Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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BERRY (Jules Paufichet, dit Jules) (suite)

Tout cela rend inoubliable, dans le Crime de M. Lange (J. Renoir, 1936), le personnage de Batala, patron imprimeur escroc qui mène en bateau un naïf écrivain (René Lefèvre), usant d'une psychologie à la fois révoltante, désarmante et... séduisante ! Après cette première grande prestation, le comédien revient à ses rôles habituels de bourreau des cœurs ou de filou sympathique dans de nombreux films commerciaux dont on ne peut guère sauver que Rigolboche (Christian-Jaque, 1936), le Mort en fuite (A. Berthomieu, id.), l'Habit vert (R. Richebé, 1937), le Voleur de femmes (A. Gance, 1938).

Et puis viennent deux grands titres de Carné qui suffiraient à assurer sa place dans l'histoire du cinéma : Le jour se lève (1939) et les Visiteurs du soir (1942). Dans ces personnages (le sadique dresseur de chiens et le Diable venu sur la Terre), il révèle l'ampleur et la maîtrise de son talent : la crapulerie la plus cynique dans le premier film (ainsi dans la scène où il essaie d'attendrir Gabin en s'inventant une paternité mensongère à l'égard de la jeune fille que son interlocuteur courtise) mais également le côté grand seigneur dans le second film (sa soudaine apparition, dans un somptueux costume médiéval, au milieu de l'orage). Dans ces deux œuvres, le saltimbanque cède la place à un comédien grandiose, le baratineur intarissable devient l'interprète inspiré des remarquables textes de Prévert.

Malheureusement, après ces sommets, il va retomber dans la production la plus banale, à quelques exceptions près : la Symphonie fantastique (Christian-Jaque, 1942), Marie-Martine (Albert Valentin, 1943), le Voyageur de la Toussaint (L. Daquin, id.). Quasiment jusqu’à son dernier souffle, il dilapidera ainsi son talent avec l'évident plaisir de se donner en représentation, poussant le cabotinage jusqu'au grand art, tant à la scène qu'à l'écran. Il était vraiment une bête de théâtre et la comédie légère lui doit beaucoup, mais il a su prouver aussi qu'il était capable, quand des rôles prestigieux lui étaient offerts, de transcender en lui-même le boulevardier impénitent pour créer des figures exceptionnelles par leur séduction ambiguë et leur insolence hautaine.

BERRY (Richard)

acteur français (Paris 1950).

De 1972 à 1980, il est pensionnaire à la Comédie-Française. Après des débuts à l'écran dans la Gifle (1974) de Claude Pinoteau, sa silhouette s'étoffe (Mon premier amour, Elie Chouraqui, 1978 ; Un assassin qui passe, Michel Vianey, 1981 ; l'Homme fragile, Claire Clouzot, id. ; le Crime d'amour, G. Gilles, 1982). Jacques Demy lui donne le rôle d'un prolétaire dans son film chanté Une chambre en ville (1982). La même année, il remporte un succès populaire dans la Balance de Bob Swaim et obtient le rôle principal du Jeune Marié de Bernard Stora (1983) et de la Trace de Bernard Favre. On le voit ensuite dans le Grand Carnaval (Alexandre Arcady, id.), l'Addition (Denis Amar, 1984), la Garce (Christine Pascal, id.), Urgence (Gilles Béhat, 1985), Spécial Police (Michel Vianey, id.), Lune de miel (Patrick Jamain, id.), l'Union sacrée (A. Arcady, 1989), Migrations (A. Petrović, 1989 [1994]), Pour Sacha (id., 1991), Le Petit Prince a dit (Ch. Pascal 1992), Un grand cri d'amour (J. Balasko, 1998).

BERT (Camille Bertrand, dit Camille)

acteur français (Orléans 1880 - Paris 1970).

Il débute en 1909 et interprète de très nombreuses bandes chez Gaumont avant 1914. Henri Pouctal utilise son jeu sobre et sa physionomie énergique pour Travail (1919). Jean Choux lui confie un rôle important dans la Vocation d'André Carrel (1925). Il joue ensuite des traîtres : le Joueur d'échecs (R. Bernard, 1927), des financiers : David Golder (J. Duvivier, 1931), des médecins généreux : les Deux Orphelines (M. Tourneur, 1933), des militaires : le Grand Jeu (J. Feyder, 1934), des aristocrates : les Bas-Fonds (J. Renoir, 1937) ou, pourquoi pas ?, un vieil Alsacien dans Paix sur le Rhin (J. Choux, 1938).

BERTA (Renato)

chef opérateur suisse (Bellinzona 1945).

Il étudie au Centro sperimentale de Rome, puis travaille à la télévision suisse italienne. À partir de 1968, il devient le collaborateur attitré des principaux représentants du « nouveau cinéma » suisse : Alain Tanner (Charles mort ou vif, 1969 ; la Salamandre, 1971 ; le Milieu du monde, 1974 ; Messidor, 1978), Claude Goretta (Pas si méchant que ça, 1975), Michel Soutter (Repérages, 1977), Francis Reusser (Vive la mort, 1969 ; le Grand Soir, 1976), Daniel Schmid (Cette nuit ou jamais, 1972 ; la Paloma, 1974 ; les Ombres des anges, 1975 ; Violanta, 1977 ; Hécate, 1982 ; le Baiser de Tosca, 1984 ; Jenatsch, 1987), Thomas Koerfer (le Directeur du cirque de puces, 1974), mais aussi de Jean-Marie Straub (Othon, 1969 ; Leçons d'histoire, 1972 ; Fortini Cani, 1977), Jean-Luc Godard (Sauve qui peut, la vie, 1980), Patrice Chéreau (l'Homme blessé, 1983), Éric Rohmer (les Nuits de la pleine lune, 1984), André Téchiné (Rendez-vous, 1985), Jacques Rivette (Hurlevent, id.), A. Téchiné (les Innocents, id.), Louis Malle (Au revoir les enfants, id., et Milou en mai, 1990).

BERTHEAU (Julien)

acteur français (Alger, 1910 - 1995).

Comme bien des comédiens de sa génération, il a toujours accordé la priorité au théâtre (dans le cadre de la Comédie-Française, en particulier) plutôt qu'au cinéma. Il apparaît à l'écran dans le collectif du film militant de Renoir La vie est à nous, puis dans plusieurs films des années de guerre, dont Un seul amour réalisé par Pierre Blanchar. Le premier grand rôle qu'on lui confie, celui de Raboliot (Jacques Daroy), est sans lendemain et il semble pratiquement condamné à des personnages de policiers, de juges et de notables. Il a curieusement incarné deux fois à l'écran Napoléon, dans le Comte de Monte-Cristo (R. Vernay, 1955) et dans Madame Sans-Gêne (Christian-Jaque, 1961). C'est sans doute Buñuel qui, tout en exploitant parfois cette image acquise à l'écran, a obtenu de lui ses interventions les plus marquantes : le commissaire de Cela s'appelle l'aurore, l'évêque du Charme discret de la bourgeoisie, le préfet du Fantôme de la liberté, le juge de Cet obscur objet du désir – auquel il faut ajouter l'étonnant maître d'hôtel de la Voie lactée.