Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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CHOPRA (Baldev Raj)

cinéaste indien (Ludhiana, Pendjab, 1914).

D'abord journaliste à Lahore, il fonde à Bombay, après la partition de l'Inde, sa maison de production, BR Films. Il s'est imposé comme un des grands producteurs-réalisateurs du cinéma hindi avec une vingtaine de films, la plupart de très grands succès publics. Évitant toute politique, utilisant les stars en vogue, il traite de problèmes humains : le remariage des veuves (‘le Seul moyen’ [Ek Hi Raasta], 1956) ou la réhabilitation des prostituées (‘la Prostituée’ [Sadhana], 1958). Il aborde le drame intimiste (‘Hors du chemin’ [Gumrah], 1963 ; ‘ le Confident’ [Hamraaz], 1967), le film à suspense (‘Histoire’ [Dastaan], 1972) ; il évoque le problème du viol dans Insaf Ka Tarazu (1980) et a parfois l'audace de réaliser des films sans chansons (‘la Loi’ [Kanoon], 1960). Son frère Yash Chopra (né en 1932) est notamment le réalisateur de ‘Fleur de poussière’ (Dhool Ka Phool, 1959), Waqt (1965), Ittefaq (1969), Deewar (1975), Trishul (1978), Chandni (1989).

CHOSTAKOVITCH (Dimitri) [D'mitri Šostakovič]

musicien soviétique (Saint-Pétersbourg 1906 - Moscou 1975).

Il fait ses études au Conservatoire de Saint-Pétersbourg (1923-1925). Dans son œuvre abondante figurent les partitions de quelque 35 films, dont plusieurs de Kozintsev et Trauberg (la Nouvelle Babylone, 1929 ; Seule, 1931 ; la trilogie des Maxime, 1935-1939) et de Youtkevitch (Montagnes d'or, 1931 ; Contre-Plan, 1932), ainsi que le Grand Citoyen (F. Ermler, 1938-39), la Jeune Garde (S. Guérassimov, 1948), Mitchourine (A. Dovjenko, id.), Rencontre sur l'Elbe (G. Alexandrov, 1949), la Chute de Berlin (M. Tchiaoureli, 1950), Hamlet (G. Kozintsev, 1964) ainsi que le Roi Lear (id., 1971). On lui doit en outre la réédition d'Octobre d'Eisenstein (1967). Ses partitions de films témoignent, comme le reste de son œuvre, de son lyrisme puissant, fondé sur des rythmes amples et des sonorités éclatantes n'évitant pas toujours l'emphase ; à partir de 1936, il a été en butte à de sévères critiques de la part de Jdanov, au nom du « réalisme socialiste ». Il a écrit un ouvrage : Sur la musique de film (1954).

CHOUB (Esfir Ilinitchina, appelée Esther en Occident) [Esfir‘ Šub]

cinéaste et monteuse soviétique ( ?, Ukraine, 1894 - Moscou 1959).

Pionnière du montage d'archives. Après des études à Moscou au Cours supérieur pour femmes, elle se lie, après la révolution, au mouvement d'avant-garde LEF (Organisation des écrivains de gauche) fondé par Maïakovski. Elle est employée comme monteuse à partir de 1922, à l'usine du Goskino (devenu par la suite Mosfilm) : elle travaille ainsi pour une dizaine de films soviétiques et « remonte » environ 200 bandes étrangères, dont le fameux Mabuse de Fritz Lang (1922). Après avoir collaboré quelque temps avec Vertov, elle se détourne des voies trop radicales du « Ciné-œil » pour suivre son propre chemin. La vision du Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, en 1925, lui donne l'idée d'aborder d'une manière différente le passé de son pays : en travaillant sur des matériaux d'archives. Elle met en place, entre 1926 et 1928, sa fameuse Trilogie sur l'histoire de la Russie. Les trois films qui en résultent — la Chute des Romanov (Padenie Dinastiï Romanovykh, 1927), la Grande Voie ou le Grand Chemin (Velikij Put ‘, id.), la Russie de Nicolas II et de Tolstoï (Rossija Nikolaja II i Lev Tolstoj, 1928) — ne comportent aucun plan tourné par Choub. Le premier, la Chute des Romanov, part du désir de témoigner sur la révolution de Février et des faits sociaux qui l'ont suscitée. Elle accède, avec de grandes difficultés, à certaines vues, provenant des archives intimes du tsar, prises par ses proches. Les documents réunis concernent la période allant de 1912 à 1917. Choub visionne des milliers de mètres de pellicule et visite des lieux qu'elle ne connaît pas afin de reconstituer, le plus fidèlement possible au montage, les événements. Cette volonté d'exactitude concerne le repérage du matériel et non la lecture idéologique qu'en fait, a posteriori, la cinéaste. La Grande Voie couvre la période 1917-1927 ; là aussi, les documents sont difficiles d'accès car dispersés ou détruits. Choub fait venir des États-Unis des images inédites prises jadis par des opérateurs occidentaux. Lors de ses recherches, elle découvre des archives filmées sur Tolstoï. L'année 1928 étant celle du centenaire de la naissance du grand homme, Choub décide de faire un film sur lui. Les plans représentant l'écrivain sont, hélas, trop rares, alors elle réalise une œuvre sur son époque (1896-1912), dominée par la figure du romancier ; cette partie ferme la boucle de ces trente ans d'histoire soviétique.

Le but de son travail n'est pas de lier les significations apparentes de ces chutes mais d'en faire surgir un sens nouveau qui correspond à une « lecture marxiste de l'Histoire ». Dans les films de Choub, contrairement aux œuvres de Vertov, il n'y a pas de métaphore au niveau de la construction : le montage — bien qu'orienté vers un but déterminé — est simple et clair. En juxtaposant divers fragments venus de sources hétéroclites, la réalisatrice en occulte le sens manifeste pour en faire un tout esthétique et politique cohérent. Ce traitement appliqué aux archives est neuf à l'époque.

En 1930, Choub bâtit une chronique sur la vie quotidienne, Aujourd'hui ou Canons et Tracteurs (Segodnja), où elle met en parallèle la vie en Union soviétique et dans les pays capitalistes. Deux œuvres sont encore à signaler pour les années 30. La première, Komsomol, à la tête de l'électrification (Komsomol — šef elektrifikacij, 1932), opère une étonnante synthèse entre la mise en évidence des instruments de tournage (caméras, micros) et la lutte pour l'électrification de la région : c'est le premier film soviétique tourné en son direct. La seconde, Espagne (Ispanija, 1939), offre un très intéressant travail sur le matériel ramené de la guerre civile par Roman Karmen. Avec la guerre, le cinéma se métamorphose et le temps des pionniers s'achève. Choub a encore réalisé quelques films — de montage ou de reportage —, mais dont l'impact reste mineur. Citons : le Métro pendant la nuit (Moskva stroit metro, 1934) ; le Pays des Soviets (Strana Sovetov, 1937) ; Le fascisme sera détruit (Lico vraga, 1941) ; Vingt Ans de cinéma soviétique (Kino za 20 let, avec la collab. de Poudovkine, 1946) ; Du côté du fleuve Arax (Po tu storonu Araksa, 1947) ; le Cœur pur (Ot čistogo serdca, 1949).

En 1959, Choub publie En gros plan (Krupnym planom), livre de souvenirs où elle évoque le cinéma soviétique et l'avant-garde des années 20.▲