Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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LUBIN (Arthur)

cinéaste américain (Los Angeles, Ca., 1901 - Glendale, Ca., 1995).

Acteur dans les années 20, puis réalisateur à l'Universal (1934), il dirige des comédies d'Abbott et Costello, des mélodrames dits réalistes et des films d'aventures exotiques avec une égale absence d'invention. Voué plus tard à la série de Francis, le mulet qui parle, ce tâcheron a signé cependant une ambitieuse (et assez réussie) version en couleurs du Fantôme de l'Opéra (The Phantom of the Opera, 1943) et un intéressant drame policier situé à la fin du XIXe siècle (Des pas dans le brouillard [Footsteps in the Fog, 1955]), ainsi qu'une Lady Godiva qui eut des ennuis avec la censure (1955). En 1961, il dirige partiellement et signe un Voleur de Bagdad (I ladro di Bagdad) tourné en Italie, avant de se consacrer à la TV.

LUBIN (Sigmund)

pionnier du cinéma américain d'origine allemande (Breslau, Prusse, 1851 - Los Angeles, Ca., 1923).

Émigré aux États-Unis vers 1875, chercheur d'or, colporteur en verres de lunettes, il dispose de bonnes connaissances en optique et s'intéresse très tôt à la photographie. Dès 1897, il produit de courts sujets qui l'amènent à concurrencer Edison. Celui-ci ne peut le détruire par un procès (1898) et, pendant près de vingt ans, Lubin produit des films de plus en plus ambitieux. Sa firme est centrée à Philadelphie, son emblème est la « Cloche de la Liberté » : parmi ses acteurs, citons Ethel Clayton qu'il emploie à ses débuts.

LUBITSCH (Ernst)

cinéaste américain d'origine allemande (Berlin 1892 - Los Angeles, Ca., 1947).

Lubitsch est un juif berlinois qui, contrairement à Stroheim et Sternberg, ne se rêvera jamais d'origines aristocratiques ; bien au contraire : il se satisfera (ou paraîtra se satisfaire), pendant sa double carrière, allemande puis américaine, de jouer le rôle d'un amuseur public. Carrière placée sous le signe d'une singulière fidélité : il fait ses débuts d'acteur de théâtre dans une mise en scène de Hamlet par Max Reinhardt, où il est un des fossoyeurs ; l'un de ses derniers films américains, Jeux dangereux, emprunte à la même pièce son titre original (To Be or Not to Be) et plusieurs allusions. Dans le même film, le premier magasin que l'on voit à Varsovie a pour raison sociale et enseigne Lubinski, autant dire : Lubitsch (de même, Max Ophuls fait figurer dans De Mayerling à Sarajevo un magasin nommé Oppenheim et Fils). Le même mouvement a porté Lubitsch à souligner en Allemagne ses attaches juives, en Amérique ses attaches allemandes ou, de manière générale, européennes.

Débutant au cinéma comme acteur, il joue son premier rôle comique dans Meyer auf der Alm (1913), connaît bientôt la notoriété avec Die Firma Heiratet (Carl Wilhelm, 1914). Der Stolz der Firma (C. Wilhelm, id.) permet de se faire une idée du type partiellement autobiographique alors incarné par Lubitsch – jeune commis israélite dans un magasin de tissus. Il passe à la mise en scène dès 1914 et remporte son premier succès avec Schuhpalast Pinkus (1916), où il interprète un rôle du même genre. Ses ambitions et ses moyens se développent à partir des Yeux de la momie (1918), drame exotique qu'interprètent Pola Negri et Emil Jannings. Lubitsch est entouré de collaborateurs de qualité, comme le scénariste Hans Kräly et le décorateur Kurt Richter. Il donne avec la Princesse aux huîtres (1919) une étonnante satire, dont les personnages – le « roi des huîtres », millionnaire américain, sa fille et le prince désargenté Nuki – sont dignes de Stroheim mais dans une tout autre atmosphère et avec une conclusion qui déjà célèbre le mariage de la riche et jeune Amérique et de la vieille Europe aristocratique.

Dans le même temps, Lubitsch se fait un nom dans le film historique, avec Carmen (1918) et surtout Madame du Barry (1919), tous deux avec Pola Negri. Infidèle sur bien des points à la vérité historique, passant en particulier de manière brusque et presque immédiate de la mort de Louis XV à la Révolution, Madame du Barry n'en est pas moins un très important film historique, qui préfigure bien des recherches dans ce genre, de Renoir à Kubrick en passant par Rossellini. L'esprit hautement civilisé mais intime du XVIIIe siècle y est parfaitement saisi, en même temps que l'envers du décor y est peint des couleurs les plus sombres. L'inspiration de Lubitsch reste alors très diverse : la Poupée (1919), d'après des thèmes de E. T. A. Hoffmann, est, comme l'a bien noté J. Domarchi, un rare exemple d'utilisation de l'expressionnisme à des fins comiques ; Sumurun (1920) est une pantomime orientale, où Lubitsch joue le rôle d'un clown bossu et rend hommage à Max Reinhardt, qui avait produit ce spectacle pour la scène. Puis il revient à la veine historique : Anne Boleyn (1920) ; la Femme du pharaon (1921), tous deux avec Jannings. Il se rend en Amérique et assiste à la première des Deux Orphelines (Griffith, 1922), revient définitivement aux États-Unis à l'invitation de Mary Pickford, qu'il dirige dans Rosita (1923), d'après Don César de Bazan de d'Ennery.

Réalisateur européen, considéré comme un spécialiste du film historique, à grand spectacle, Lubitsch signe effectivement plusieurs œuvres de cette veine : Rosita, mais aussi Paradis défendu (1924) ; le Prince étudiant (1927) ; le Patriote (1928). Certains des interprètes de sa période allemande l'ont suivi en Amérique : Pola Negri (Paradis défendu), Emil Jannings (le Patriote). Cet aspect de son œuvre représente un mode (parmi d'autres) d'appropriation de l'expressionnisme allemand par le cinéma américain, et la démarche de Lubitsch croise ici celle de Sternberg, dont l'Impératrice rouge (1934) rappelle Paradis défendu et le Patriote à plus d'un titre : atmosphère « russe », décors signés par l'Allemand Hans Dreier, interprétation « européenne » (Marlene Dietrich en l'occurrence). Mais d'autres films de Lubitsch seront européens dans un tout autre sens, et son nom deviendra synonyme de comédie sophistiquée, genre dans lequel désir de la richesse et désir sexuel sont dans tous les esprits mais ne sont montrés sur l'écran que de manière allusive ou métaphorique. C'est l'expression célèbre de « touche à la Lubitsch » (Lubitsch touch) qui désigne ce mode allusif et narquois. Le premier film du genre est Comédiennes (1924) et presque toute l'œuvre suivante en participera à des degrés divers.