Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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TCHÉCOSLOVAQUIE. (suite)

Durant toute la période du cinéma muet, les films se sont inspirés des œuvres littéraires. Les classiques du roman national sont pour la plupart adaptés à l'écran et parfois avec talent. Une première vague de réalisateurs s'impose : Jan S. Kolár, Gustav Machatý*, Václav Kubásek, Karel Lamač*, Miroslav Krňanský, Karel Anton*. Les œuvres les plus significatives des années 20 sont : ‘ Celui qui vient des ténèbres ’ (Příchozí z temnot, J. S. Kolár, 1921, d'après Jakub Arbes), ‘ la Croix près du torrent ’ (Kříž u potoka, id., id., d'après K. Světlá), ‘ les Gitans ’ (Cikáni, K. Anton, id., d'après K. H. Mácha), ‘ Comment s'en débarrasser ? ’ (Kam s ním ?, Václav Wasserman, id., d'après Jan Neruda), ‘ la Petite Clef d'or ’ (Zlatý Klíček, Jaroslav Kvapil, 1922, d'après Karel Čapek), ‘ la Lanterne ’ (Lucerna, K. Lamač, 1925), ‘ le Onzième Commandement ’ (Jedenácté Přikazáni, V. Kubásek, id., d'après F. F. Šamberk), ‘ le Brave Soldat Švejk ’ (Lamač, 1926, d'après Jaroslav Hašek avec Karel Noll dans le rôle principal), ‘ la Fable de mai ’ (Pohádka máje, Anton, id., d'après Vilém Mrštik), ‘ le Village de montagne ’ (Pohorská vesnice, M. Krňanský, 1928, d'après Božena Němčova). À la charnière du muet et du parlant Machatý dirige Erotikon (1929), Martin Frič* ‘ l'Organiste de Saint-Guy ’ (id.), Karl Junghans* Telle est la vie (id.) et Anton Tonka Šibenice (1930).

L'apparition du parlant modifie profondément les structures du cinéma tchécoslovaque et révèle de nouveaux auteurs. La Tchécoslovaquie apparaît même bientôt sur le marché international grâce au succès obtenu au festival de Venise de 1934 par Jeune Amour de Josef Rovenský*, Extase de Machatý et deux documentaires signés respectivement par Karel Plicka et Tomáš Trnka. De nouveaux studios sont construits dans la banlieue pragoise, à Barrandov. Des opérateurs (Otto Heller*, Václav Vich*, Jan Stallich*, Alexander Hackenschmied) imposent un nouveau style de prises de vues. Les thèmes dominants sont certes encore très littéraires et historiques, mais le réalisme critique apparaît bientôt grâce à l'influence d'un groupe d'écrivains de gauche qui collaborent avec le cinéma de plus en plus étroitement à mesure que s'écoulent les années 30 : Ivan Olbracht, Vítězslav Nezval, Karel Nový, E. F. Burian, Jindřich Honzl, Marie Majerová et, surtout, Vladislav Vančura* (1891-1942), célèbre romancier qui passe à la réalisation dès 1932 (‘ Avant le bachot ’, CO S. Inneman) et dirige notamment ‘ Du côté du soleil ’ (1933), ‘ Marijka l'Infidèle ’ (1934) et ‘ Nos fanfarons ’ (1937, CO V. Kubásek). L'esprit antifasciste naît sous forme de comédies dans des films écrits et interprétés par le fameux duo Jan Werich* et Jiři Voskovec* : ‘ la Poudre et l'Essence ’ (Pudr a benzin, Jindřich Honzl, 1931) ‘ la Bourse ou la Vie ’ (Penize nebo život, id., 1932), ‘ Ho ! hisse ! ’ (Hej rup !, M. Frič, 1934), ‘ Le monde est à nous ’ (Svět patři nám, id., 1937).

Le cinéma tchèque se signale par la diversité de ses thèmes mais aussi par l'originalité de son style, le soin apporté aux cadrages, aux mouvements d'appareil. Il cède parfois au lyrisme humaniste, bien que sans excessive sensiblerie, et domine les productions des pays voisins d'Europe centrale. Parmi les meilleures réalisations, citons ‘ Monsieur le maréchal ’ (Lamač, 1930), ‘ la Troisième Compagnie ’ (Třeti rota, Svatopluk Inneman, 1931), ‘ l'Aube ’ (Svítání, V. Kubásek, 1933), ‘ la Maison dans les faubourgs ’ (Dům na předměsti, Miroslav Cikán, id.), ‘ Marysa ’ (Rovenskÿ, 1935), Virginité (O. Vávra*, 1937), ‘ Un conte philosophique ’ (id., id.), ‘ la Maladie blanche ’ (Bílá nemoc, Hugo Haas, id.) et certains documentaires de Jiři Lehovec, Alexander Hackenschmied, Vladimir Ulehla et Jiři Weiss*.

Le temps de l'idéologie.

Le temps de l'occupation nazie freine non seulement l'inspiration des cinéastes, mais aussi la production elle-même (40 films en 1939, 9 en 1944). Quelques œuvres cependant méritent d'être remarquées : ‘ Věra Lukášova ’ (Emil František Burian, 1939), ‘ Humoresque ’ (O. Vávra, id.), ‘ C'était un musicien tchèque ’ (To byl český muzikant [Vladimir Slavinský], 1940), ‘ l'Avocat des pauvres ’ (Advokat chudých, id., 1941), ‘ Barbora Hlavsova ’ (Frič*, 1943), ‘ Bon Voyage ’ (Vávra, id.), ‘ Samedi ’ (Sobota, Václav Wasserman, 1944), ‘ le Fleuve enchanteur ’ (Řeka čaruje, Václav Krška, 1945). Le 11 août 1945, le cinéma tchécoslovaque est nationalisé. Le court métrage ‘ le Chemin des barricades ’ (Cesta k barikadám), de Vávra, Procházka et J. Síla, inaugure une longue suite d'œuvres consacrées au temps de l'Occupation et à la lutte antifasciste. Le cinéma s'appuie sur des hommes d'expérience comme Martin Frič et Otakar Vávra, mais aussi sur des réalisateurs plus jeunes comme Václav Krška, Karel Steklý*, Jiři Weiss et Jiři Krejčik*. Une branche très originale se développe : le cinéma d'animation. Sous la conduite de Jiři Trnka* et de Karel Zeman*, des artistes comme Břetislav Pojar*, Hermina Tÿrlová*, Zdeněk Miler, Jiři Brdecka*, Eduard Hofman, Josef Kábrt, Jan Švankmajer deviennent les porte-parole d'une nouvelle école d'animation très variée dans son inspiration et qui influencera la plupart des cinéastes d'animation du monde. La Tchécoslovaquie devient la terre d'élection de la marionnette animée et Trnka l'incomparable référence universelle en ce domaine.

Comme dans la majorité des pays de l'Europe centrale, le cinéma d'après la Seconde Guerre mondiale suit en Tchécoslovaquie le cours sinueux de l'idéologie officielle. Le manichéisme politique affadit parfois la générosité du propos et tempère l'éclat du style. Parmi les œuvres de qualité de cette « première période du cinéma socialiste » (de 1945 à 1956), citons ‘ Hommes sans ailes ’ (Muži bez křidel, František Čap, 1946), Sirena (id., Steklý, 1947), ‘ l'Obscurité blanche ’ (Bílá tma, Čap, 1948), Krakatit‘ (Vávra, id.), ‘ la Frontière volée ’ (Weiss, id.), ‘ la Tanière des loups ’ (Vlčie diery, Pal'o Bielik, id.), ‘ Ghetto Terezin ’ (Alfred Radok*, 1949), ‘ la Barricade muette ’ (Vávra, id.), ‘ la Conscience ’ (Krejčik, id.), ‘ De nouveaux combattants se lèveront ’ (Weiss, 1950), ‘ Anna la Prolétaire ’ (Steklý, 1952), ‘ le Boulanger de l'empereur ’ et ‘ l'Empereur du boulanger ’ (Frič, 1951), ‘ la Lune sur la rivière ’ (Měsíc nad řekou, Krška, 1953), ‘ la Brise argentée ’ (Střibrný vítr, id., 1954), la trilogie sur Jan Hus (Vávra, 1955-1957), ‘ Grand-mère automobile ’ (Radok, 1956).