Graciliano Ramos. La sortie en fut retardée par la censure (1973). Film à la première personne, il constitue une autoanalyse de Paulo Honório, devenu un latifundiste à force de volonté et de marginalisation des autres, y compris de ses proches. Son originalité, c'est de réussir à la fois une œuvre introspective et un aperçu nuancé des conditions sociales du Nordeste. Posé, distancié, remarquablement interprété, São Bernardo allie une rigueur quasi brechtienne à l'expression d'une passion toute charnelle. Producteur malheureux, réalisateur de courts métrages, animateur de la Coopérative brésilienne de cinéma, fondée par des vétérans du Cinema Novo (1980), Hirszman tourne ensuite un documentaire sur les grèves ouvrières (ABC da Greve, 1979-1990, montage posthume) et l'adaptation d'une pièce pionnière au Brésil dans la description de la condition prolétarienne et de ses contradictions internes, primée à Venise : Ils ne portent pas de smoking (Eles não usam Black-Tie, 1981). Il tourne en 1986 un documentaire en trois parties : Imagens do Inconsciente.

HISAISHI (Joe)

compositeur japonais (Nagano 1950).

Après des études de musique au Conservatoire de Kunitachi, il compose de la musique minimale, et commence à écrire pour le cinéma en 1984, avec Nausicaa de la Vallée du vent , de Hayao Miyazaki*, pour qui il composera ensuite les bandes originales de Laputa, Porco Rosso, Mon voisin Totoro, et Princesse Mononoke. Il travaillera sur toutes sortes de films de 1984 à 1990, mais c'est sa rencontre avec Takeshi Kitano* pour A Scene at the Sea (1991), qui va lui apporter la consécration internationale en cinq films, pour lesquels il compose des mélodies minimalistes et immédiatement reconnaissables : Sonatine (1995), Kids Return (1996), Hana-Bi (1998), l'Été de Kikujiro (1999), et Aniki, mon frère (2000). Hisaishi se produit aussi sur scène. Il a tourné son premier film comme réalisateur, Quartet (id.), en 2001.

HITCHCOCK (Alfred)

cinéaste britannique (Londres 1899 - Los Angeles, Ca., 1980).

Élève du collège de jésuites St. Ignatius à Londres, le jeune Hitchcock débute comme ingénieur à la Compagnie télégraphique Hanley, puis entre à la succursale londonienne de la firme hollywoodienne Famous Players Lasky. Il y dessine des sous-titres pour les films muets (1920-1922). Il s'initie vite à la plupart des professions du cinéma : assistant, producteur, scénariste et même décorateur, dans diverses firmes anglaises. Un bref séjour à la UFA (1925-26) lui fait découvrir l'œuvre de Paul Leni et de Fritz Lang (dont il niera contre l'évidence qu'elle l'ait influencé). Après un essai infructueux (1922), il signe en 1925 son premier film comme réalisateur. Metteur en scène de produits de routine et d'adaptations littéraires (mélodrames, comédies mondaines ou policières...), il affine son style dès The Lodger (1926) et surtout Blackmail (1929), puis connaît une « récession », avant de participer davantage à l'élaboration de chaque phase de ses films à la fin des années 30. Célèbre à la veille de la guerre, il est invité par Selznick aux USA et s'y fixe (1940). En 1948, il devient son propre producteur. Dans les années 50, il produit, « présente » et anime la série de télévision Alfred Hitchcock Presents, dont il dirige personnellement plus de cent « courts sujets » ; son label couvre également un magazine et des jouets. Gagné progressivement par la paralysie, il meurt pendant la préparation d'un ultime film qui devait s'intituler The Short Night. Ayant conservé la nationalité britannique, il venait d'être fait chevalier par la reine et de recevoir un « Oscar spécial » (le premier de sa carrière).

La trajectoire de Hitchcock est assez simple à dessiner : cinéaste inégal avant 1940, il trouvera sa vraie personnalité créatrice à travers des recherches formelles variées, dont il utilisera ensuite les réussites pour transmettre une véritable Weltanschauung, non par ses thèmes, encore moins par des messages idéologiques, mais par la structure et l'accomplissement même de ses films américains (du moins les meilleurs). Il offre le cas rare d'un cinéaste imposé par la critique (surtout française) alors que ses films se présentent avec ostentation comme de purs divertissements ; puis il se démasque, mais avec prudence, se protégeant par tout un jeu de dénégations qui ravale l'importance de certains films (la Mort aux trousses, par exemple) avant de « se confesser » (à Truffaut, de manière décisive). On s'aperçoit alors que les exégèses les plus délirantes sur son œuvre sont légitimes, dès lors qu'elles traduisent les signes de fables d'une croissante liberté d'allure, où l'intrigue n'est évidemment plus qu'un prétexte. Et pourtant Hitchcock ne triche jamais avec le spectateur : au niveau de l'intrigue, le « maître du suspense » n'a pas de mots trop durs pour les tenants du film policier traditionnel (le « who did it ? » où il ne s'agit platement que de découvrir un coupable arbitraire) et pour les escamotages qui provoquent l'angoisse ou la surprise à peu de frais. La suite de ses meilleurs films (ou des meilleurs morceaux de presque tous ses films après 1943) reconstitue un monde dramatique (« Le drame, c'est la vie débarrassée de ses moments ennuyeux ») où le romantisme même disparaît après une dernière flambée (dans Sueurs froides), au profit d'une autoaffirmation du cinéma comme excitateur intellectuel. Par là, le Hitchcock des déclarations à l'emporte-pièce (« Un film n'est pas une tranche de vie, c'est une tranche de gâteau... Je m'intéresse a priori fort peu à l'histoire que je raconte, mais uniquement à la manière de la raconter ») ne fait qu'un avec le Hitchcock qu'on découvre hanté par le problème du Mal et certaines idées abstraites, telle l'aisance perverse avec laquelle on peut renverser des valeurs.