Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
F

FORD (Gwyllyn Samuel Newton, dit Glenn) (suite)

En 1946, Gilda (Ch. Vidor) lui permet de reprendre avec éclat ses activités interrompues et il s'affirme très vite comme l'un des jeunes acteurs les plus recherchés de l'immédiat après-guerre. Certainement, le fait qu'il est un peu le partenaire attitré de la très populaire Rita Hayworth n'est pas pour rien dans son ascension. Déjà, en 1940, les dirigeants de la Columbia ont senti qu'un courant passait entre ces deux jeunes acteurs quand ils jouèrent pour la première fois ensemble dans The Lady in Question (Ch. Vidor, 1940), remake du Gribouille de Marc Allégret. Rita Hayworth le choisit naturellement comme partenaire quand elle produit elle-même les Amours de Carmen (The Loves of Carmen, Ch. Vidor, 1948). Cela continue quand Rita revient à Hollywood en 1952 et tourne dans l'Affaire de Trinidad (V. Sherman). Plus tard, en 1965, Glenn Ford renvoie l'ascenseur à la belle et infortunée actrice en lui offrant de jouer à ses côtés un bon rôle de composition dans Piège au grisbi de Burt Kennedy. Glenn Ford passe de la Columbia à la MGM en 1958, puis du cinéma à la télévision vers 1970.

C'est probablement la raison même de son originalité qui a empêché Glenn Ford de devenir une superstar. Il incarne à merveille l'homme moyen (cf. son rôle de professeur face à une classe rebelle dans Graine de violence de Richard Brooks en 1955) avec, en plus, aux moments les plus inattendus, quelque chose dans le regard qui suggère la cruauté du chat ou la ruse du renard. Mélange subtil qui lui a certainement permis de si bien s'accorder avec Rita Hayworth. Mais qui lui a aussi valu d'être un des meilleurs interprètes américains de Fritz Lang dans Règlements de comptes (1953) et dans Désirs humains (1954). C'est encore cette trace de déséquilibre dans sa normalité qui est la clé de ses excellentes prestations chez Vincente Minnelli : les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse (1962) et surtout le jeune veuf d'Il faut marier papa (1963).

Delmer Daves a, lui aussi, joué sur ce léger trouble en lui confiant une série de héros westerniens remarquables auxquels Ford a donné une humanité généreuse : l'Homme de nulle part (1956), Cow Boy (1958) et surtout le bandit noble de Trois Heures dix pour Yuma (1957). L'acteur était également parfaitement à l'aise dans la Vallée de la poudre (G. Marshall, 1958) et dans la Ruée vers l'Ouest (A. Mann, 1960).

Glenn Ford a beaucoup tourné ; mais, vers la fin de sa carrière, il n'est le plus souvent qu'une vedette invitée. Il faut avouer pourtant qu'il tirait le maximum de ses quelques minutes en père adoptif de Superman (Richard Donner, 1978), juste histoire de prouver son talent, sobre, mais bien solide.

FORD (Harrison)

acteur américain (Chicago, Ill., 1942).

Il prend le goût du métier en jouant dans la troupe de son collège du Wisconsin et, après avoir gagné Los Angeles, il fait de modestes débuts dans quelques séries « B » de la Columbia. Pris sous contrat par l'Universal, il va mettre en valeur ses dons pour la composition autant que son physique propre à servir les héros de l'aventure. On le voit donc alterner ses rôles, passant d'un registre à l'autre avec aisance. Sa présence troublante ou sympathique et son humour sont particulièrement prisés dans les films spectaculaires de Lucas et de Spielberg ; ses interprétations, notamment sous la direction de Coppola, laissent rarement indifférent. Parmi ses principaux films, citons : Un truand (Dead Heat on a Merry-Go-Round, thriller dans la meilleure tradition, de Bernard Girard, 1966) ; A Time for Killing (Phil Karlson, 1967) ; American Graffiti (G. Lucas, 1973) ; Conversation secrète (F. F. Coppola, 1974) ; la Guerre des étoiles (il est Han Solo, le « capitaine » du vaisseau pirate ; Lucas, 1977) ; Heroes (J. P. Kagan, id.) ; Apocalypse Now (Coppola, caméo, 1978) ; Un rabbin au Far West (R. Aldrich, 1979) ; L'empire contre-attaque (I. Kerschner, 1980) ; Blade Runner (Ridley Scott, 1981) ; les Aventuriers de l'Arche perdue (S. Spielberg, id.) ; le Retour du Jedi (Return of the Jedi, Richard Marquand, 1983). Sous la direction de Steven Spielberg, il connaît en 1984 avec Indiana Jones et le temple maudit et en 1989 avec Indiana Jones et la dernière croisade un succès populaire mondial. Il impose sa personnalité avec deux films de Peter Weir : Witness (1985) et Mosquito Coast (1986). Vedette incontestée du box office, il est engagé par R. Polanski (Frantic, 1988), M. Nichols (Working Girl, id.), A.J. Pakula (Présumé innocent, 1990 ; Ennemis rapprochés, 1997) ou S. Pollack (Sabrina, 1995) dans les meilleurs cas, P. Noyce (Jeux de guerre, 1992 ; Danger immédiat, 1994) ou Wolfgang Petersen (Air Force One, 1997) dans les moins heureux.

FORD (John Sean Aloysius O'Feeney [O'Fearna], dit John)

cinéaste américain (Cape Elizabeth, Maine, 1894 - Palm Desert, Ca., 1973).

L'une des cinq ou six « colonnes du temple » hollywoodien, un de ces hommes qui ont façonné à jamais le visage du cinéma. « Un créateur à l'état brut, sans préjugés, sans recherche, immunisé contre les tentations de l'intellectualisme » (F. Fellini). « Un de ces artistes qui n'utilisent jamais le mot art, de ces poètes qui ne parlent jamais de poésie » (F. Truffaut).

Simplicité : telle est la qualité première des quelque 140 films que Ford a tournés, entre 1917 et 1966. Simplicité d'une action ramassée, dépouillée jusqu'à l'épure, d'un décor (celui de Monument Valley, notamment) personnalisé de manière inimitable, d'une plastique vigoureuse, d'une direction d'acteurs exemplaire. Le classicisme américain dans toute sa majestueuse splendeur. D'où un succès qui ne s'est jamais démenti, et l'admiration inconditionnelle que lui vouent cinéastes, critiques et public du monde entier, pour une fois réunis dans l'éloge. Dans le référendum organisé en 1976 par la Cinémathèque royale de Bruxelles, à l'occasion du bicentenaire des États-Unis, auprès de 200 spécialistes internationaux, visant à désigner les plus grands films et les plus grands metteurs en scène de l'histoire du cinéma américain, John Ford arrive en tête, distançant Griffith, Chaplin et Welles.

Et quelle modestie en même temps dans ses (rares) interviews, quel humour ! « Je suis un paysan qui fait des films de paysan », déclare-t-il. Ou bien : « Je suis un metteur en scène de comédie qui fait des films tristes. » Ou encore : « Je ris tout le temps. Mais à l'intérieur. » À la question de savoir quels sont ceux de ses films qu'il préfère, il répond : « The Sun Shines Bright, dont le personnage est très proche de moi, et Young Mr. Lincoln. Je suis très fier aussi de The Long Voyage Home, How Green Was my Valley, Drums Along the Mohawk, She Wore a Yellow Ribbon, Cheyenne Autumn. J'adore Sergeant Rutledge. » On observera que ce ne sont pas là ses films les plus spectaculaires, ni même les plus célèbres (tels le Mouchard ou la Chevauchée fantastique), mais plutôt les ouvrages intimistes, proches de la juste mesure humaine.