Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ANIMATION (techniques de l'). (suite)

Segundo de Chomón donne des mouvements acrobatiques à ses Vêtements cascadeurs (1908) et, dans la Liquéfaction des corps durs (1909), déforme progressivement à coups de poing des mannequins soutenus par des carcasses de fil de fer. Émile Cohl dans les Locataires d'à côté (1909) et Soyons sportifs (id.) anime des marionnettes schématiques de bois pour donner le mouvement à de vraies poupées dans le Tout Petit Faust (1910) et le Petit Chantecler (id.).

En 1909, le Polonais Ladisav Starevitch, commençant par animer des insectes morts, perfectionne dans L'amour se venge (1912) la mécanique des marionnettes afin d'obtenir une animation excellente ; le Roman de Renard (1932) égale en cela, par les foules fastueuses du Russe Aleksandr Ptouchko, le Nouveau Gulliver (1934). La méthode semble au point avec les Funny Face Comedies de Red Seal (Cracked One, 1924), qui combinent le changement de position et d'attitude avec un remplacement image par image de phases successives pour les touches ou des parties de visage, technique composite que George Pal amènera à un sommet de virtuosité caricaturale et spectaculaire dans Pirate du ciel (1934) et En parade (1936). La perfection de ses maquettes et de ses animations le conduira à devenir l'un des pionniers des trucages, des effets spéciaux et de la production des films fantastiques et d'anticipation, tel Destination Lune (I. Pichel, 1950), et à diriger le Monde merveilleux des frères Grimm pour le Cinérama (1962). Citons enfin l'école tchèque avec Karel Zeman (la série des M. Prokouk), Břretislav Pojar (Un verre de trop, 1954, le Petit Parapluie, 1957, et le Lion et la Chanson, 1959), Jiřrí Trnka avec ses courts et longs métrages.

Emploi de la pâte à modeler, ou claymation.

Par rapport à la raideur du pantin articulé appelé « marionnette », qui véhicule inévitablement une impression de manipulation, de « jeu à la poupée » et qui, dans son souci de faire vrai reste limité au point de vue plastique, la technique de la pâte à modeler retrouve une souplesse et une apparente spontanéité, ainsi que des possibilités de transformation et d'invention qui font le charme du dessin animé (The Great Cognito, 1982).

Animation par changement d'états.

Si l'animation consiste à modifier la disposition d'éléments distincts dans le champ de l'image saisie par la caméra, elle peut également être obtenue en modifiant les états plastiques successifs d'un tableau.

Modification par additions successives.

Le dessin qui se fait (en procédant par addition successive pour chaque image prise) a été une des attractions primitives du cinéma d'animation graphique (Cohl, Blackton, etc.). Carmen d'Avino a poussé cette technique jusqu'à métamorphoser son modèle par additions successives (The Big O, 1958) pour finalement recouvrir une pièce entière, puis tout un paysage de rochers image par image : Room (1960) ; A Trip (1961) ; Stone Sonata (1962).

Modification par changement global. L'écran d'épingles.

Illustrateur et graveur, Alexandre Alexeieff, impressionné par la matière massive ou brumeuse définie par Berthold Bartosch dans l'Idée (1932), met au point avec Claire Parker un procédé original d'animation : l'écran d'épingles. Dans un cadre, un million de pointes d'épingles situées chacune dans une alvéole accrochent des lumières latérales comme autant de pointes de cadran solaire. Comme elles coulissent, on peut les enfoncer ou au contraire les amener à sortir de l'écran. Plus elles dépassent, plus les traits d'ombre croisés sont foncés pour arriver à un noir profond. Au contraire, si on les enfonce totalement, l'absence d'ombre laisse apparaître le fond de l'écran blanc.

Ainsi s'anime la gravure, point par point, selon une technique qui, en ce qui concerne le façonnage du velours métallique, tient du modelage de l'écran et de la gravure quant au fonctionnement des ombres : Une nuit sur le mont Chauve (1934) ; En passant (1943) ; le Nez (1963).

Déplacements d'éléments découpés.

Le déplacement imperceptible de morceaux de matériaux plats (bristols, feuille de métal léger, bouts de verres, galets, etc.) permet de composer des tableaux que l'on forme en déplaçant des éléments constitutifs pour chacune des prises de vues successives. Ce procédé plonge encore dans la préhistoire de l'animation puisque, dès 1903, de Chomón donne le mouvement à des lettres découpées en fixant les états successifs par groupes de 5 ou 6 images, la prise de vues d'une image pour un tour de manivelle n'étant pas encore mise au point. Edison (The Whole Dam Family and the Dam Dog, 1905) et l'American Mutoscope and Biograph (Wanted a Nurse, 1906) suivent de peu cette innovation.

Dans Jones Meets Skinflint, des productions Edison (1905), apparaît une main découpée, déplacée image par image au milieu des lettres ; un cœur et des microbes s'agitent dans The Love Microbe de l'AM  B (1907).

Cohl se lance dans l'animation des éléments découpés dans Affaires de cœur (1909) et le Binettoscope (1910).

Technique économique aux débuts des films d'animation caricaturaux, ce style de construction fournira aux créateurs individuels des années 40 et 50 un moyen d'échapper aux lourdes techniques dépersonnalisantes du dessin animé sur cellulo en réalisant et en décorant tous les moindres éléments de leurs films, participant ainsi à tous les débuts des nouvelles tendances techniques et expressives. Aussi bien à l'ONF du Canada avec René Jodoin (Square Dance, 1944), Grant Munro (The Man on the Flying Trapèze, 1950), George Dunning et Colin Low (Cadet Rousselle, 1946) ou Norman McLaren (Rythmetic, 1956 ; le Merle, 1958), qu'en France, avec Henri Gruel (Martin et Gaston, 1953 ; Gitanos et Papillons, 1954 ; Monsieur Tête, CO J. Lenica, 1959), Walerian Borowczyck et Jan Lenica (Il était une fois, 1957 ; la Maison, 1958), Giulio et Emanuele Luzzati (Histoire des paladins de France, 1960 ; la Pie voleuse [la Gazza ladra], 1964) et Jean François Laguionie (la Demoiselle et le Violoncelliste, 1965 ; l'Arche de Noé, 1967), on assiste au renouveau plastique de l'animation des années 60.