Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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KARL (Roger Trouvé, dit Roger)

acteur français (Bourges 1882 - Paris 1984).

Ce misanthrope, ami de Léautaud, cet écrivain sans indulgence qui publie son Journal sous le nom de Michel Balfort s'essaie au théâtre avant 1914, fait partie des comédiens de Copeau et apparaît dans des œuvres d'envergure comme le Martyre de saint Sébastien de Gabriele D'Annunzio. Grâce à Léon Poirier (le Coffret de jade, 1921 ; l'Affaire du courrier de Lyon, 1923), à L'Herbier (l'Homme du large, 1920) et à Delluc (la Femme de nulle part, 1922), il acquiert une notoriété certaine dans le cinéma muet, que confirme encore son rôle dans Jocelyn (Poirier, 1922). Toutefois, ses goûts littéraires et la tournure de son esprit lui font mal accepter les contraintes du cinéma parlant commercial, où on lui impose des rôles peu sympathiques (Barcarolle, G. Lamprecht, 1935), des personnages stéréotypés d'espion ou d'officier allemand (l'Homme à abattre, Léon Mathot, 1937 ; Boule de suif, Christian-Jaque, 1945 ; Mission spéciale, Maurice de Canonge, 1946) ou de traître (le Golem, J. Duvivier, 1936). Massif, de visage expressif, doté d'une belle voix, on devine à quelques rôles (Maldonne, J. Grémillon, 1928 ; Lucrèce Borgia, A. Gance, 1935 ; Sous les yeux d'Occident, M. Allégret, 1936) les créations qu'il aurait pu faire si la routine ne l'avait trop gâché dans des emplois insipides qu'il jouait avec dédain et détachement.

KARLOFF (William Henry Pratt, dit Boris)

acteur américain d'origine britannique (Dulwich, près de Londres, 1887 - Midhurst, Sussex, 1969).

La plus grande star du film fantastique a mis un certain temps à s'affirmer. Émigré au Canada, Karloff, ouvrier agricole, s'intéresse au théâtre. En 1916, il fait de la figuration au cinéma et, en 1919, entame sa carrière à l'écran. Mais il restera dans l'obscurité jusqu'en 1931, date à laquelle il se fait remarquer dans The Criminal Code de Howard Hawks. Cette année-là sera pour lui une année cruciale car c'est aussi celle où James Whale et le maquilleur Jack Pierce inventent le masque qui lui collera au visage toute sa vie durant : celui du monstre de Frankenstein. Boris Karloff n'est mentionné au générique que par un point d'interrogation. Mais il s'affirme comme une abomination tragique que le public adopte immédiatement. Son masque affreux possède une indéniable photogénie et le jeu de l'acteur, sobre et humain, l'anime de poésie. Il ne reprendra le rôle que deux fois (la Fiancée de Frankenstein de James Whale en 1935 et le Fils de Frankenstein de Rowland W. Lee en 1939) et, chaque fois, il rendra plus sensible la douloureuse humanité du monstre créé par Mary Shelley.

Karloff a laissé exploiter sa personnalité dans des entreprises bassement commerciales. Mais, dans une longue filmographie, il y a de nombreux morceaux d'anthologie à découvrir, surtout à l'âge d'or des années 30. Le meilleur ressortit à la dialectique traditionnelle Jeckyll/Hyde. Il est tantôt bon, tantôt méchant, tantôt les deux à la fois (le Baron Gregor [The Black Room], R. W. Neill, 1935). Inquiétant jusqu'au sadisme, il était un impressionnant ordonnateur de messes noires dans l'excellent Chat noir (E. Ulmer, 1934). Douloureux et humilié, il était le Mort qui marche (M. Curtiz, 1936), où un mémorable travelling venait saisir une larme qui coulait sur son visage de marbre. Quand Val Lewton l'a associé au renouveau du genre à la RKO, Karloff avait déjà ses grands films derrière lui. Néanmoins, il campait une superbe créature maléfique sortie de Hogarth dans le Récupérateur de cadavres (R. Wise, 1945) et dans Bedlam (M. Robson, 1946). Mais les choses empirèrent : Karloff en fut réduit à terrifier les pénibles deux nigauds, Abbott et Costello, et à galvauder son talent. Les années 60 lui valurent une reconnaissance méritée qu'il accepta avec humour, retrouvant son autorité et sa force avec Roger Corman (le Corbeau, 1963), Jacques Tourneur (The Comedy of Terrors, 1963), Michael Reeves (The Sorcerers, 1967) ou Peter Bogdanovich (la Cible, 1968). Dans ce dernier film, il s'identifie facilement au vieil acteur de films d'horreur qu'il joue et, opposé à la violence de la vie réelle, nous salue d'un bel adieu en forme de jeux de miroirs.

Plus d'une fois il a tenté de sortir du genre ; mais, s'il était sobre dans les Rothschild (A. Werker, 1934), il versait dans la grandiloquence dans la Patrouille perdue (J. Ford, id.). On se souviendra de lui grâce à l'éblouissant florilège que les années 30 lui ont composé : le monstre créé par Frankenstein, bien sûr et à jamais, mais aussi la pathétique Momie (K. Freund, 1932) au visage parcheminé, ou l'extravagant et cruel Fu Manchu (le Masque d'or, Ch. Brabin, 1932), icônes précieuses qui font désormais partie de l'inconscient de chacun.

KARLSON (Philip N. Karlstein, dit Phil)

cinéaste américain (Chicago, Ill., 1908 - Los Angeles, Ca., 1985).

Ayant gravi tous les échelons aux studios Universal, il aborde en 1944 le long métrage de série B mais ne s'y fait remarquer vraiment que dans les années 50, apportant à des sujets standards une touche d'insolite et de violence vraie : l'Inexorable Enquête (Scandal Sheet, 1952) ; le Quatrième Homme (Kansas City Confidential, id.) ; l'Affaire de la 99e Rue (99 River Street, 1953) ; les Îles de l'Enfer (Hell's Island, 1955) ; les Frères Rico (The Brothers Rico, 1957). En 1955, il tourne The Phoenix City Story en décors naturels tandis que se déroule le procès consécutif au meurtre raconté. Au thriller, Karlson ajoutera, avec moins de bonheur, le film d'aventures ou d'espionnage : l'Épée de Monte Cristo (Mask of the Avenger, 1951) ; le Dernier Passage (Secret Ways, 1961). L'interminable Saipan (Hell to Eternity, 1960), mélange des stock-shots de la guerre du Pacifique à des scènes d'érotisme assez échevelées pour l'époque, tandis que Matt Helm, agent très spécial (The Silencers, 1966) est une amusante ouverture à la série des « Matt Helm ». Le secret de la longue carrière de Karlson tient sans doute à sa pratique, sécurisante pour les studios, de chef monteur : c'est ainsi que, d'une vieille série TV (les Intouchables), il a extrait Scarface Mob (1962), film d'ailleurs réussi. En 1973, il est revenu au film criminel « réaliste » avec Justice sauvage (Walking Tall), qu'il a lui-même produit et qui a été un grand succès financier. Il a continué dans la même voie avec La trahison se paie cash (Framed, 1975).