Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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CINÉ-ŒIL (Kino-Glaz). (suite)

En 1924, le très officiel Goskino crée une nouvelle branche, le Kultkino, dont il offre la direction à Vertov. Cet organisme donne la possibilité au cinéaste de diriger, selon les méthodes du Ciné-Œil, un long métrage, Ciné-Œil (Kino-Glaz) conçu comme la première partie du cycle « la Vie à l'improviste ».

La plupart des films de Vertov, du moins jusqu'aux Trois Chants sur Lénine (1934), obéissent à quelques préceptes — ou à la totalité — du Ciné-Œil. La Onzième Année (1928) est le dernier film muet associant l'approche du Ciné-Œil et le panorama des victoires sociales et économiques du nouveau régime. S'il se présente presque comme une application des théories du Ciné-Œil, l'Homme à la caméra (1929) en déborde nettement les limites, en ce sens que, grâce à une grammaire filmique très complexe (et très adéquate), cette œuvre constitue à elle seule une critique interne de la méthode de « la Vie à l'improviste », quant au thème qui y est développé : l'organisation d'un homme et d'une ville synthétiques. Enthousiasme ou la Symphonie du Donbass (1931) allie au Ciné-Œil la Radio-Oreille, afin de susciter le contrepoint sonore, déjà présent graphiquement dans les intertitres dynamiques des films muets de Vertov. À cette époque les Kinoki, en butte à de nombreuses critiques, se dissolvent. Dans ses deux derniers films personnels, Trois Chants sur Lénine et Berceuse (1937), Vertov s'oriente vers le documentaire poétique, genre alors florissant en Europe.

Les théories du Ciné-Œil, au-delà de l'influence immédiate qu'elles ont eue sur des cinéastes comme Ruttmann, Vigo, Stork, Ivens, Grierson, etc., sont reprises et systématisées par les pratiquants du cinéma direct des années 60 (les Canadiens du Candid Eye ; les Américains Leacock, Maysles, Pennebaker ; les Français Rouch, Marker, etc.).

CINÉ-PARC.

Mot composé québécois équivalent à drive in.

CINÉPHILE.

Amateur de cinéma. ( CINÉ.)

CINÉRAMA.

Procédé de cinéma à grand spectacle sur écran large par images jointives.

CINÉRAMA.

Inauguré fin 1952 à New York, le Cinérama se caractérisait par un immense écran courbe présentant une image apparemment unique mais constituée en fait de trois images juxtaposées issues de trois projecteurs fonctionnant en synchronisme. (Les films étaient enregistrés par trois caméras, elles aussi synchronisées.) Pour assurer la continuité apparente des images, on les faisait se chevaucher légèrement, les bords latéraux des fenêtres des projecteurs étant munis d'un dispositif qui assurait, dans la zone de chevauchement, une espèce de « fondu enchaîné » permanent des images.

Grâce à cet immense écran, qui occupait tout le champ visuel du spectateur, grâce aux effets de perspective sonore fournis par de nombreux haut-parleurs alimentés par une bande magnétique multipiste, le Cinérama offrait une dimension spectaculaire sans commune mesure avec celle des films habituels au format* 1, 37. Il connut de ce fait un grand succès, avec d'abord un film de démonstration, This is the Cinerama (film supervisé par M. Todd, F. Rickey et W. Thompson en 1952), puis avec des films de fiction comme la Conquête de l'Ouest (H. Hathaway, G. Marshall et J. Ford en 1962).

Le procédé était toutefois très complexe, et les lignes de raccordement des images demeuraient perceptibles. Au début des années 60, on le simplifia par l'emploi d'un unique projecteur 70 mm, les images étant légèrement comprimées dans le sens horizontal, par anamorphose*, de façon à « tenir » en largeur sur le film 70 mm. Malgré cela, le Cinérama disparut vers 1970, victime des retombées de son propre succès. En montrant l'attrait du grand écran, il avait en effet suscité l'apparition du CinémaScope puis du 70 mm, conçus pour l'écran plat et donc beaucoup plus faciles à mettre en œuvre.

Le premier précurseur du Cinérama fut le Cinéorama, présenté par Grimoin-Sanson* à l'Exposition universelle de Paris en 1900, où dix projecteurs synchronisés couvraient un écran cylindrique entourant le public. Le Cinéorama n'assura que trois représentations avant d'être interdit, en raison du risque d'incendie que constituait l'énorme chaleur dégagée par les dix lanternes à arc. En 1927, pour son Napoléon, Abel Gance eut recours dans certaines scènes à la juxtaposition de trois images, ce procédé de « triple écran » étant baptisé Polyvision. Le Cinérama, issu des travaux de Fred Waller*, eut une réplique soviétique, le Kinopanorama, et de nombreux descendants : Cinémiracle, Circarama, etc.

CINTRA (Luis Miguel)

acteur portugais (Madrid, Espagne, 1949).

Il fait ses débuts de comédien et de metteur en scène de théâtre en 1968 au Théâtre universitaire de Lisbonne, fréquente en Angleterre la Bristol Old Vic Theater School et crée à Lisbonne en 1973 (avec Jorge Silva Melo) le Teatro da Cornucopia qu'il dirige et où il met en scène (et interprète) Cervantès, Molière, Brecht, Goethe, Shakespeare, De Filippo. Il est également attiré par l'opéra (l'Enfant et les sortilèges de Ravel; Didon et Énée de Purcell). Au cinéma, il apparaît comme un comédien précis, vibrant, nourri de culture classique : Sinais de Vida (L. F. Rocha, 1984), Vertiges (Christine Laurent, 1985), Terre étrangère (Luc Bondy, 1986), Ici sur la terre (João Botelho, 1993), Transatlantique (Ch. Laurent, 1997), Peixe-lua (José Alvaro Morais, 1999), Capitaines d'avril (Maria de Medeiros, 2000). Mais il s'est surtout fait remarquer dans les films de Paulo Rocha (l'Île des amours, 1982; les Montagnes de la Lune, 1986; la Racine du cœur, 2000), João Cesar Monteiro (Silvestre, 1982; les Noces de Dieu, 1998; Branca de Neve, 2000) et de Manoel de Oliveira (le Soulier de satin, 1985; Mon cas, 1986; les Cannibales, 1988; Non ou la Vaine Gloire de commander, 1990; la Divine Comédie, 1991; le Val Abraham, 1993; la Cassette, 1994; le Couvent, 1995; Inquiétude, 1998; la Lettre, 1999; Parole et Utopie, 2000).

CISSÉ (Soulaymani, ou Souleymane)

cinéaste malien (Bamako 1940).

C'est à Dakar qu'il accomplit ses études secondaires ; mais, bientôt, l'URSS lui accorde des bourses d'études, dont la seconde lui assure cinq ans d'enseignement au VGIK de Moscou. De retour à Bamako, il réalise des documentaires pour le ministère de l'Information. Après l'Homme et les idoles (1965), Sources d'inspiration (1966) et l'Aspirant (1968), son court métrage Cinq jours d'une vie (1972) est primé au festival de Carthage. Tournée en 1974, la Jeune Fille (Den Muso), premier long métrage de fiction malien en langue bambara, est interdit ; le thème : rejet d'une fille-mère (muette de naissance) par sa famille... Le même regard critique sur la société et les formes de pouvoir, la même sensibilité se retrouvent (soutenus par un lyrisme mesuré, qui confirme les dons de conteur de Cissé, la liberté naturelle de sa mise en scène) dans Baara (id., 1978), et dans le Vent (Finyé, 1982), qui est le premier film d'Afrique noire à mettre entre parenthèses l'époque coloniale. La Lumière (Yeelen, 1987) est un film d'une grande beauté plastique qui traite de l'étrange parcours initiatique d'un jeune homme qui cherche à retrouver les pouvoirs magiques jalousement gardés par son père. L'œuvre connaît un juste succès international. Huit ans après Yeelen, Cissé réalise Waati (1995), première approche d'un cinéaste noir sur l'apartheid, qui conte l'odyssée d'une jeune Sud-Africaine de couleur qui doit fuir son pays, où règne la répression, et trouve peu à peu, à travers les contrées parcourues, son identité de femme africaine.