Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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BOORMAN (John) (suite)

L'incompréhension du public et d'une grande partie de la critique conduit Boorman à accepter de tourner la suite de l'Exorciste : l'Hérétique (1977). Mais il transforme cette commande en une œuvre personnelle, en un thriller métaphysique qui abandonne les effets de grand-guignol du film de Friedkin en faveur de la recherche poétique d'une réconciliation entre la magie et la science au cœur de l'Afrique. Excalibur (1981) se présente comme une synthèse de la poétique boormanienne. Influencé dès le plus jeune âge par les récits arthuriens, qui ne cesseront d'irriguer ses films, le réalisateur s'attaque directement à l'histoire de Merlin, d'Arthur, de Lancelot et de Perceval. Il recrée un Moyen âge imaginaire où se conjuguent les influences barbares, orientales et gothiques, mêle les tons comique, épique et lyrique en un brassage shakespearien et approfondit sa recherche d'un itinéraire spirituel qui conduit ses héros, d'épreuve en épreuve, à une meilleure connaissance d'eux-mêmes. La Forêt d'émeraude (1985) transpose dans le Brésil contemporain un thème cher au western. Un ingénieur américain voit son fils de sept ans disparaître dans la jungle amazonienne. Dix ans plus tard, il le retrouve dans une tribu indienne. Réflexion sur le rapport entre les cultures, recherche d'une réconciliation de l'homme avec la pensée mythique, nouvelle odyssée d'un homme trouvant son identité, la Forêt d'émeraude s'inscrit dans la continuation logique de la carrière du metteur en scène. Il en est de même, malgré les apparences, d'œuvres plus intimistes comme la Guerre à sept ans et Tout pour réussir, qui nous ramènent au ton de la fable que Boorman avait déjà brillamment abordé dans Léo, le dernier. Si Beyond Rangoon applique une mise en scène ample et virtuose à une formule plus conventionnelle, le Général revient à un sujet irlandais, au noir et blanc et à un traitement sobre. Mais Boorman ne continue jamais dans la voie que l'on prévoit : en effet TheTailor of Panama adapte avec brio et humour un roman de John Le Carré en approfondissant la tradition du film d'espionnage.

Le cinéma de Boorman se nourrit de paradoxes. Issu de la télévision, il en est presque la négation esthétique et accorde à l'image une place prépondérante. Bien qu'elle soit tributaire du film de genre (gangster, science-fiction, horreur), son œuvre est marquée au sceau d'une forte personnalité, qui impose à chaque fois sa vision propre. Britannique, il tourne le dos à la tradition réaliste et psychologique de ce pays et – comme Michael Powell – privilégie la fantaisie et l'imaginaire. Il sait aussi se faire américain avec, dans le Point de non-retour et Délivrance, un sens de la violence, du rythme et de la texture que peuvent lui envier bien des réalisateurs d'outre-Atlantique. Comme Stanley Kubrick – mais, à la différence de ce dernier, plus proche de Jung que de Freud –, Boorman est un cinéaste de l'imaginaire, fasciné par les mythes et les rêves, se livrant à une réflexion sur le devenir des civilisations. Il y a en lui un romantique et en même temps un humoriste qui prend ses distances envers la folie des hommes et leurs aspirations. Ses films, comme ses héros, sont porteurs d'une grande énergie et, entre la première et la dernière image, de profondes transformations s'accomplissent, le monde et les êtres changent considérablement. Boorman aime jouer sur le rôle du regard et des instruments d'optique (Léo observe le monde avec des jumelles, le héros du Point de non-retour et ceux de Délivrance sont sans cesse épiés à leur insu, la jeune fille de l'Hérétique circule, par ses visions, à travers le temps et l'espace). Cette œuvre devient ainsi une réflexion sur le cinéma et, au centre de la plupart des films, on retrouve un manipulateur, un magicien, un Merlin l'Enchanteur, qui contrôle les destinées et qui n'est autre que le réalisateur lui-même.

Films  :

Sauve qui peut (Catch Us if you Can, 1965) ; le Point de non-retour (Point Blank, US, 1967) ; Duel dans le Pacifique (Hell in the Pacific, US, 1968) ; Léo le Dernier (Leo the Last, 1970) ; Délivrance (Deliverance, US, 1972) ; Zardoz (id., 1974) ; l'Exorciste II : l'Hérétique (Exorcist II, The Heretic, US, 1977) ; Excalibur (id., 1981) ; la Forêt d'émeraude (The Emerald Forest, 1985) ; la Guerre à sept ans (Hope and Glory, 1987) ; Tout pour réussir (Where the Heart is ? 1990) ; I Dreamt I Woke up (1991) ; Rangoon (Beyond Rangoon, 1995) ; Two Nudes Bathing (MM, id.) ; The General (id., 1998) ; TheTailor of Panama (id., 2001).

BOOTH (Margaret)

monteuse américaine (Los Angeles, Ca., 1898).

C'est à la MGM que se déroule l'essentiel de sa carrière. Elle monte plusieurs films muets de Stahl (1924-1927), puis des bandes de Robert Z. Leonard (la Courtisane, 1931 ; Strange Interlude, 1932), Sidney Franklin, Victor Fleming (Bombshell, 1933). Les Révoltés du « Bounty » (Frank Lloyd, 1935) lui valent de concourir pour l'Oscar. Elle y déploie toute une rhétorique, complexe mais discrète : séquences d'action au montage court, gros plans qui intègrent les personnages à l'environnement dramatique, ellipses temporelles, séquences romantiques dépourvues de dialogue, effets de contraste saisissants mais isolés. C'est le triomphe du montage « invisible » du spectateur moyen. Elle monte encore le Roman de Marguerite Gautier (Cukor, 1937), puis devient chef du département montage de la MGM, de 1939 à 1968. Jusqu'en 1976, affichant l'éclectisme cher aux monteurs hollywoodiens, elle travaille sur des films aussi différents que Nos plus belles années (Pollack, 1973), exemple de cinéma académique bien dans la tradition MGM, et l'âprement réaliste Fat City (Huston, 1972).

BOOTH (Thelma Booth Ford, dite Shirley)

actrice américaine (New York, N. Y., 1907 - North Chatham, Mass., 1992).

Elle s'est surtout illustrée à la scène, dans le drame, la comédie et le musical, et à la télévision, grâce à la populaire série Hazel. Tardive, sa carrière cinématographique se limite à cinq films : Reviens, petite Sheba (1952), mélodrame réaliste de Daniel Mann où elle recrée un de ses rôles théâtraux les plus célèbres ; Main Street to Broadway (T. Garnett, 1953) ; Romance sans lendemain (Daniel Mann, 1954) ; la Meneuse de jeu (J. Anthony, 1958), d'après la comédie de Thornton Wilder qui inspirera Hello, Dolly ; Vague de chaleur (Daniel Mann, 1958).