Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ALAZRAKI (Benito)

cinéaste mexicain (Mexico 1923).

Racines (Raíces, 1953), son premier film — quatre épisodes sur l'univers misérable des Indiens, dont le réalisme tranche avec l'idéalisation jusqu'alors mise en scène par Fernandez et Figueroa — s'avère le précurseur peu conscient d'un cinéma indépendant au Mexique. Sa carrière ultérieure, tout à fait commerciale et conformiste (mélodrames, films d'horreur destinés au marché national), démontre que le mérite de Racines était surtout dû à Manuel Barbachano Ponce, le producteur, et à Carlos Velo, le coscénariste. Parmi ses autres films, on peut citer Café Colón (1958), El toro negro (1959), Balún Canán (1976).

ALBANIE.

La production albanaise semble avoir été inexistante avant la Libération (1944). En 1947, le gouvernement de la République populaire socialiste décrète la nationalisation des salles et la création de l'Entreprise cinématographique d'État ; en 1952 sont inaugurés les studios de Tirana Albanie nouvelle (Shqiperia e Re). Les premières années sont réalisés documentaires et actualités. La production de longs métrages débute en 1953 avec la coproduction soviéto-albanaise réalisée par Serge Youtkevitch*, Skanderbeg (primé à Cannes en 1954 pour la réalisation), évocation à grand spectacle de la lutte menée par le héros national Georges Castriota (dit Skanderbeg) contre l'envahisseur ottoman au XVe siècle ; une autre coproduction avec l'URSS est réalisée en 1959 par Kristaq Dhamo et Youri Ozerov : la Tempête (Futuna), épopée de la guerre de Libération.

Le premier long métrage spécifiquement albanais est Tana, de Kristaq Dhamo (1957), sur la collectivisation des campagnes, suivi de Debatik, de Hysen Hakani (1961), sur la résistance des enfants pendant l'Occupation. La production, limitée à un film annuel environ jusqu'en 1965, s'accroît peu à peu (six en 1974 et dix en 1975) et atteint une moyenne de cinq longs métrages par an ; une production de dessins animés a également débuté au milieu des années 70 ; la télévision produit de son côté des films et des feuilletons.

Le nombre des salles, qui était de 17 en 1944, s'élevait à 76 en 1964 ; en 1975, on recensait environ 450 unités de projection, y compris les salles fixes et les unités mobiles ; le nombre de spectateurs, qui ne dépassait pas 150 000 avant la Libération, s'est élevé en 1975 à vingt millions pour une population d'environ deux millions et demi d'habitants, soit une fréquentation moyenne relativement forte (8).

Le cinéma albanais est fondé sur les principes idéologiques et esthétiques du réalisme socialiste : il est « socialiste et révolutionnaire par son contenu, national par sa forme ». La production repose sur le travail collectif, à la fois dans la conception (il est tenu compte des demandes du public quant aux thèmes à traiter) et dans la réalisation (les films sont présentés aux collectifs de création et à des échantillons de public avant leur sortie). Les traits fondamentaux des films sont : « l'esprit prolétarien », « la position de classe », « le rôle du héros positif », « le reflet de l'optimisme et du pathos révolutionnaire des masses ». Les thèmes traités concernent avant tout « la lutte de Libération nationale » et « l'édification socialiste du pays ». La formation des jeunes travailleurs du cinéma est assurée par des leçons théoriques et pratiques données à l'Institut supérieur des arts et dans les studios.

Les réalisateurs les plus importants semblent être Kristaq Dhamo : Tana (1957), les Premières Années (1965), Matins de guerre (Mengjeze lufte, 1971), les Sillons (Brazdat, 1973) ; Dimiter Anagnosti : le Commissaire de la lumière (CO V. Gjika, Kamisari i oritës, 1966), les Plaies anciennes (Plage te vjetra, 1969), les Vertes Montagnes (Malet me blerim mbuluar, 1971), la Fille des montagnes (Cuca e maleve, 1974), Dans notre maison (1979) ; Viktor Gjika : les Chemins blancs (Rrugete bardha, id.), l'Affrontement (Perballimi, 1976), En toute saison (1980). Une fable de jadis (1988) montre que Dimiter Anagnosti est une valeur sûre. À signaler, Avril brisé de Cujtim Cashku (1986) d'après le roman d'Ismaïl Kadaré et l'adaptation d'un autre roman du même auteur, le Général de l'armée morte.

ALBATROS.

Société de production française créée en 1922 et dirigée par Alexandre Kamenka (1888-1969). Cette firme prit en fait la suite de la Société Ermolieff, fondée en 1920 par Ermolieff et Kamenka, et qui s'était établie dans des studios à Montreuil (Seine-Saint-Denis), avec l'aide de Pathé. Privilégiant au départ les films tournés ou joués par des émigrés russes (Volkoff, Tourjansky, Protazanov, Mosjoukine, Nathalie Lissenko, Nicolas Rimsky), Kamenka n'en produisit pas moins certains films des grands metteurs en scène français de l'époque comme Marcel L'Herbier (Feu Mathias Pascal, 1925), René Clair (Un chapeau de paille d'Italie, 1928) ou Jacques Feyder (les Nouveaux Messieurs, 1929).

ALBERINI (Filoteo)

producteur et cinéaste italien (Orte 1865 - Rome 1937).

Pionnier du cinéma italien, Alberini invente en 1894 le Kinetografo, appareil pour la prise de vues, le tirage et la projection des images animées. Cet appareil, breveté en 1895, voit son champ d'application réduit à néant par l'apparition en Italie du Cinématographe Lumière (printemps 1896). Alberini poursuit ses recherches et met au point diverses inventions, notamment, en 1914, un système de prise de vues panoramique, que Guazzoni utilise en 1919 pour le tournage de Clemente VII e il sacco di Roma. Actif également dans le domaine commercial, Alberini ouvre une salle de projection à Florence en 1901, puis, à Rome, en 1904, le Moderno (il s'agit vraisemblablement de la première salle construite en dur spécialement pour le cinéma). En décembre 1904 (ou en août 1905), il se lance dans la production en fondant avec Sante Santoni le premier établissement italien de manufacture cinématographique, Alberini et Santoni. Cette société devient, en 1906, la S. A. Cines, dont les studios, porte San Giovanni à Rome, seront actifs jusqu‘à la fin des années 30. La Cines, société par actions soutenue par le Banco di Roma (organisme lié au Vatican), devient rapidement une des plus grosses entreprises italiennes de production de films. Homme à tout faire, Alberini met en scène certains des films produits par la société, notamment en 1905 La presa di Roma, premier film à sujet de la cinématographie italienne, une œuvre en costumes, longue déjà de 250 mètres et évoquant l'assaut des Piémontais à Porta Pia et la prise de Rome en 1870. Le film inaugure le filon historique et nationaliste si prolifique dans la cinématographie italienne muette. Après 1910, Alberini est progressivement écarté du rôle essentiel qui avait d'abord été le sien dans la société primitive et il n'assume plus que la fonction de directeur technique de la Cines.