Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
F

FRONTALE.

Projection frontale, procédé de trucage à la prise de vues permettant d'incruster directement des personnages dans une image en mouvement. Ainsi appelée par opposition à la projection par transparence ( EFFETS SPÉCIAUX).

FRONTIER FILMS.

Important groupe de documentaristes indépendants américains — fondé, en 1937, sur les bases élargies de l'ancien « Nykino » (New York Kino) —, afin de constituer un vaste front de forces cinématographiques progressistes. Le but de ses promoteurs est de sensibiliser, dans l'optique du New Deal, les citoyens aux problèmes internes et externes du pays. En plus de son président, Paul Strand, et de ses vice-présidents, Leo Hurwitz et Ralph Steiner, l'organisation compte sur l'aide ou la sympathie de gens comme Elia Kazan, Joris Ivens, Herbert Kline, John Dos Passos, Lewis Milestone...

En dehors de l'émulation créée dans les milieux concernés, Frontier Films n'a réellement conçu que six bandes. Cœur d'Espagne (Heart of Spain, H. Kline et H. Cartier-Bresson, 1937) nous montre l'engagement de la population civile autochtone aux côtés d'un chirurgien canadien se battant pour la République espagnole. La Chine riposte (China Strikes Back, Harry Dunham, id.), une des premières pellicules montrant Mao Zedong et ses compagnons, connaît une bonne diffusion sur le sol américain. Les Gens de Cumberland (People of Cumberland, E. Kazan, 1938), tourné dans le Tennessee, nous sensibilise à une forme grave d'atteinte aux libertés : le meurtre d'un professeur formant des militants syndicaux. Retour à la vie (Return to life, Kline et Cartier-Bresson, id.), seconde œuvre consacrée à l'Espagne, s'intéresse à la rééducation des blessés dans un hôpital.

Depuis longtemps, les questions de forme, de langage préoccupent les membres de Frontier Films : ils veulent rendre le documentaire non seulement didactique mais aussi attractif. Après la confection, en 1940, par William Osgood Field, d'un court métrage sur les glaciers (White Flood), Paul Strand et Leo Hurwitz nous donnent, avec Native Land (1941-42), le chef-d'œuvre de leur mouvement. Une vision inquiétante des divers dangers menaçant la démocratie perce à travers la structure élaborée du film qui mélange matériaux bruts et scènes reconstituées. En 1942, les changements sociaux et la guerre obligent le groupe à se disloquer. L'École de New York et les pratiquants du cinéma direct reprennent, dans les années 50 et 60, son flambeau.

FS.

Abrév. anglaise de full shot.

FUENTES (Fernando de)

cinéaste mexicain (Veracruz 1894 - Mexico 1958).

Il débute avec El anónimo (1932) et démontre des qualités dès El prisionero trece (1933). Il est l'auteur de deux œuvres remarquables sur la révolution mexicaine. El compadre Mendoza (id.) est une allégorie introspective, autour d'un grand propriétaire qui fréquente aussi bien zapatistes que gouvernementaux pour conserver ses terres, mais finit par trahir son ami révolutionnaire. Sous des apparences satiriques, Fuentes dégage les dimensions sociales et psychologiques du conflit, sa perplexité, la richesse des nuances. Il joue admirablement avec le temps, chronologique et intérieur. ¡ Vámonos con Pancho Villa ! (1935) possède une mise en scène également brillante. Cette superproduction reçoit le soutien financier et logistique du gouvernement Cárdenas. Pourtant, ce film d'action ne vise pas à l'épopée ni au culte du héros, mais à un cadre humain et social véridique, qui débouche sur une réflexion morale. Ainsi, durant sa phase préindustrielle, le cinéma mexicain porte un regard lucide, critique même, sur une révolution que la littérature se borne alors à décrire. Il faudra attendre encore quelques années pour que des romanciers abordent sans mystification cette problématique ; Fuentes précède ainsi des écrivains comme Agustín Yáñez, Juan Rulfo, Carlos Fuentes, José Revueltas. Cependant, ses films Allá en el Rancho Grande (1936), Bajo el cielo de México et La Zandunga (1937) contribuent à consolider l'industrie, gagner les marchés extérieurs et orienter la production nationale dans un sens tout à fait différent. Ils inaugurent un genre prolifique, la comédie ranchera (rurale), caractérisée par l'idéalisation de la province, la sensiblerie romantique, l'optimisme musical, l'hymne au machisme, un passéisme drapé de pittoresque. À part des remakes ou des succédanés de ce genre qui fige l'image internationale du Mexique, Fuentes contribue à imposer une Maria Félix implacable (Doña Bárbara et La mujer sin alma, 1943 ; La devoradora, 1946). Parmi ses autres titres, on peut mentionner le fantastique El fantasma del convento (1934), le film de cape et d'épée Cruz Diablo (id.), plus convaincants que ses incursions dans les genres nationaux comme la famille (La familia Dressel, 1935 ; Las mujeres mandan, 1936) ou le mélodrame maternel (La gallina clueca, 1941). Fuentes marque le cinéma mexicain d'avant-guerre, pour le meilleur et pour le pire.

FUKASAKU (Kinji)

cinéaste japonais (Mito, préf. d'Ibaragi, 1930).

Très tôt cinéphile, il écrit des scénarios et collabore à des revues de cinéma, avant d'entrer en 1953 à la Toei, où il restera assistant pendant huit ans. Il débute dans la réalisation en 1961, avec des films de série pour l'acteur Shin'ichi Chiba (le Policier Vagabond/ Funky Hat), et se fait remarquer avec des films de yakuza particulièrement violents (Gangsters en plein jour/ Hakuchu no buraikan, 1961 ; Homme, porcs et loups/ Ookami to buta to ningen, 1964).Il renouvelle à sa manière le genre Yakuza-eiga*, dans sa série Combat sans code d'honneur (Jingi naki tatakai), de 1973 à 1976, avec l'acteur Bunta Sugawara. Il signe également quelques films plutôt « kitsch », dont le Lézard noir (Kurotokage, 1968), et d'autres films plus ambitieux, comme l'anti-militariste Sous le drapeau du Soleil Levant (Gunki Hatameku motoni, 1972, sur un scénario de K. Shindo). Fukasaku illustrera avec des bonheurs divers un peu tous les genres, traversant avec énergie la période de déclin de l'industrie du cinéma nippon : Virus (Fukkatsu no hi, 1980), la Marche de Kamata (Kamata Koshinkyoku, 1982), et, objet d'hommages tardifs dans les festivals, refera surface en 2000 avec son thriller futuriste, Battle Royale.