Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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WELLMAN (William Augustus Wellman, dit William)

cinéaste américain (Brookline [auj. faubourg de Boston], Mass., 1896 - Los Angeles, Ca., 1975).

Turbulent dès sa jeunesse aventureuse, il est surnommé « Wild Bill ». Pendant la Première Guerre mondiale, il est brancardier pour la Légion étrangère et pilote dans la célèbre escadrille Lafayette (le fait n'est pas sûr), une expérience qui, dit-il, le marque profondément. Décoré, revenu à la vie civile, il exécute des cascades en avion pour gagner sa vie. Une anecdote rapporte qu'un jour il aurait atterri sur la propriété de Douglas Fairbanks, et réussi de la sorte son entrée « au cinéma ». Comédien auprès du célèbre acteur, en 1919, il décide de devenir cinéaste. Il attendra trois ans à la Fox avant d'accéder à la réalisation proprement dite. En 1927, quand, pour la Paramount, il tourne le monumental les Ailes, sa réputation devient considérable. Il entretient aussi avec délectation la légende de casse-cou qu'il s'est créée. Ses joutes physiques avec les acteurs ou les producteurs sont célèbres. Après un contrat à la Warner Bros, au début des années 30, qui lui permet d'alterner productions commerciales et films ambitieux, il continue exactement dans la même lignée, émaillant çà et là une filmographie homogène et toujours honorable de films d'une force et parfois d'un courage remarquables, tel l'Étrange Incident (1943). Il se spécialise dans le film d'action, parfois dans la comédie, et a plus d'une fois illustré les épisodes d'aviation qui lui sont chers. Il signe quelques grands titres de l'histoire hollywoodienne : l'Ennemi public (1931), Une étoile est née (1937), Beau Geste (1939), les Forçats de la gloire (1945), Bastogne (1949) et Écrit dans le ciel (1954). Il est l'auteur de deux volumes autobiographiques : A Short Time for Insanity (1974) et Growing Old Disgracefully, achevé en 1975, peu avant sa mort.

Cinéaste américain légendaire, William Wellman est aussi, selon un paradoxe fréquent, mal connu. Sa personnalité tonitruante et pittoresque a pris le pas sur sa réelle sensibilité d'artiste et la réalité d'un talent, somme toute sobre et classique. Ses films les plus populaires et les plus auréolés de prix et de récompenses ont aussi longtemps obscurci des œuvres moins prestigieuses ou ambitieuses, mais où ce qu'il a d'unique et de personnel est évident, même si ce n'est pas de la manière la plus spectaculaire. La plupart des films du muet ont disparu. Deux sont fulgurants, et leur dissemblance illustre à merveille l'art de Wellman. Les Ailes demeurent une de ses œuvres les plus spectaculaires, pleine de verve, d'énergie et de fureur, traversée d'impressionnants combats aériens et de mouvements d'appareil compliqués et acrobatiques. À l'opposé, les Mendiants de la vie (1928), un film discret, eut peu de retentissement ; il avait un côté presque expérimental en raison de sa dédramatisation, et d'un sujet qui annonce quelques mois par avance la grande dépression : sur un ton égal, mélancolique et élégiaque, Wellman chante les vagabonds et les marginaux qui voyagent de ville en ville, clandestins, dans des trains de marchandise. Dans les Ailes, Clara Bow a un rôle secondaire, avec quelques instants admirables ; dans les Mendiants de la vie, toute l'action prend comme pivot une extraordinaire Louise Brooks, déguisée en garçon, et stupéfiante de beauté et de sensibilité. Ce cinéaste d'hommes a plus d'une fois réussi des portraits féminins d'une acuité rare, allant jusqu'à aborder le western dans une perspective délibérément féminine : le classique Convoi de femmes (1952) est encore inégalé. Sans oublier sa collaboration suivie avec Barbara Stanwyck (cinq films), qui seule a su véhiculer ce mélange d'âpreté et d'élégie propre au cinéaste.

Cette rencontre avec Barbara Stanwyck est sans doute bien plus décisive pour Wellman, lors de son séjour à la Warner Bros, que le succès de l'Ennemi public, qui lui ressemble assez peu. The Purchase Price (1932) et Mon grand (id.) célèbrent avec quelques mois d'avance la philosophie du New Deal ; ils offrent à l'actrice deux rôles magnifiques et marquent avec succès le sens du mélodrame que Wellman n'a jamais perdu. Plus tard, l'Inspiratrice (1942), l'Étrangleur (1943) renouent avec bonheur cette relation harmonieuse et pleine d'inattendu : Stanwyck n'est-elle pas dans le premier une strip-teaseuse, et dans l'autre une femme pionnier centenaire ? Wellman réussit des films dans des tonalités très changeantes, aussi inspiré par les drames intenses Une étoile est née et la Lumière qui s'éteint (1939) que par la comédie trépidante, la Joyeuse Suicidée (1937) ou Roxie Hart (1942), une merveille ignorée. Il mène à bon terme des actions captivantes (Convoi de femmes), dédramatisées (Au-delà du Missouri, 1951) ou hiératiques (l'obsédant Track of the Cat, 1954). Il fait, dans Buffalo Bill, chanter les couleurs (1944) pour, plus tard, réduire sa palette au blanc et au noir, avec quelques touches saisissantes de rouge, dans Track of the Cat. Même ses films les moins personnels brillent tout à coup par une idée qui lui est propre : le lynchage collectif des Conquérants (1932) ou certains plans aériens des Hommes volants (1938).

Wellman doit enfin être reconnu comme l'auteur de quelques-uns des classiques les plus révélateurs et les plus remarquables de la période prérooseveltienne : Héros à vendre (1933) et Wild Boys of the Road (id.) posent les problèmes de la crise avec une clarté totale et prennent le parti des « oubliés » avec une passion et une sincérité dont on ne trouve peut-être l'équivalent que chez Preston Sturges, et qui n'ont pas perdu de leur pouvoir émotionnel.

Films  :

The Man Who Won (1923) ; Second Hand Love (id.) ; Big Dan (id.) ; Cupid's Fireman, (id.) ; The Vagabond Trail (1924) ; Not a Drum Was Heard (id.) ; The Circus Cowboy (id.) ; When Husbands Flirt (1925) ; The Boob (1926) ; The Cat's Pajamas (id.) ; Masques d'artistes (You Never Know Women, id.) ; les Ailes (Wings, 1927) ; les Pilotes de la mort (The Legion of the Condemned, 1928) ; Ladies of the Mod (id.) ; les Mendiants de la vie (Beggars of Life, id.) ; les Ailes (Wings, 1929, remake sonorisé) ; Chinatown Nights (id.) ; The Man I Love (id.) ; Woman Trap (id.) ; Dangerous Paradise (1930) ; Young Eagles (id.) ; Maybe It's Love (id.) ; Other Men's Women / The Steel Highway (1931) ; l'Ennemi public (The Public Enemy, id.) ; l'Ange blanc (Night Nurse, id.) ; The Star Witness (id.) ; Safe in Hell (id.) ; The Hatchet Man (1932) ; Mon grand (So Big, id.) ; Love is a Racket (id.) ; The Purchase Price (id.) ; les Conquérants (The Conquerors, id.) ; Jenny Frisco (Frisco Jenny, 1933) ; Central Airport (id.) ; Lilly Turner (id.) ; Rose de minuit (Midnight Mary, id.) ; Héros à vendre (Heroes for Sale, id.) ; Wild Boys of the Road (id.) ; College Coach (id.) ; Looking for Trouble (1934) ; le Président fantôme (The President Vanishes, id.) ; Stingaree (id.) ; l'Appel de la forêt (Call of the Wild, 1935) ; Robin des Bois d'Eldorado (Robin Hood of El Dorado, 1936) ; la Petite Provinciale (Small Town Girl, id.) ; Une étoile est née (A Star Is Born, 1937) ; la Joyeuse Suicidée (Nothing Sacred, id.) ; les Hommes volants (Men With Wings, 1938) ; Beau Geste (id., 1939) ; la Lumière qui s'éteint (The Light That Failed, id.) ; Reaching for the Sun (1941) ; Roxie Hart (1942) ; l'Inspiratrice (The Great Man's Lady, id.) ; Thunder Birds (id.) ; l'Étrange Incident (The Ox-Bow Incident, 1943) ; l'Étrangleur (Lady of Burlesque, id.) ; Buffalo Bill (id., 1944) ; This Man's Navy (1945) ; les Forçats de la gloire (The Story of GI Joe, id.) ; Gallant Journey (1946) ; Magic Town (1947) ; le Rideau de fer (The Iron Curtain, 1948) ; la Ville abandonnée /Nevada (Yellow Sky, id.) ; Bastogne (Battleground, 1949) ; The Happy Years (1950) ; la Voix que vous allez entendre (The Next Voice You Hear, id.) ; Au-delà du Missouri (Across the Wide Missouri, 1951) ; It's a Big Country (1952) ; My Man and I (id.) ; Convoi de femmes (Westward the Women, id.) ; Aventure dans le Grand Nord (Island in the Sky, 1953) ; Écrit dans le ciel (The High and the Mighty, 1954) ; Track of the Cat (id.) ; l'Allée sanglante (Blomd Alley, 1955) ; Goodbye My Lady (1956) ; Les commandos passent à l'attaque (Darby's Rangers, 1958) ; Lafayette Escadrille (1958).