Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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TROELL (Jan)

cinéaste suédois (Limhamn 1931).

Fils d'un dentiste, élevé en Scanie (Suède du Sud), il est instituteur pendant neuf ans avant d'aborder le cinéma, au début des années 60, comme opérateur, monteur et réalisateur de courts métrages. Il signe en 1963 la photo du Péché suédois de Bo Widerberg. L'épisode Un séjour dans les marais (Uppehall i Myrlandet, 1964) du film 4 × 4 est une ébauche très maîtrisée de son premier long métrage les Feux de la vie (Här har du ditt liv, 1966), éducation sentimentale, sociale et politique d'un jeune garçon du Norrbotten à l'époque de la Première Guerre mondiale. Adapté de l'œuvre d'Eyvind Johnson, le film surprend par sa fraîcheur, sa complicité fraternelle avec celui qui incarne le jeune héros : Eddie Axberg. Avec Ole dole doff, il montre qu'il est loin d'être l'homme d'un seul film : cette étude d'un maître d'école persécuté par ses élèves, incapable de communiquer avec qui que ce soit, progressivement gagné par l'amertume, est d'une admirable précision et lui vaut l'Ours d'or du festival de Berlin. La notoriété internationale lui vient avec une œuvre en deux volets d'après les récits de Vilhelm Moberg : les Émigrants (Utvandrarna, 1971) et le Nouveau Monde (Nybyggarna, 1972). Une remarquable direction d'acteurs (Max von Sydow et Liv Ullmann en tête), un équilibre harmonieux entre les scènes intimes et les scènes épiques, un véritable sens du décor lui apportent un grand succès populaire en Suède et des propositions alléchantes des compagnies américaines. Mais le « climat » américain réussit moins bien à ce Suédois, tout à coup obligé de travailler à un autre rythme et sur d'autres bases de production. Il ne retrouve pas la magie de sa « saga de l'émigration » dans Zandy's Bride (1974) ni dans le film très personnel qu'il tourne cette fois dans son pays natal, Bang ! (id., 1977), qui pèche peut-être par trop de richesse philosophique et par un pessimisme déroutant pour ceux qui avaient cru déceler en Troell un poète panthéiste tourné vers l'espoir. Déprimé par l'échec public de Bang !, le cinéaste accepte l'offre du producteur Dino de Laurentiis, qui lui demande de réaliser l'Ouragan (Hurricane, 1979) avec un budget imposant. Le remake du film de John Ford n'est pas à la hauteur des espérances de Troell, qui, de plus, se voit privé de son contrôle d'auteur lors du montage final.

En 1980, il revient en Suède et réalise un projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : le Vol de l'aigle (Ingenjör Andrées luftfärd, 1982) qui retrace la tragique expédition au pôle Nord effectuée en ballon, en 1897, par l'ingénieur Andrée et deux compagnons. Terre de rêves (Sagolandet, 1989) est un étonnant documentaire, à la fois sociologique, politique, philosophique et... familial (le film est dédié à sa petite-fille) où l'auteur pose de manière originale et avec lucidité certaines questions, parfois dérangeantes, parfois inquiètes, sur le monde contemporain. En 1991, il signe Il capitano, puis Dancing (1994) et Hamsun (1997). Troell a su toujours rester fidèle à ses idéaux : montrer des individus résolus à jauger leur caractère en s'affrontant avec la nature et les éléments ou peut-être avec leur propre nature. ▲

TROISI (Massimo)

acteur et cinéaste italien (Naples 1953 - Ostie 1994).

Après avoir fondé le trio comique « La smorfia » avec Lello Arena et Enzo Decaro, qui se produit au cabaret et à la télévision, Massimo Troisi écrit, tourne et interprète son premier film en 1981, Ricomincio da tre, qui obtient un énorme succès en Italie. Suivent alors Scusate il ritardo (1983), Non ci resta che piangere (1984, coréalisé avec Roberto Benigni), Le vie del Signore sono finite (1987) et Pensavo fosse amore invece era un calesse (1992). Doté d'un physique avantageux et d'une diction voilée, Troisi est remarqué par Ettore Scola, qui lui confie des rôles de protagoniste dans Splendor (1989), Quelle heure est-il (Che ora è, 1989), le Capitaine Fracasse (1990). Aux côtés de Benigni, Nichetti, Nuti et Verdone, Massimo Troisi apparaît dès lors comme l'un des meilleurs représentants de la génération des cinéastes-acteurs de la comédie italienne contemporaine. Hélas, il disparaît soudainement en 1994 alors qu'il vient d'achever Il postino de Michael Radford.

TROTTA (Margarethe von)

actrice et cinéaste allemande (Berlin 1942).

Tout d'abord actrice de théâtre, elle débute à l'écran en 1968 et collabore à des scénarios à partir de 1970. On la voit notamment dans trois des premiers films de Fassbinder, en 1969-70, et dans des films de Klaus Lemke, Gustav Ehmck, Herbert Achternbusch, Reinhard Hauff et de Volker Schlöndorff. Épouse de ce dernier, elle collabore au scénario de son film la Soudaine Richesse des pauvres gens de Kombach et elle est l'actrice principale — très remarquée — de ses deux films suivants : Feu de paille (1972) et le Coup de grâce (1976), dont elle est aussi coscénariste.

Auteur d'une adaptation théâtrale du livre de Böll, elle est coscénariste et coréalisatrice avec Schlöndorff de l'Honneur perdu de Katharina Blum (Der verlorene Ehre der Katharina Blum, 1975), puis dirige, seule, le Second Éveil (Das zweite Erwachen der Christa Klages, 1977), un film très personnel qui se fait l'écho de l'actualité politique allemande, l'un des épisode (Bundeswehrlied) du film les Patriotes de Kluge et une œuvre beaucoup plus intimiste, les Sœurs (Schwestern, oder die Balance des Glücks, 1979). Elle réalise ensuite deux œuvres importantes où s'opère la fusion entre le social et la politique d'une part, et où s'affirme, d'autre part, une grande sensibilité aux déterminations psychologiques des relations entre les individus : les Années de plomb (Die bleierne Zeit, 1981) et l'Amie (Heller Wahn, 1982). En 1985, elle tourne Rosa Luxembourg (Rosa Luxemburg), biographie austère et quelque peu compassée de la révolutionnaire allemande, en 1988, un épisode (Eva) du film Felix et, la même année, adapte Tchekhov en modernisant le sujet des Trois Sœurs (Paura et amore). En 1990, elle signe l'Africaine / le Retour (l'Africana / Die Rückkehr) et, en 1993, Il lungo silenzio. Après ces deux films tournés en Italie, où elle réside depuis 1987, elle revient en Allemagne pour réaliser laPromesse (Das Versprechen, 1995), l'histoire d'un amour déchiré entre deux jeunes gens qui vivent dans la même ville mais ne pourront se voir que quatre fois en 28 ans à cause de la construction du mur de Berlin. ▲