Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
H

HEPBURN (Katharine) (suite)

Elle revint à Hollywood en 1940, avec son grand succès théâtral, Indiscrétions, dont elle s'était, judicieusement, réservé les droits d'adaptation. Katharine Hepburn, dirigée par un cinéaste (George Cukor) qui la connaissait mieux que personne, reprit sans le moindre effort son personnage d'héritière capricieuse qui se laisse séduire par son ancien mari la veille de son remariage : le triomphe était inévitable. Il marqua le commencement de son règne de superstar de la MGM. Brillante, sophistiquée, la voix haut perchée, nerveuse et sèche, mais les yeux vulnérables et pleins d'émotion, elle donnait à son féminisme élégant et souriant allure et glamour. C'est à ce moment qu'on eut l'idée de lui donner comme partenaire Spencer Tracy, dans la Femme de l'année (G. Stevens, 1942) : rencontre privilégiée, à la ville comme à l'écran, qui créa un des plus beaux couples du cinéma. Dès ce premier film, l'équilibre était évident et radieux : les nerfs, les éclats et les excès de Katharine Hepburn venant se briser comme des vagues sur la solidité, le calme olympien et la sérénité de Spencer Tracy. Ensemble, on les vit encore dans la Flamme sacrée (G. Cukor, 1943), film d'atmosphère et de mystère, révélateur de l'antifascisme de toute une fraction d'Hollywood ; dans Sans amour (H. S. Bucquet, 1945), comédie un peu molle à la recherche d'un cinéaste ; dans le Maître de la Prairie (E. Kazan, 1947), mélodrame un peu pesant qui n'était pas dans les cordes du metteur en scène. C'était la comédie qui convenait au couple. Il y eut, heureusement, trois grands crus : l'Enjeu (F. Capra, 1948), satire incisive des manigances électorales, où Katharine Hepburn jouait quelque peu en retrait, et surtout Madame porte la culotte (1949), puis Mademoiselle Gagne-Tout (1952), écrits par Garson Kanin et Ruth Gordon, et réalisés par George Cukor. S'affrontant d'égal à égal, et pour rire, jouant vaillamment le jeu de la guerre des sexes, Tracy et Hepburn y trouvèrent l'apogée de leur couple cinématographique. Ni le morne Une femme de tête (W. Lang, 1957) ni le larmoyant Devine qui vient dîner (S. Kramer, 1967) ne leur rendirent justice.

Entre-temps, seule, Katharine Hepburn eut plus d'une occasion de prouver son talent. Par exemple dans des mélodrames comme Lame de fond (V. Minnelli, 1946) et surtout Passion immortelle (C. Brown, 1947), où elle était Clara Schumann. Ses grands rôles des années 50 exploitèrent son côté un peu revêche et firent d'elle, souvent, une vieille fille gagnée tardivement à l'amour. Manque d'imagination de la part des cinéastes que l'on pardonne aisément devant une réussite mineure comme le Faiseur de pluie (J. Anthony, 1956) ou majeure comme The African Queen (J. Huston, 1951), où elle est sublime d'humour et d'émotion en missionnaire amoureuse d'un Humphrey Bogart hirsute, narquois et rogue, ou encore Vacances à Venise (D. Lean, 1955), une composition tout aussi excellente dans un registre plus dramatique. Il s'agit même d'un de ses films les plus méconnus et les meilleurs. Elle termina la décennie par une création magistrale et terrifiante : la possessive et vénéneuse Madame Venable dans Soudain l'été dernier (J. L. Mankiewicz, 1959).

Depuis, Katharine Hepburn a beaucoup vécu sur son acquis, ayant amplement démontré ses qualités et trouvant de grandes joies au théâtre. Sa personnalité est toujours fascinante, mais des metteurs en scène médiocres (Une bible et un fusil, S. Millar, 1975) et des rôles artificiels ne lui rendent guère justice. On retrouve bien son éclat unique dans certains instants du Lion en hiver (A. Harvey, 1968) ou de Delicate Balance (T. Richardson, 1973). Mais c'est avec une joie immense qu'on la voit, réellement comprise et appréciée, dans Comme la neige au printemps (1977), que George Cukor tourna pour la télévision : sa malicieuse interprétation d'aristocrate rouée et fière, jouant des sentiments d'un vieil avocat comme une jeune coquette, nous montre l'étendue riche et colorée de son art.

Films  :

Héritage (G. Cukor, 1932) ; la Phalène d'argent (D. Arzner, 1933) ; Morning Glory (Lowell Sherman, id.) ; les Quatre Filles du docteur March (Cukor, id.) ; Mademoiselle Hicks (J. Cromwell, 1934) ; The Little Minister (Richard Wallace, id.) ; Cœurs brisés (Break of Hearts, (Phillip Moeller, 1935) ; Alice Adams (G. Stevens, id.) ; Sylvia Scarlett (Cukor, id.) ; Marie Stuart (J. Ford, 1936) ; la Rebelle (A Woman Rebels, M. Sandrich, id.) ; Pour un baiser (G. Stevens, 1937) ; Pension d'artistes (G. La Cava, id.) ; l'Impossible Monsieur Bébé (H. Hawks, 1938) ; Vacances (Cukor, id.) ; Indiscrétions (Cukor, 1940) ; la Femme de l'année (G. Stevens, 1942) ; la Flamme sacrée (Cukor, 1943) ; le Cabaret des étoiles (F. Borzage, id.) ; le Fils du Dragon (J. Conway, H. S. Bucquet, 1944) ; Sans amour (Bucquet, 1945) ; Lame de fond (V. Minnelli, 1946) ; le Maître de la prairie (E. Kazan, 1947) ; Passion immortelle (C. Brown, id.) ; l'Enjeu (F. Capra, 1948) ; Madame porte la culotte (Cukor, 1949) ; The African Queen (J. Huston, 1952) ; Mademoiselle Gagne-Tout (Cukor, id.) ; Vacances à Venise (D. Lean, 1955) ; le Faiseur de pluie (J. Anthony, 1956) ; Whisky, Vodka et Jupon de fer (The Iron Petticoat, R. Thomas, id.) ; Une femme de tête (W. Lang, 1957) ; Soudain l'été dernier (J. L. Mankiewicz, 1959) ; Long Day's Journey into Night (S. Lumet, 1962) ; Devine qui vient dîner (S. Kramer, 1967) ; Un lion en hiver (A. Harvey, 1968) ; la Folle de Chaillot (B. Forbes, 1969) ; les Troyennes (M. Cacoyannis, 1971) ; A Delicate Balance (T. Richardson, 1973) ; Love Among the Ruins (Cukor, TV, 1975) ; Une bible et un fusil (Rooster Cogburn, Stuart Millar, id.) ; Olly Olly Oxen Free (Richard A. Colla, TV, 1978) ; The Corn is Green (Cukor, TV, 1979) ; la Maison du lac (M. Rydell, 1981) ; Grace Quigley (Harvey, 1984) ; Mrs Delafield Wants to Marry (TV, 1986) ; Love Affair (Glenn Gordon Caron, 1994).

HEPP (Joseph)

chef opérateur grec d'origine hongroise (Budapest 1897 - Athènes 1968).

Ingénieur de formation, il devient opérateur pour Pathé en Grèce, où il assure les projections de l'une des trois premières salles d'Athènes, le Panellinion. Lié à la société influente, il réalise de petits films plus ou moins officiels avant de participer, comme cameraman, à la guerre d'Asie Mineure (1919-1922) ; il suit de même la guerre contre l'Italie puis la guerre civile au lendemain de la libération de la Grèce. Il fonde, en 1915, avec Dimos Vratsanos, la société Asty Films et forme les premiers techniciens du pays, de même qu'il assure, de fait, la mise en scène des films censés être dirigés par les acteurs des théâtres grecs qui s'y taillent des rôles et un complément rentable de popularité. Il invente, au moment de l'irruption du parlant, le procédé Vitaphone et ne cesse de tourner ou de produire des bandes d'actualités. Assistant de Leni Riefensthal pour les Dieux du stade (1938) et chef opérateur sur quelque 150 films, dont Pain amer de Grigoriou (1951), il joue un rôle très écouté de conseiller auprès de deux générations de techniciens.