Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CAMÉRA. (suite)

Tous ces viseurs extérieurs présentent l'inconvénient d'introduire un décalage (appelé parallaxe) entre l'image vue dans le viseur et l'image filmée. En modifiant l'orientation du viseur, on peut corriger cette parallaxe pour une distance donnée, mais on perd alors le cadrage relatif entre premier plan et arrière-plan.

Pour remédier à ce défaut, on imagina dans les années 20 d'observer directement l'image fournie par l'objectif grâce à un verre dépoli placé dans le couloir à la place du film. Cela permettait bien de contrôler le cadrage et la mise au point avant et après la prise de vues mais non pendant celle-ci, sauf sur certaines caméras où le système de visée traversait la caméra jusqu'au couloir, permettant ainsi à l'opérateur de suivre l'image par transparence à travers le film, qui jouait alors le rôle de dépoli. Cette pratique, peu commode car l'image observée était très peu lumineuse, fut condamnée par l'introduction des couches antihalo ( FILM) opaques.

La solution définitive était la visée reflex. Dans la visée reflex continue, une mince lame de verre inclinée à 45o ou un prisme diviseur, placé entre objectif et film, dévie en permanence vers le viseur une petite fraction des rayons lumineux. Simple, ce dispositif réduit malheureusement l'éclairement reçu par le film, et l'image de visée est peu lumineuse. Dans la visée reflex intermittente, inaugurée par Arriflex et adoptée aujourd'hui sur toutes les caméras professionnelles, un miroir orienté à 45o dévie totalement le faisceau lumineux mais uniquement pendant l'escamotage du film. Il en résulte un certain scintillement mais les inconvénients de la visée reflex continue sont éliminés. Usuellement, le miroir incliné à 45o est solidaire de la pale de l'obturateur. On peut aussi employer un miroir oscillant indépendant de l'obturateur, voire un miroir à 45o monté sur l'obturateur à guillotine. Sur certaines caméras, la lunette de visée (c'est-à-dire l'ensemble optique qui véhicule jusqu'à l'œil de l'opérateur l'image captée par le miroir) peut être remplacée par un petit tube vidéo de prise de vues : cela permet d'observer l'image à distance, sur un écran de type télévision.

Caméras muettes et sonores.

À l'époque du muet, le bruit de la caméra n'avait aucune importance, de sorte qu'on aborda le cinéma parlant sans disposer de caméras silencieuses. Aux tout débuts, on enferma caméra et opérateur dans un caisson insonorisé, ce qui interdisait tout mouvement d'appareil. Pour rendre sa liberté à la caméra, on imagina d'abord le blimp, caisson insonorisant adaptable qui épouse les formes de la caméra, les commandes essentielles (mise au point, diaphragme) étant prolongées à l'extérieur du blimp, de même que le viseur. Le blimp est toujours d'emploi courant car il permet un double usage des caméras portables mais bruyantes : sans blimp (la caméra étant alors très maniable), pour les scènes — les extérieurs par exemple — où le son sera de toute façon reconstitué en studio ; avec blimp, quand on tourne en son direct.

L'autre solution, imaginée presque en même temps, revient à incorporer le blimp, par construction, à la caméra. Cette dernière comporte deux coques, les organes bruyants (et notamment le mécanisme d'avance intermittente) se trouvant à l'intérieur de la coque centrale. Pour accéder au film, il faut ici ouvrir successivement deux portes.

Ces deux solutions conduisent à des appareils lourds et encombrants. Or, vers les années 60 apparut le besoin (en particulier pour les reportages de télévision) d'une caméra à la fois portable et suffisamment silencieuse pour permettre l'enregistrement direct du son. En redessinant les organes générateurs de bruit, les constructeurs aboutirent, d'abord en 16 mm puis en 35 mm, à des caméras autosilencieuses. (Certaines ne sont que partiellement silencieuses et nécessitent, pour le tournage en son direct, de blimper tel ou tel organe : magasin, moteur, objectif.) Conjuguant maniabilité et silence, ces caméras ne sont toutefois pas vraiment aussi silencieuses que les caméras blimpées ou à double coque, qui demeurent donc les caméras normales du studio.

Par un retournement amusant (mais logique) du vocabulaire, on qualifie de muettes les caméras bruyantes et de sonores les caméras... silencieuses.

Accessoires.

En plus des accessoires déjà décrits (moteur, viseur, etc.) et des accessoires évidents tels que poignée ou bien commande de mise en marche, les caméras comportent un nombre variable d'accessoires divers, par exemple :

— compteur qui indique le métrage de film consommé ;

— porte-filtre et parasoleil ;

— repère, symbolisé ∅, indiquant la position du plan du film, puisque les distances de mise au point se comptent à partir de ce plan ;

— tachymètre, indiquant la cadence de prises de vues ;

— claquette automatique (petite lampe voilant une image pendant qu'est émis un signal enregistré sur le magnétophone  REPIQUAGE) ;

— report des distances de mise au point et des graduations du diaphragme.

Brève histoire des caméras.

Un certain nombre de caméras ont marqué l'histoire du cinéma.

L'ère des caméras à caisse de bois, inspirées des modèles qui avaient permis l'invention du cinéma, dura jusqu'après la Première Guerre mondiale ; une des plus répandues (elle filma notamment Naissance d'une nation) fut la française Pathé, dérivée du Cinématographe Lumière. Les premières caméras modernes apparurent d'abord un peu avant la guerre avec l'américaine Bell et Howell de studio (détrônée plus tard par la Mitchell) et, surtout, au début des années 20, avec la Parvo, due au Français A. Debrie*, et avec la Mitchell (« Standard » puis « NC »), due à l'Américain G. Mitchell*. Ces deux dernières caméras, et leurs descendantes, furent diffusées (et souvent copiées) dans le monde entier. (De cette époque date également la Camé Six, de la firme française Éclair, encore recherchée de nos jours pour certaines utilisations particulières.)

L'ère du parlant arrivée, les grandes caméras silencieuses de studio furent d'abord la Superparvo (1933) et la Mitchell BNC (1934). Après guerre, apparut la Camé 300 Reflex, de la famille des caméras dues au Français André Coutant*. Aujourd'hui, parallèlement à Mitchell (qui propose depuis une dizaine d'années la visée reflex), les deux grandes caméras de studio sont la Panavision*, relativement récente, et l'Arriflex (voir ci-dessous) blimpée.