Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
I

INDE. (suite)

L'emprise de l'État.

La longue inertie et le réveil du cinéma indien s'expliquent peut-être par le fait que ce cinéma a subi tout au long de son histoire une emprise de l'État particulièrement pesante. Les autorités indiennes, méfiantes devant l'étonnant succès du 7e art, ont exercé une vigilance qui ne s'est jamais relâchée et qui a donné lieu en particulier à deux comités d'études très poussés, en 1927 et en 1951.

La censure a toujours été pratiquée de façon impitoyable pour tout ce qui touche le sexe, la religion et la politique. Aujourd'hui encore, le baiser est pratiquement interdit sur les écrans indiens. Une satire récente des mœurs politiques, ‘ Histoire d'un fauteuil ’ (Kissa Kursi Ka, 1975) de Shivendra Sinha, a été interdite et le négatif détruit, il est vrai, pendant l'état d'urgence décrété par Indira Gandhi.

Le gouvernement indien a toujours retiré du cinéma de colossaux bénéfices par un système très lourd d'imposition qui ne pouvait qu'inciter les producteurs à rechercher par tous les moyens les profits rapides.

D'un autre côté, le désir sincère du gouvernement indien de lutter contre la médiocrité avilissante d'un certain cinéma commercial a donné lieu à la création de plusieurs institutions qui ont été et restent largement bénéfiques.

Il faut citer la Films Division, créée en 1948, chargée de la réalisation de films documentaires et d'actualités (dont le passage est obligatoire dans les salles), qui a aujourd'hui à son catalogue plusieurs milliers de films sur les sujets les plus divers et qui a suscité une école de documentaristes parmi lesquels figurent Sukhdev Ritwik Ghatak et Satyajit Ray ; la Children's Film Society, fondée en 1955, spécialisée dans la production de films pour enfants, de court comme de long métrage, ainsi ‘ Charandas le voleur ’ (Charandas Chor, 1975), de Shyam Benegal ; et surtout les deux organismes déjà mentionnés : d'une part, le Film Institute of India, devenu en 1964 le Film and Television Institute of India, qui, installé dans les locaux de l'ancienne compagnie Prabhat, fait œuvre d'enseignement et héberge la cinémathèque indienne ; d'autre part, la Film Finance Corporation, devenue la National Film Development Corporation, qui reprend sa politique d'aide au cinéma de qualité et se penche sur les problèmes spécifiques posés par la distribution de ce cinéma.

L'administration indienne, qui peut être un carcan, a permis, dans une large mesure, l'émergence d'un cinéma d'auteur. Si le phénomène s'est généralisé, il n'est pas nouveau : le tournage de Pather Panchali, de Satyajit Ray, longuement interrompu par manque de fonds, n'avait pu être terminé que grâce à une subvention du gouvernement du Bengale de l'Ouest.

INDICE.

Indice de réfraction  OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. Indice de rapidité  RAPIDITÉ.

INDONÉSIE.

Le plus grand archipel du monde, situé sur l'équateur, entre l'Asie du Sud-Est et l'Australasie, regroupe quelque 145 millions d'habitants (1980). Si le groupe javano-malais reste dominant, notamment dans l'Ouest, et le centre surpeuplé, des ethnies d'origine locale, nombreuses et différenciées, cohabitent avec les descendants de peuplements indien, arabe ou chinois souvent anciens. Depuis longtemps très affaiblie, la thalassocratie javano-malaise laisse les Hollandais implanter des comptoirs dès le XVIIe siècle. L'archipel presque tout entier devient peu à peu la plus riche colonie de la Couronne batave, jusqu'à l'invasion japonaise de 1942. Après trois ans d'occupation et de mise à sac, le mouvement nationaliste que dirige Sukarno milite pour l'indépendance de l'Indonésie, obtenue en 1949.

Ces données se reflètent dans le développement du cinéma, évidemment importé vers 1910 par des Européens. Mais ce sont deux Hollandais natifs de Bandung (Java), G. Krueger et F. Carli, qui tournent le premier long métrage de la colonie, Lutung Kasarung, en 1926, d'après une légende de l'île. Trois ans plus tard, la production, encore artisanale, est dominée par les Chinois, dont les frères Wong, originaires de Shanghai, Tan Khoen Hian (qui fonde la Tan's Film en 1929) et Teng Chun. Ce dernier crée en 1931 la Cino Motion Pictures Corp. et dirige la même année ce qui est sans doute le premier film sonore des Indes néerlandaises : ‘ la Rose de Java ’ (Cikenbang Rose). En 1933, Bakhtiar Effendi ouvre la voie à l'influence du cinéma indien avec Njai Dasimah. Les salles, rudimentaires, et les studios sont limités aux grands centres urbains de Java : Batavia (auj. Jakarta), la capitale ; Surabaya ; Bandung (la capitale « d'été »)... En 1936, Teng Chun fait passer sa compagnie du stade artisanal à un niveau plus compétitif : Java Industrial Film (JIF) — qui produit et exploite. La comédie et l'imitation du film américain, comme alors à Shanghai, prévalent à la JIF. Les tentatives de réalisme, peu appréciées des autorités coloniales, tournent court, sauf un mélo d'Alfred Balink sur fond social, dû à la collaboration du documentariste Mannus Franken, ‘ le Chant de la rizière ’ (Pareh, het lied van de rijst), tourné en 1934 pour les frères Wong. Le succès n'amortit pas le budget. Balink crée alors l'Algameen Nederlands Indische Film Syndicaat (ANIF), qui produit des courts métrages documentaires. En 1937, il dirige un autre long métrage pour les Wong, ‘ Clair de lune ’ (Terang Boelan), dont le scénario et les dialogues sont dus à un journaliste indigène, Saeroen. La musique, d'inspiration vernaculaire (« keroncong »), l'interprétation de Rukiah, une actrice très populaire, et une dramaturgie traditionnelle assurent au film une large et rentable audience. Pourtant, Balink ne travaillera plus pour l'ANIF, le public et les sociétés hollandaises.

Le parlant pose un problème de langue que le néerlandais, inégalement adopté en Insulinde, ne résout pas. Le malais se modernise et devient ici le bahasia indonesia, dont se réclament la presse et les écrivains : l'influente revue ‘ le Nouvel Intellectuel ’ (Pudjangga Baru, 1933-1942) et ‘ l'Étendard littéraire ’ (Pandji Pustaka) enracinent le besoin d'un langage unificateur, dont on pressent qu'il va servir de vecteur au nationalisme et au renouveau artistique et littéraire. Et l'indépendance, en développant bourgeoisie et classes moyennes, apporterait au cinéma un public de plus en plus vaste, qui se détournerait des formes théâtrales importées (le « toneel » néerlandais) ou des films de propagande de la Nippon Eiga Sha ou de la Nampo Hoso Film. De toute évidence, la guerre marque une coupure. Notons, pour schématiser, qu'en 1941, à part les sujets adaptés du répertoire occidental, la plupart des films sont construits sur le modèle arabo-indien. Production, réalisation et exploitation sont dans les mains des Chinois et des Hollandais. Balayés ou ruinés par l'occupation japonaise, les seconds sauront pourtant, avant l'indépendance, découvrir un cinéaste dans le jeune poète et journaliste Ismaïl Usmar* ; les premiers, quant à eux, se sont rassemblés et ont fondé la Tan and Wong Brothers Cy, d'une part ; Teng Chun et Fred Young (auteur d'origine chinoise de l'est de Java) créent d'autre part la Bintang Surabaya.