Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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RUTTKAI (Éva) (suite)

Actrice très connue à la scène, elle apparaît à l'écran dans certains films de la « première renaissance » hongroise (Liliomfi, K. Makk, 1955 ; Un bock de blonde, F. Máriássy, id.), travaille avec György Révész (‘ À minuit ’, 1957 ; ‘ Drôle de nuit ’, 1958 ; Voyage autour de mon crâne, 1970), Félix Máriássy (Années blanches, 1959 ; ‘ Tous les jours dimanche ’, 1962), Imre Féher (‘ l'Épée et le Dé ’ [Kard és kocka], 1959), Zoltán Varkonyi (‘ Souvenirs d'une nuit étrange ’ [Az utolsó vacsora], 1962 ; ‘ les Derniers Nababs ’ [Egy magyar nábob - Kárpathy Zoltán], 1966), Marton Keleti (‘ Histoire de ma bêtise ’ [Butaságom törtenete], 1966). Mais c'est peut-être au cours des années 70 qu'elle rencontre ses rôles les plus personnels (Szindbád, Z. Huszarik, 1971 ; Quand Joseph revient, Z. Kézdi-Kovács, 1975).

RUTTMANN (Walther)

cinéaste allemand (Francfort-sur-le-Main 1887 - Berlin 1941).

Après des études d'architecture et de peinture à Zurich et à Munich, il tourne des films abstraits au début des années 20, à l'instar d'Eggeling et de Richter. Ces études de « musique optique » (Opus 1, 2, 3, 4 et 5), la première colorée à la main, animent des formes en trois dimensions. Parallèlement, il réalise des morceaux d'animation (la célèbre séquence du cauchemar) pour les Nibelungen de Fritz Lang (1924), pour Lebende Buddhas de Paul Wegener (id.) et pour les Aventures du Prince Achmed de Lotte Reiniger (1926), et, semble-t-il, la partie filmée de la mise en scène de Piscator pour Hop là, nous vivons ! de Toller (1927). La même année, il prend en main Berlin, symphonie d'une grande ville (Berlin, die Symphonie der Grossstadt), film conçu par Carl Mayer et photographié par Karl Freund. Par le montage, jouant du rythme et des analogies visuelles, reprenant des thèmes de Cavalcanti (Rien que les heures, 1926) et des idées de Vertov, il fait de ce documentaire sur une journée à Berlin un modèle de « symphonie de ville » et une préfiguration de l'Homme à la caméra (1929) de Dziga Vertov. Selon le même principe, il réalise en 1929 la Mélodie du monde (Die Melodie der Welt), montage d'images et de sons captés dans le monde entier, au service d'un humanisme simple. En 1930, il retrouve l'« art des bruits » futuriste avec Week-end (Wochende), premier film « sans images » évoquant la fin d'une journée de travail, les festivités du samedi soir puis le repos du dimanche. Il collabore avec Abel Gance pour le montage de la Fin du monde (1931), puis, de plus en plus, à des œuvres d'inspiration national-socialiste. Il collabore avec Leni Riefenstahl au montage des Dieux du stade (1938) et signe lui-même l'Ennemi dans le sang (In der Nacht) en 1931, Acier (Acciaio), sur un scénario de Pirandello et une musique de Malipiero, en 1933, Métal du ciel (Metall des Himmels) en 1934 ou la Guerre à l'ouest (Deutsche Panzer) en 1940. C'est cependant du front de l'Est, où il tourne un nouveau film de propagande, qu'il ramène la blessure dont il mourra.

RUZZOLINI (Giuseppe)

chef opérateur italien (Rome 1930).

Il travaille comme assistant des chefs opérateurs Otello Martelli, Leonida Barboni, Domenico Scala. En 1967, il devient lui-même chef opérateur de Maigret à Pigalle (Mario Landi). Il collabore surtout avec Pasolini pour les visions originales et insolites d'Œdipe roi (1967), Théorème (1968), Porcherie (1969), et l'épisode de Amore e rabbia (id.). Il crée les images très spectaculaires de Queimada (G. Pontecorvo, id.) et de Il était une fois... la révolution (S. Leone, 1971). Il collabore avec des cinéastes différents comme les frères Taviani (Sovversivi, 1968) ; Comencini (l'Argent de la vieille, 1972) ; Polanski (Quoi ?, id.) ; Zampa (Contestazione generale, 1970 ; Bistouri, la maffia blanche, 1973 ; Letti selvaggi, 1979) ; Sordi (Il comune senso del pudore, 1976) ; Festa Campanile (Autostop rosso sangue, 1977 ; Il corpo della ragazza, 1979 ; Gegé Bellavita, id.) ; Sergio Citti (Deux Bonnes Pâtes [Due pezzi di pane], id.) ; Francesco Nuti (Tutta colpa del paradiso, 1985 ; Stregati, 1987 ; Enrico Oldioni (Una botta di vita, 1988) ; Anni 90 - Parte II, 1993) ; Neri Parenti (Bodyguards - Guardie del corpo, 2000).

RYAN (Robert)

acteur américain (Chicago 1909 - New York, N. Y., 1973).

Un physique massif de boxeur, des mensurations impressionnantes (1, 91 m, 89 kg), un visage taillé à coups de serpe, Robert Ryan personnifierait assez bien la belle brute sortie du rang, si sa formation n'était toute différente. Élève de Max Reinhardt, il apprend chez Stanislavski la sobriété du jeu et la maîtrise gestuelle. Rien à voir avec l'improvisation bondissante d'un Lancaster chez cet intellectuel raffiné, qui joua Shakespeare au festival de Stratford-sur-Avon, Pirandello et Brecht à Broadway, et fonda en 1959 le Theatre Group de l'université de Californie. Reste que la machine à fabriquer les stars le voua le plus souvent aux rôles de salauds, de pervers et de « machos » cyniques.

Edward Dmytryk, qui le fait débuter à l'écran (Golden Gloves, 1940), fut pour beaucoup dans cet infléchissement, en lui donnant le rôle de l'ex-G. I. antisémite et névropathe de Feux croisés (1947), personnage qu'il reprendra presque textuellement, douze ans plus tard, dans le Coup de l'escalier (R. Wise, 1959). Beaucoup plus nuancé est le rôle que lui confie Jean Renoir dans la Femme sur la plage (1947) : il s'agit encore d'un être traumatisé par la guerre, mais infiniment plus vulnérable, proche parent de Gabin/Lantier dans la Bête humaine. Autre héros « positif », celui du boxeur déchu mais intègre, aux réflexes quasi prométhéens, de Nous avons gagné ce soir (Wise, 1949), sans doute son plus beau rôle. On n'oubliera pas non plus le bagarreur au cœur tendre de la Maison dans l'ombre (N. Ray, 1952), le séducteur désenchanté du Démon s'éveille la nuit (F. Lang, id.) ou le dresseur de chevaux saisi par la fibre révolutionnaire des Professionnels (R. Brooks, 1966). S'il doit incarner le mal, il en fait presque un archétype, par exemple dans l'Appât (A. Mann, 1954, où il se heurte à l'honnêteté farouche et un peu bornée de James Stewart) ou dans Billy Budd (P. Ustinov, 1962, face à « l'ange » Terence Stamp). L'humour, toutefois, vient souvent à la traverse, ou l'ambiguïté du contre-emploi (saint Jean-Baptiste dans le Roi des rois de Nicholas Ray en 1961).