Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DABADIE (Jean-Loup)

écrivain et scénariste français (Paris 1938).

Journaliste, romancier, parolier et écrivain de théâtre et de télévision, il débute dans l'écriture cinématographique en collaborant avec Yves Robert à l'adaptation de Clérambard, de Marcel Aymé (en 1969).

Sa véritable carrière de scénariste commence avec les Choses de la vie (C. Sautet, 1969). Le film est un énorme succès, il marque le début de la « liaison » Dabadie-Sautet, qui a peu d'équivalents dans le cinéma français.

De fait, Dabadie a trouvé un ton bien à lui. Ses personnages hésitent perpétuellement entre le rire et les larmes, la comédie bascule soudain vers la tragédie ou le mélodrame, et la fantaisie se veut ancrée dans la vie quotidienne. C'est pour Sautet que Dabadie a écrit ses films les plus doux-amers et parfois aussi les plus graves : Max et les ferrailleurs (1971), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1974), Une histoire simple (1978), Garçon ! (1983) ; et, pour Yves Robert, les plus comiques : Salut l'artiste (1973), Un éléphant ça trompe énormément (1976), Nous irons tous au paradis (1977), Courage, fuyons (1979). Mais son nom est également lié à Philippe de Broca (la Poudre d'escampette, 1971 ; Chère Louise, 1972), à François Truffaut (Une belle fille comme moi, 1972), Claude Pinoteau (le Silencieux, 1973 ; la Gifle, 1974 ; la Septième Cible, 1984), Jean-Paul Rappeneau (le Sauvage, 1975), Jacques Rouffio (Violette et François, 1977), Jacques Monnet (Clara et les chics types, 1981). Plusieurs de ces films sont ambitieux. La vulgarité en est absente. Le succès a, le plus souvent, été au rendez-vous. Des comédiens comme Yves Montand, Romy Schneider, Michel Piccoli et Jean Rochefort lui doivent beaucoup.

DACQMINE (Jacques)

acteur français (La Madeleine 1924).

Plus orienté vers le théâtre que vers le cinéma, malgré un physique de jeune premier, il y rencontre pourtant ses meilleurs rôles dans des personnages ambigus ou mystérieux : le Secret de Mayerling (J. Delannoy, 1949), Charmants Garçons (H. Decoin, 1958). De belle prestance et portant bien le costume, il figure à son avantage dans l'Affaire du collier de la reine (M. L'Herbier, 1946) et tient la vedette masculine dans la série des Caroline chérie (Richard Pottier, 1951 ; Jean Devaivre, 1953 et 1955). Sans oublier Julie de Carneilhan (Jacques Manuel, 1950), À double tour (C. Chabrol, 1959) et Classe tous risques (C. Sautet, 1960). Plus âgé, il a une forte présence, quoique dans des seconds rôles, dans des œuvres comme Inspecteur Lavardin (C. Chabrol, 1986), Nouvelle Vague (J.-L. Godard, 1990), Fortune express (Olivier Schatzky, 1991).

DADA.

Interartistique comme toutes les avant-gardes du début du XXe siècle, le mouvement Dada, formé à Zurich en 1916 autour de l'Allemand Hugo Ball et du Roumain Tristan Tzara, avait toutes les chances de rencontrer le cinéma.

En effet, plusieurs des jeunes gens qui l'annoncent, le rejoignent ou le croisent, hantent les salles obscures : ainsi, à Nantes, vers 1917, Breton et Vaché. « Quel film je jouerai ! » écrit ce dernier en 1918 dans l'une de ses plus fameuses « lettres de guerre ». Avec « des automobiles folles [...], des ponts qui cèdent et des mains majuscules qui rampent sur l'écran... ». C'est pourtant sur les doigts d'une main qu'on peut compter les films dadaïstes.

On retiendra d'abord les deux premiers essais connus de Man Ray, le Retour à la raison et Emak Bakia : le premier, non tant parce qu'il fut (hâtivement) confectionné pour la soirée du Cœur à barbe, qui marqua, le 6 juillet 1923, la fin de Dada, mais à cause de l'esprit de provocation ludique et de non-sens qui préside à ce bref montage de rayogrammes et de plans divers (un champ de marguerites, une femme nue passant devant un rideau à rayures, etc.) ; le second, Emak Bakia (1927), pot-pourri de séquences réalistes et de formes abstraites, pour les mêmes raisons et pour l'apparition de Jacques Rigaut déchirant des faux cols qui se reconstituent par inversion du mouvement. Ensuite, il y a Entr'acte (1924), filmé par René Clair sur un « scénario » de Picabia (pour être projeté au début et à l'entracte du ballet Relâche de Picabia et Satie), où le côté « bric-à-brac épate-bourgeois » le cède peu à peu à la cohérence d'une des plus belles séquences d'humour noir qui soient : l'enterrement du chasseur-prestidigitateur, avec les couronnes que l'on mange, le corbillard tiré par un dromadaire et qui s'emballe, suivi, dans Paris et au-delà, en une poursuite à la Mack Sennett, par le cortège courant ventre à terre, au ralenti ou en accéléré. Outre Satie et Picabia, on voit figurer dans ce film — qui est ainsi également un document Dada — Man Ray et Duchamp. Ce dernier réalise en 1925 Anemic Cinema, où des « rotoreliefs » abstraits alternent avec des disques portant quelques calembours de Rrose Sélavy, personnage issu de l'imagination de Duchamp et repris par Desnos.

Mais l'incarnation la plus pure de l'esprit Dada est sans doute Vormittagsspuck (Fantômes du matin / Jeux de chapeaux, 1928), où l'un des premiers dadaïstes de la période zurichoise, Hans Richter, joue, avec trois amis (dont Hindemith et Graeff) et plusieurs objets, au nombre desquels quatre chapeaux volants, une sarabande époustouflante : un rythme à la Ballet mécanique (1924, film de Fernand Léger un peu dada, à sa façon) y règle impeccablement une foule de trucages.

Cet esprit Dada déborde le dadaïsme historique. Plus que dans les films américains de Richter, pénibles commémorations des années 20, plus même que dans les semi-imitations de Sidney Peterson (The Lead Shoes, 1949), on le retrouve dans certains Marx Brothers, dans les meilleures œuvres du groupe Fluxus (Fluxfilm, 1966-1970), dans les montages facétieux de Conner ou Breer, dans la Vierge de Bagdad (1973) de Jean-Christophe Pigozzi – bref, partout où jaillissent les étincelles que fait la réalité heurtée de plein fouet par le nihilisme et la dérision, le gai désespoir et la loufoquerie.

DAFOE (Willem)

acteur américain (Appleton, Wis., 1955).

Issu du théâtre expérimental new-yorkais, il débute au cinéma en 1979 et est tout d'abord spécialisé dans de petits rôles de méchant. Son premier grand rôle est celui du sergent « pur », victime de l'engrenage de la guerre au Viêt-Nam dans Platoon (Olivier Stone, 1986). Il incarne ensuite Jésus dans la Dernière Tentation du Christ (M. Scorsese, 1988). Il revient à des rôles de composition dans Mississippi Burning (A. Parker, id.), Né un 4 juillet (O. Stone, 1989) puis dans Sailor et Lula (D. Lynch, 1990), Light Sleeper (P. Schrader, 1992), Si loin si proche (W. Wenders, 1993), Danger immédiat (Clear and Present Danger, Philip Noyce, 1994), le Patient anglais (The English Patient, Anthony Minghella, 1996) et dans Victory (Mark Peploe, id.). Il manifeste à cet égard un net penchant pour les personnages inquiétants (Affliction, P. Schrader, 1998 ; New Rose Hotel, A. Ferrara, 1999 ; EXistenZ, D. Cronenberg, id.). C'est un registre qu'il étoffe en incarnant Max Schreck, interprète de Nosferatu le vampire, dans l'Ombre du vampire (Shadow of the Vampire, Elias Merhige, 2000), et surtout un impressionnant forçat au crâne rasé dans Animal Factory (id., S. Buscemi, 2000).