Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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KNEF (Hildegard)

actrice allemande (Ulm 1925).

Elle apparaît dans des films de la UFA , à la fin de la guerre, sous la direction de Harald Braun, Erich Engel et Helmut Käutner (Unter den Brücken, 1945), et travaille avec Boleslav Barlog au Schlosspark-Theater de Berlin. Les assassins sont parmi nous (1946), de Wolfgang Staudte, lui vaut son premier grand rôle : celui d'une rescapée des camps, animée d'une volonté de vivre intense et communicative. Éclairant de sa présence ce film grave et austère, elle révèle un visage, une voix, un tempérament riche de promesses qui s'épanouit, dans un autre registre, à la scène, toujours avec Barlog, et dans Film ohne Titel (1948), comédie d'un humour subtil sur les malheurs allemands, écrite par Helmut Kaütner et réalisée par Rudolf Jugert. Après un premier séjour à Hollywood, qui se traduit par un échec, elle est la principale interprète de la Pécheresse (Die Sünderin, W. Forst, 1951), curieux « film d'art » aux accents lawrenciens, et joue un rôle épisodique fort émouvant, aux côtés d'Oskar Werner, dans le Traître (1951) d'Anatole Litvak (elle modifie alors son nom en Hildegarde Neff). La consécration de son talent semble venir avec trois films à la Fox, d'autres en Allemagne, mais aussi avec la Fête à Henriette (J. Duvivier, 1952), l'Homme de Berlin (C. Reed, 1953) et, à Broadway, l'opérette Silk Stockings (1955), où elle reprend le rôle de Ninotschka. Pourtant, malgré l'amitié du producteur Erich Pommer et la fidélité de certains cinéastes (Forst, Jugert, Staudte), Hildegard Knef, trop souvent enfermée dans des rôles de femme inquiétante, ne parvient pas à s'imposer à l'Allemagne moralisatrice de la Restauration, qui a violemment attaqué la Pécheresse pour « impudeur » et « corruption de la jeunesse ». Après des moments difficiles, elle choisit d'abandonner le cinéma pour devenir chanteuse. Son retour à l'écran dans Fedora (1978), grâce à Billy Wilder, et dans l'Avenir d'Émilie (1985), grâce à Helma Sanders-Brahms, n'en est que plus remarqué. Elle a écrit une autobiographie, À cheval donné (1971), et un autre ouvrage assez pathétique : le Verdict (1975). En 2001 un documentaire réalisé par Clarissa Ruge lui est consacré (A Woman and a HalfHildegard Knef).

KNIGHT (Shirley)

actrice américaine (Goessel, Kans., 1937).

Après des études universitaires en Californie, elle entame une carrière théâtrale et cinématographique. Formée à la Pasadena Playhouse, elle débute au cinéma en 1959, sous la direction de Delbert Mann, dans The Dark at the Top of the Stairs, prestation qui lui vaut, l'année suivante, une première nomination à l'Oscar. Elle sera distinguée une nouvelle fois en 1962 pour sa lumineuse et lyrique interprétation du rôle d'Heavenly (au sens littéral : « céleste ») dans la superbe adaptation cinématographique par Richard Brooks de la pièce de Tennessee Williams, Doux Oiseau de jeunesse. Mal à l'aise à Hollywood, elle prend volontairement ses distances vers le milieu des années 60 pour se consacrer au théâtre et remporter de notables succès à Broadway. Bien qu'espacées, ses apparitions à l'écran sont toujours remarquées, en raison de la finesse de son jeu et de l'hypersensibilité de sa personnalité, qui lui permettent d'incarner, de manière inoubliable, des personnages en crise ou révélateurs d'une société en mutation et désorientée. La postérité retiendra, parmi ses rôles principaux, Doux Oiseau de jeunesse, mais aussi le Métro fantôme, d'Anthony Harvey, produit par son premier mari, Gene Persson (1967), et les Gens de la pluie, de Francis Ford Coppola (1969). D'un film à l'autre, avec l'âge, elle en vient à traduire merveilleusement la dégradation d'une personnalité lumineuse et pleine de santé, dérivant vers la névrose, comme par désadaptation progressive du milieu social dans lequel elle ne trouve plus son insertion. Ses apparitions épisodiques dans le Groupe (S. Lumet, 1966) et Petulia (R. Lester, 1968) sont mémorables, contrairement à sa prestation tronquée dans Terreur sur le Britannic (R. Lester, 1974).

KNOX (Alexander)

acteur et cinéaste britannique d'origine canadienne (Strathroy, Ontario, 1907 - Berwick-upon-Tweed, Northumberland, G.B., 1995).

Dès 1938, il entreprend aux États-Unis une ambitieuse carrière d'acteur. On le voit notamment dans le Vaisseau fantôme (M. Curtiz, 1941) et Wilson (dont il tient le rôle-titre, H. King, 1944). Il réalise Deux G. I. en vadrouille (Up Front, 1951), puis incarne le personnage du mari d'Ingrid Bergman dans Europe 51 (R. Rossellini, 1952). Il se fixe ensuite en Grande-Bretagne. Au sein d'une filmographie très fournie, on retient surtout sa présence dans plusieurs films de Joseph Losey : La bête s'éveille (1954), les Damnés (1961), Modesty Blaise (1966) et Accident (1967).

KOBAYASHI (Ichizo)

producteur japonais (Kofu, préf. de Yamanashi, 1873 - Osaka 1957).

Avant de s'intéresser au cinéma, en businessman avisé, il a l'idée de faire construire un grand centre de loisirs à Takarazuka, afin de développer l'utilisation de sa propre ligne de chemin de fer privé. Il fonde ensuite le théâtre de « l'Opéra de jeunes filles » de Takarazuka, où ne jouent que des actrices (à l'encontre du kabuki), puis, en 1936, la Cie Toho, fusion de PCL (Photo Chemical Laboratories) et JO (Jenkins-Osawa). Devenu une importante personnalité politique, il préside divers ministères jusqu'à la défaite, où il a maille à partir avec les Américains, puis revient à la Toho après 1950 : il se consacrera jusqu'à sa mort à la modernisation de l'exploitation et de l'administration du cinéma japonais.

KOBAYASHI (Masaki)

cinéaste japonais (Otaru, préf. de Hokkaido, 1916 - Tokyo 1996).

Ayant étudié l'art oriental et la philosophie à l'université de Waseda, il entre aux studios de la Shochiku en 1941, comme assistant réalisateur, mais se trouve aussitôt mobilisé et envoyé en Mandchourie. Fait prisonnier de guerre à Okinawa en 1945, il ne rentre au Japon qu'en 1946 et retourne à la Shochiku, où il devient assistant de Kinoshita, pour qui il écrit également des scénarios. Il passe à la réalisation en 1952 avec la Jeunesse du fils, (Musuko no seishun), enchaînant avec le Cœur sincère (Magokoro, 1953), deux mélodrames sociaux caractéristiques du style Shochiku. Son premier film important et personnel la Pièce aux murs épais (Kabe atsuki heya, 1953), adapté par Kobo Abe des carnets secrets d'authentiques criminels de guerre, est bloqué par la crainte de la Shochiku d'offusquer les autorités d'occupation américaines et ne sortira qu'en 1957. Kobayashi revient alors au mélodrame psychologique et sentimental (Quelque part sous le ciel immense [Kono hiroi sora no dokoka ni, 1954] ; les Jours magnifiques [Uruwashiki saigetsu, 1955]), avant de tourner deux films de critique sociale remarqués pour leur réalisme et leur tendance humaniste, assez proche de celle de Kurosawa : Je t'achèterai (Anata kaimasu, 1956) et Rivière noire (Kuroi kawa, 1957), où se révélait déjà Tatsuya Nakadai, qui allait devenir son acteur de prédilection. Mais ce qui va réellement faire connaître son nom en Occident, c'est sa gigantesque trilogie, la Condition de l'homme (Ningen no joken 1959-1961), dont la première partie, Pas de plus grand amour (1959), obtint le prix San Giorgio à Venise en 1960. Il s'agit d'une adaptation d'un roman-fleuve à succès de Jumpei Gomikawa. Dans ce qui est considéré comme le plus long film de fiction romanesque du monde (9 h 45 de projection au total), il exprimait, à travers le personnage de l'idéaliste Kaji (Nakadai), des conceptions humanistes issues autant de son expérience de guerre personnelle que de l'œuvre transposée. Après un film de transition, Amour amer / l'Héritage (Karami-ai, 1962), Kobayashi signera un des films japonais les plus significatifs des années 60, Harakiri (Seppuku, 1963 ; prix spécial du jury à Cannes 1963), où il s'attaquait au mythe du bushido, le code moral des samouraïs, dans le Japon du XVIe siècle. Il engage ensuite ses ressources personnelles dans une luxueuse mais froide adaptation de quatre contes fantastiques de Lafcadio Hearn, Kwaidan (Kaidan, 1964 ; prix spécial du jury à Cannes 1965), qui sera pourtant un échec commercial au Japon. Il revient à la critique distanciée de l'éthique rigide des samouraïs : Rébellion (Joi-uchi, 1967 ; prix de la Fipresci à Venise), avec Tatsuya Nakadai et Toshiro Mifune. Puis il adapte un roman de l'écrivain catholique Shusaku Endo, la Jeunesse du Japon/Pavane pour un homme épuisé (Nippon no Seishun, 1968), sur le conflit des générations pendant la guerre du Viêt-nam. Il subit alors les effets de la crise économique et artistique du cinéma japonais, et, malgré sa participation à la création de la société Yonki no kai (“Club des quatre chevaliers”) en 1968, avec Kurosawa, Kinoshita, Ichikawa), il ne tourne plus que des films honorables, mais décevants par rapport aux précédents : l'Auberge du mal (Inochibonifuro, 1970), puis les Fossiles (Kaseki, 1975), version cinéma d'un feuilleton télévisé, et l'Automne embrasé (Moyuru aki, 1978), médiocre histoire d'amour entre l'Iran et le Japon. Pourtant, Masaki Kobayashi, qui, en 1983, a tourné un très long documentaire sur les Procès de Tokyo (Tokyo Saiban) et, en 1985, la Table vide (Shokutaku no nai ie), incarne le mieux, avec Kurosawa, une certaine conception humaniste et « idéaliste » du Japon d'après guerre, avant le déferlement de la Nouvelle Vague. Des hommages ont de nouveau attiré l'attention sur son œuvre à la fin des années 80 (Tokyo, 1988 ; La Rochelle, 1989 ; Cinémathèque française, 1990).