Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SCHOENDOERFFER (Pierre)

cinéaste français (Chamalières 1928).

Il a été marin sur un cargo et a fait son service militaire dans l'infanterie alpine avant de s'engager pour l'Indochine, où il sert comme opérateur au Service cinématographique des armées en 1952. Prisonnier à Dien-Bien-Phu, démobilisé en 1955, il choisit de rester au Viêt-nam comme correspondant de guerre. En 1956, il rencontre Joseph Kessel, sur un scénario de qui il réalise son premier film, la Passe du Diable, tourné en Afghanistan. C'est aussi sa première collaboration avec le producteur Georges de Beauregard et l'opérateur Raoul Coutard, qui accompagneront la plus grande partie de sa carrière de cinéaste. C'est pour Beauregard qu'il dirige ensuite deux adaptations de Pierre Loti : Ramuntcho (1959) et Pêcheurs d'Islande (id.).

Après 1960, Schoendoerffer est à la fois grand reporter pour divers magazines ou chaînes de télévision (son documentaire la Section Anderson, sur la guerre américaine au Viêt-nam, lui vaut en 1966 de multiples récompenses internationales), romancier et cinéaste (la 317e Section, en 1965, l'impose comme un réalisateur habile à recréer un climat de guerre, qu'il connaît d'expérience, et à brosser des portraits de combattants frappés du sceau de l'authenticité). Objectif 500 millions (1966) n'est qu'une demi-réussite car, si le portrait du « soldat perdu » (Bruno Cremer) qui ne parvient pas à se réadapter à la vie civile et s'engage dans un hold-up est assez vraisemblable, les péripéties de l'action sont, elles, assez convenues. Ses romans et ses films sont nourris de ses expériences (l'Orient, l'Asie centrale, la mer, la guerre) et d'un attachement sentimental à l'image d'une France militaire et coloniale (l'Honneur d'un capitaine, 1982) qui font sa singularité. Son film le plus abouti, le Crabe-Tambour (1977), avec Jacques Perrin et Jean Rochefort, est le chant nostalgique, sinon funèbre, d'une société raidie dans son anachronisme, dont il a vécu les déchirements au temps de la guerre d'Algérie. En 1991 il entreprend une grande fresque sur la guerre d'Indochine : Diên Biên Phu. ▲

SCHOONMAKER (Thelma)

monteuse américaine (1945).

Elle a rencontré Martin Scorsese à New York University et, depuis, sa carrière est restée liée à celle du cinéaste, qui l'a menée à l'Oscar pour son magnifique travail dans Raging Bull (1988). Rapide et fluide, son style unifie dans un flux tumultueux les plans très longs et les plans très brefs que Scorsese affectionne. Elle le seconde depuis Who's That Knocking at My Door ? (1968) et est citée à l'Oscar pour les Affranchis (1990). Elle obtient la même reconnaissance pour l'exceptionnel brassage d'images de Woodstock (M. Wadleigh, 1970), qu'elle gère brillamment. En 1984, elle a épousé le cinéaste britannique Michael Powell.

SCHORM (Evald)

cinéaste tchèque (Prague 1931 - id. 1988).

Après des études musicales, il fréquente l'école du cinéma de Prague (FAMU) de 1957 à 1962 et y réalise quelques courts métrages remarqués. En 1964, son premier film : Du courage pour chaque jour (Každý den odvahu), où il aborde avec lucidité le désarroi d'un homme qui a sacrifié sa jeunesse à un idéal étroit et doit assumer sa désillusion pour trouver d'autres raisons de lutter, fait de lui une sorte de maître spirituel de la nouvelle génération de cinéastes tchèques. Tous ses films ultérieurs seront, sous des formes diverses, autant d'explorations rigoureuses du rapport entre morale individuelle et morale collective, d'exigeantes interrogations sur le sens de nos actions. Après l'épisode la Maison de joie (Dům radosti) du film collectif Petites Perles au fond de l'eau (Perličky na dně, 1965), ce sont le Retour du fils prodigue (Návrat ztraceného syna, 1966), Cinq Filles sur le dos (Pět holek na krku, 1967), le Bedeau/la Fin du curé (Farářův konec, 1968), l'épisode les Souliers de pain (Chlebové střevíčky) du film collectif les Nuits de Prague (Pražské noci, 1968) et le Septième Jour, la Huitième Nuit (Sedmÿ den, osmá noc, 1969), qui n'a pas connu de distribution. Schorm se consacre après la « normalisation » politique en Tchécoslovaquie à la mise en scène lyrique et semble avoir abandonné définitivement le cinéma. Pourtant, en 1988, il revient derrière la caméra pour tourner ce qui sera son dernier film ‘ l'Amour démesuré ’ (Vlastně se nic nestalo) car il meurt peu après la fin du tournage. Il avait également interprété des rôles dans la Fête et les Invités (J. Němec, 1966), Hôtel pour étrangers (A. Masa, 1967), la Plaisanterie (J. Jireš, 1968) et Fugues à la maison (J. Jireš, 1980).

SCHRADER (Paul)

scénariste et cinéaste américain (Grand Rapids, Mich., 1946).

Curieusement, son éducation calviniste très stricte le tient éloigné du monde du spectacle pendant son enfance et son adolescence. Il échappe à dix-huit ans à l'influence parentale, découvre à Los Angeles le cinéma, devient critique de films à Los Angeles et publie un livre : Transcendental Style : Ozu, Bresson, Dreyer. Il tente sa chance comme scénariste, cosigne avec Robert Towne le script de Yakuza (S. Pollack, 1975) et remporte un vif succès avec le sujet de Taxi Driver (M. Scorsese, 1976). Il devient réalisateur en 1978 avec Blue Collar (id.), qui attaque avec vigueur la corruption des syndicats dans une usine d'automobiles. Hardcore (id., 1979), nourri probablement de souvenirs personnels, expose non sans ambiguïtés le désarroi d'un père qui cherche à arracher sa fille au monde des sex-shops et du film pornographique. American Gigolo (1980) évoque la carrière d'un play-boy entretenu. Il est clair que Schrader tente à travers le cinéma de dénoncer l'immoralisme ambiant de son époque. Son style nerveux et précis a du charme, un charme parfois un peu pervers qui rend ses intentions équivoques. En 1982, après avoir cosigné le scénario de Raging Bull de Scorsese, il semble changer de style en abordant le film fantastique. Mais la Féline (Cat People, 1982, avec Nastassja Kinski), remake du film de Jacques Tourneur, est essentiellement le récit d'une descente aux enfers que le cinéaste souligne sans discrétion à l'inverse de son modèle de 1942. En 1985, il signe Mishima, puzzle ambitieux qui explore la vie et l'œuvre de l'écrivain japonais sur fond de sexe et de mort. Après Light of Day (1987), il réalise Patty Hearst (id., 1988), qui évoque l'enlèvement de la petite-fille du magnat de la presse (W. R. Hearst) par un groupuscule terroriste, et sa conversion aux thèses idéologiques de ses ravisseurs. La même année, il écrit pour Scorsese le scénario de la Dernière Tentation du Christ, d'après un roman de Kazantzákis. Étrange séduction (The Comfort of Strangers, 1990) l'entraîne, avec l'appui du scénariste H. Pinter, vers la description ambiguë et très esthétique (le film prenant Venise pour décor principal) de l'univers sulfureux et quelque peu morbide de la frustration sexuelle. Il tourne ensuite Light Sleeper (id., 1992) et Affliction (id., 1998), deux beaux films noirs, Touch (id. 1996) et un attachant mélodrame, les Amants éternels (Forever Mine, 1999). Il est revenu au scénario pour À tombeau ouvert (M. Scorsese, 1999).