Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JAPON. (suite)

Par ailleurs, le phénomène marquant de la production au Japon dans les années 90 est son internationalisation : tandis que les grands cinéastes reconnus (Imamura, Oshima, Kitano) voient leurs films largement coproduits par l'étranger, et notamment la France, certaines sociétés japonaises se sont mises à produire des films étrangers, en particulier de certains pays asiatiques, tels la Chine, Taiwan (films de Hou Hsiao Hsien*), et plus récemment la Corée, après l'ouverture de ce pays au cinéma japonais, interdit depuis 1945 ! C'est le cas de sociétés de télévision, notamment de la chaîne NHK, à travers ses branches satellites, et de plusieurs compagnies indépendantes dirigées par de jeunes producteurs. La Cie Daiei, sous l'impulsion de son président M. Tokuma (par ailleurs président du Festival international du film de Tokyo, décédé en 2000) se lançait également dans des co-productions de prestige avec la Chine (Dun Huang, 1989, Ju-Dou, 1990). La production s'est stabilisée autour de 270 films (Majors et indépendants mélangés) en 1999, et la fréquentation, qui avait chuté à 123 millions de spectateurs en 1993, est remontée à 153 millions en 1998, malgré le prix du ticket de cinéma qui reste sans doute le plus cher du monde (autour de 2000 yens à Tokyo, soit environ 150FF en 2000).

Entre tradition et renouveau.

Le géant Akira Kurosawa parvient encore à tourner deux films (Rhapsodie en août, 1991, et surtout Maadadayo, 1993, en forme de testament spirituel), avant sa mort en 1998, peu de temps après la disparition de son ex-acteur fétiche, Toshiro Mifune, à Noël 1997. Des « Quatre Chevaliers » (Yonki no Kai) qui avaient voulu renouveler le grand cinéma japonais à la fin des années 60, seul Kon Ichikawa* (né en 1915) reste en activité, alors que Masaki Kobayashi* disparaît en 1996, et Keisuke Kinoshita * en 1998. Parmi les anciens « fers de lance » de la Nouvelle Vague, Shôhei Imamura reste le plus actif, parvenant à tourner coup sur coup l'Anguille (Palme d'or à Cannes 1997), Dr Akagi (1998), et De l'eau tiède sous un pont rouge (2001). Si Kiju Yoshida n'a rien pu concrétiser depuis Onimaru (1988), Nagisa Oshima est enfin revenu à la fiction en 2000 avec Tabou. Cependant, le principal phénomène des années 90 est l'émergence, longtemps attendue, d'une nouvelle génération de cinéastes de talent, reconnus dans les grands festivals internationaux, et dont certains films atteignent les marchés européen ou américain. Le plus célèbre est certainement Takeshi Kitano*, qui renouvelle le genre « yakuza-eiga » (film de gangsters, mettant en scène des personnages réels ou imaginaires de l'underground nippon), mais il faut compter également avec des cinéastes comme Kiyoshi Kurosawa*, Shinji Aoyama, Hirokazu Kore-eda*, Naomi Kawase*, Shinya Tsukamoto*, Nobuhiro Suwa*, et quelques autres, ainsi qu'avec un producteur comme Takenori Sento*, qui a su créer une structure de production donnant leur chance à de jeunes réalisateurs ambitieux.

Enfin, le cinéma japonais, c'est aussi l'animation, dont les meilleurs représentants ont établi une forte réputation à l'étranger : Hayao Miyazaki*, Isao Takahata*, Mamoru Oshii* ou Katsuhiro Otomo* ont su conquérir un large public grâce à la créativité de leurs « animés », et le fameux Studio Ghibli de Miyazaki a fait l'objet d'un rachat par les studios Disney, ce qui a permis à Princesse Mononoke (1997) de devenir un succès mondial, tandis que la série des Pokemon, de moindre qualité artistique, a trouvé un débouché international par le biais d'Hollywood.

Genres.

Depuis ses origines, et surtout depuis les années 20, le cinéma japonais est subdivisé en genres précis et étiquetés, dont les deux plus importants sont les jidai-geki (films d'époque) et les gendai-geki (films contemporains) avec le genre tampon, dit Meiji mono (films de l'époque Meiji se situant entre 1868 et 1912) [ CES NOMS]. À l'intérieur de ces genres, qui ont leurs spécialistes, se situent certains types de films strictement codifiés - au moins jusque dans les années 60 : le chambara (film-sabre), les yakuza-eiga (films de gangsters, mettant en scène des personnages réels ou mythiques de l'underground nippon), le shomin-geki (films traitant du petit peuple, qui ont beaucoup évolué avec les effets de la croissance économique) et ses compartiments, les haha-mono (films de mères), les tsuma-mono (films d'épouses) ou encore les kaiju-eiga (films de monstres, depuis Godzilla), les seishun-eiga (films de jeunes) et les kayo-eiga (films avec des chanteurs populaires) souvent mélangés, et, depuis les années 60, les éroductions, dont la série dite roman-porno (films roman [tico]-porno [graphiques]) produite par la Nikkatsu. Sans compter les genres transposés du cinéma américain, comme les films musicaux, ou même les westerns (parfois tournés en Australie). Aujourd'hui, les plus anciens de ces genres sont repris à la télévision, notamment dans ce que les Japonais appellent eux-mêmes des home-dramas et où se produisent les meilleurs interprètes tandis que tout ce qui a trait à l'érotisme et à la violence reste du domaine du cinéma, avec aussi, récemment, une certaine reprise des films historiques (succès de Kagemusha) et de tentatives d'explication, ou de justification de la Seconde Guerre mondiale.

JAQUE-CATELAIN (Jacques Guerin-Castelain, dit)

acteur français (Saint-Germain-en-Laye 1897 - Paris 1965).

D'une joliesse un peu accablante, il personnifie un certain type d'adolescent fortuné, évoluant avec nonchalance dans le climat des années 20. L'Herbier le choisit comme acteur principal de sa « cantilène » : Rose France (1917). Il s'y fait remarquer et c'est le début d'une carrière sans grand éclat mais qui va fournir cependant au jeune homme l'occasion d'écrire et de tourner lui-même deux films : le Marchand de plaisir (1923), la Galerie des monstres (1924), reflets adoucis de l'avant-garde de l'époque. L'Herbier s'occupe de leur supervision et continue à offrir des rôles à son interprète favori dans des films promis à la notoriété : le Carnaval des vérités (1920), l'Homme du large (1920), El Dorado (1921), Don Juan et Faust (1922), l'Inhumaine (1924). Le talent de l'acteur, sa beauté le mettent en vedette dans d'autres productions comme Kœnigsmark (L. Perret, 1923) ou le Chevalier à la rose (R. Wiene, 1925). Au début du parlant, L'Herbier lui fait jouer le personnage central de l'Enfant de l'amour (1930) puis des rôles moyens dans le Bonheur (1935), la Route impériale (id.), Adrienne Lecouvreur (1938), Entente cordiale (1939). La guerre passée, il va le retrouver encore dans la Révoltée (1948) et les Derniers Jours de Pompéi (1950). Reconnaissant d'une aussi constante fidélité, Jaque-Catelain a consacré en 1950 un livre à celui qui fut son ami et son metteur en scène. Tenté par le théâtre, il y réussit plutôt mieux que dans des films tels la Garçonne (Jean de Limur, 1936) ou l'Escadrille de la chance (Max de Vaucorbeil, 1938). Son exil aux États-Unis entre 1940 et 1944 lui fait perdre le contact avec la scène et les studios parisiens. Aussi, hormis les films de L'Herbier, on ne l'aperçoit plus — fugitivement — que dans Éléna et les hommes (J. Renoir, 1956).