Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BLANCHAR (Pierre Blanchard, dit Pierre) (suite)

Pendant l'Occupation, Jean Delannoy lui donne un rôle populaire avec Pontcarral, colonel d'Empire, (1942). Il a, de plus, l'occasion de s'essayer à la réalisation. Respectivement adaptés de Tourgueniev et Balzac, Secrets (1943) et Un seul amour (id.) ne convainquent guère, mais confirment les ambitions d'un homme exigeant et honnête. Président du Comité de libération du cinéma, il dit le commentaire du film collectif sur la Libération de Paris (1944), qu'il présentera dans les pays alliés. Après le Bossu (Delannoy, 1944), Patrie (L. Daquin, 1946), la Symphonie pastorale (Delannoy, 1946) et Docteur Laennec (M. Cloche, 1949), sa carrière cinématographique connaît une éclipse de près de dix ans, qu'il consacre au théâtre. Sa dernière apparition dans le Monocle noir (G. Lautner, 1961) pastiche avec humour les tics bien connus de cet acteur singulier qui incarne — ô ironie ! — un nostalgique d'Hitler. L'actrice Dominique Blanchar est sa fille.

BLANCHE (Francis)

acteur français (Paris 1921 - id. 1974).

Fils d'acteur, il fréquente très tôt les milieux du théâtre. Il commence sa carrière au cabaret, à l'âge de dix-sept ans, après des études secondaires brillantes. Son pessimisme foncier l'empêchera de s'engager dans une carrière universitaire que ses dons lui permettaient. Il préférera improviser sa vie, comme son métier, sous le signe d'un dilettantisme amusé et parfois subversif. Il abordera d'ailleurs toutes les formes d'expression du spectacle, avec le même bonheur, mais aussi la même désinvolture : music-hall, théâtre, radio, télévision. Il joue, avec Pierre Dac dans les années 50, un rôle un peu comparable à celui des goons britanniques, dont Peter Sellers est issu, avec la longue série des feuilletons Malheur aux barbus et Signé Furax. Il est l'auteur d'innombrables textes de chansons, de monologues, de dialogues de pièces de théâtre et de films. Sa participation au cinéma des années 50 à 70 est quantitativement impressionnante. Souvent auteur secondaire de ses personnages dans des œuvres de qualité très inégale signées par d'autres, il a traversé tout le cinéma comique et satirique français. Sa composition du commandant nazi, dans Babette s'en va-t-en guerre, auprès de Brigitte Bardot, restera emblématique de son art de la composition, dont la loufoquerie peut basculer dans la dérision grinçante. Principales apparitions à l'écran : Tire-au-flanc (Fernand Rivers, 1950), Minuit quai de Bercy (Christian Stengel, 1953), Ah ! les belles bacchantes (Jean Loubignac, 1954), les Motards (Jean Laviron, 1959), Babette s'en-va-t-en guerre (Christian-Jaque, id.), les Tontons flingueurs (G. Lautner, 1963). Il a écrit également un certain nombre de scénarios, parmi lesquels : L'assassin est à l'écoute (Raoul André, 1948), Une fille à croquer (id., 1951). Francis Blanche a aussi cosigné les dialogues de la Grande Bouffe (M. Ferreri, 1973) et réalisé, en 1962, Tartarin de Tarascon.

BLANK (Les)

cinéaste américain (Tampa, Fla., 1935).

Dans la riche tradition du documentaire américain, l'œuvre de Les Blank occupe une place à part. Formé par le cinéma industriel et éducatif, Blank a très vite axé son travail sur la nourriture et la musique, deux éléments essentiels de la culture. Dédaignant tout propos didactique, les courts métrages de Les Blank refusent le commentaire et adoptent une démarche ethnographique. Dès ses débuts, il s'intéresse aux poulets (Running Around Like a Chicken With Its Head Cut Off, 1960) et à Dizzie Gillespie (1964). Il fait le portrait des chanteurs de blues Lightnin ’ Hopkins (The Blues According to Lightnin ’ Hopkins, 1968) et Mance Lipscomb (A Well Spent Life, 1971), du chanteur de rock Leon Russell (A Poem Is a Naked Person, 1974) et du violoniste Tommy Jarrell (Sprout Wings and Fly, 1983). Il s'attache aux danseurs de polka (In Heaven There Is No Beer, 1984), à la culture cajun (Dry Wood, 1972 ; Hot Pepper, id.), aux chicanos (Chulas Fonteras, 1976 ; Del Mero corazón, 1979), aux Serbes de Californie (Ziveli : Medicine for the Heart, 1987). Célébrant la vie sous toutes ses formes avec un entrain dionysiaque, il chante les vertus et la saveur de l'ail (Garlic Is As Good As Ten Mothers, 1980). C'est l'ail qui parfume les chaussures de Werner Herzog que le réalisateur allemand mange en public (Werner Herzog Eats His Shoe, 1980). Il suit le même Herzog en Amérique du Sud pour filmer le tournage de Fitzcarraldo (A Burden of Dreams, 1982).

BLASETTI (Alessandro)

cinéaste italien (Rome 1900 - id. 1987).

Après avoir été employé de banque et conduit à terme des études de droit, Blasetti se lance dans le journalisme militant pour prendre la défense du cinéma italien et pour affirmer la nécessaire renaissance d'une industrie moribonde. D'abord collaborateur du quotidien L'Impero, il fonde en 1926 Lo Schermo, revue de culture cinématographique qui devient en 1928 Cinematografo. Blasetti crée également en 1928 Lo Spettacolo d'Italia, un autre hebdomadaire à vocation plus large que le précédent. Avec les lecteurs de Cinematografo, il fonde une coopérative de production, l'Augustus, grâce à laquelle il va pouvoir passer à la mise en scène : à partir d'un sujet d'Aldo Vergano, il tourne en 1928 Sole. Le succès du film lui ouvre la possibilité de travailler pour la société la plus puissante du moment, la Cines, de Pittaluga. Devenu, à partir de 1930, un cinéaste apprécié de la critique et du public, il apparaît beaucoup sur les écrans et se montre à l'aise dans les grandes reconstitutions historiques comme dans les films à thèmes contemporains ; il alterne aussi drames et comédies et tourne même quelques films fortement marqués par l'atmosphère fasciste. Parmi les films réalisés de 1930 à 1943, on peut citer Nerone (1930) avec Ettore Petrolini, Terra madre (1930), La tavola dei poveri (1932) avec Raffaele Viviani, 1860 (1933), Vecchia guardia (1935), un des rares films consacrés aux circonstances de l'arrivée au pouvoir des fascistes, puis Aldebaran (id.), Ettore Fieramosca (1938), Retroscena (1939), Un‘ avventura di Salvator Rosa (1940), la Couronne de fer (La corona di ferro, 1941), la Farce tragique (La cena delle beffe, 1941), Quatre Pas dans les nuages (Quattro passi fra le nuvole, 1942). Grâce à ce dernier film, Blasetti se prépare à prendre le tournant de l'après-guerre et à participer, certes de manière mineure, au courant néoréaliste. Dans cette perspective, il réalise Un jour dans la vie (Un giorno nella vita, 1946). Après le médiocre Fabiola (id., 1949) et quelques années d'incertitude créatrice, Blasetti retrouve une seconde jeunesse en tournant deux films à sketches très appréciés du public Heureuse Époque (Altri tempi, 1952) ; Quelques pas dans la vie (Tempi nostri, 1954) et surtout en lançant le couple Sophia Loren-Marcello Mastroianni dans deux comédies brillamment enlevées : Dommage que tu sois une canaille (Peccato che sia una canaglia, 1955), la Chance d'être femme (La fortuna di essere donna, id.). En 1959, il inaugure, avec Nuits d'Europe (Europa di notte, suivi en 1961 de Io amo tu ami), un genre qui obtient immédiatement un grand succès, celui du film enquête sur la vie nocturne de grands cabarets internationaux. En 1966, il réalise le très personnel Moi, moi, moi... et les autres (Io, io, io... e gli altri), film dans lequel il dresse en quelque sorte le bilan de ses expériences passées. Depuis cette date, Blasetti a réalisé quelques films mineurs et s'est ensuite consacré à des travaux pour la télévision, notamment des anthologies de films comiques (L'arte di far ridere, 1976) et de films de science-fiction (Racconti di fantascienza, 1978). En plus d'un demi-siècle d'activité, Blasetti s'est montré, sans conteste, un des cinéastes italiens les plus productifs : doté d'un solide métier, apte à sentir l'évolution du goût du public avec lequel il a toujours maintenu un contact intelligent, il s'apparente aux cinéastes hollywoodiens de la grande époque : son univers personnel ne s'impose pas au premier abord mais sous-tend toute l'œuvre d'un fil continu. Surnommé « le metteur en scène en bottes » (il apparaît dans Bellissima de Visconti et dans Une vie difficile de Risi), Blasetti s'impose avec sa forte personnalité comme un homme de spectacle aux qualités évidentes, même si aucun de ses films ne le place vraiment au niveau des plus grands. Nul doute, toutefois, que, dans les années 30 et au début des années 40, il soit avec Camerini le meilleur cinéaste italien.