Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SONORE. (suite)

Wallace Fox entra à son tour en jeu, lançant — en association lui aussi avec Western Electric — le procédé Movietone à piste photographique latérale, issu des travaux de Case (et de De Forest). En mai 1927, le premier programme Movietone comprenait, entre autres, un long métrage avec accompagnement musical (Seventh Heaven de F. Borzage) et une bande d'actualité (le départ de Lindbergh pour Paris) qui allait être rapidement suivie par de nombreuses autres : allocution en anglais de Mussolini, le président Coolidge félicitant Lindbergh, etc. Pendant plusieurs décennies, les noms de Fox et de Movietone resteront associés dans les fameuses Actualités Fox-Movietone.

En octobre 1927, le grand coup fut enfin frappé — toujours en Vitaphone — par les frères Warner, avec le Chanteur de jazz, de Crosland. C'était pour l'essentiel un film muet intertitré avec accompagnement musical, mais il y avait aussi des scènes où Al Jolson chantait et surtout parlait. Parlait : là était la véritable nouveauté, puisque l'accompagnement musical était déjà chose courante. Ce n'était pas le cinéma sonore qui arrivait : c'était le parlant.

Le succès du Chanteur de jazz fut triomphal. Le cinéma sonore avait gagné la partie. Quelques mois plus tard, RCA — concurrente de Western Electric — lançait le Photophone, similaire au Movietone (et compatible avec lui) à ceci près qu'il recourait à l'élongation variable et non à la densité variable (voir plus loin).

En 1895, le succès du cinématographe avait pris Edison de court. Cette fois, l'Amérique prenait l'Europe au dépourvu. Toutefois, grâce à l'expérience du Tri-Ergon, l'Allemagne put proposer dès 1928 des procédés — fusionnés en 1929 en Tobis-Klangfilm — compatibles avec le Movietone et le Photophone. Rapidement, une âpre guerre des brevets opposa la Western Electric et le trust Tobis-Klangfilm, l'enjeu, d'importance, étant la pénétration du marché européen. Les hostilités cessèrent en 1930 par un arrangement qui aboutissait notamment à la création de zones d'influence. En France, Gaumont présenta bien, en novembre 1928, le procédé Gaumont-Petersen-Poulsen, issu des travaux des Danois Petersen et Poulsen, où le son était enregistré (en élongation variable) sur toute la largeur d'un film 35 mm défilant en synchronisme avec la bande image. Mais la tentative fut sans lendemain, en raison de la complication du système double bande.

En 1929 restaient donc seuls en présence le Vitaphone de la Warner et les procédés (compatibles entre eux) à son optique par piste photographique latérale. Le choix se fit de lui-même, dès 1930, au profit du son optique, beaucoup plus rationnel et qui est toujours utilisé pour l'inscription du son sur les copies d'exploitation. Le son optique ne connut plus ensuite que des améliorations progressives (voir plus loin) qui n'entamèrent jamais la compatibilité : une copie à son optique de 1927 est lue sans aucune difficulté sur un projecteur contemporain.

De même que la naissance du cinéma peut être associée aux premières représentations, en 1895, du Cinématographe, la naissance du cinéma sonore peut être associée à la sortie, en 1927, du Chanteur de jazz. L'année charnière demeure néanmoins 1929 : aux États-Unis, au début de cette année-là, la mention talkie (parlant) était encore exceptionnelle ; à la fin de l'année, c'est la mention silent (muet) qui était devenue l'exception.

Évolution de la piste sonore.

Partis avec un temps de retard, mais soumis à la concurrence américaine, les grands pays d'Europe durent suivre rapidement : la production commença d'y basculer vers le sonore dès 1929 en Allemagne et en Grande-Bretagne (où furent tournés les premiers films « parlant français »), dès 1930 en France et en Italie. Assez vite, le mouvement gagna ensuite le monde entier : les premiers films sonores datent de 1930 en URSS, de 1931 au Japon et en Inde.

L'irruption du parlant, en 1929-30, demeure évidemment l'événement majeur du cinéma sonore.

Pendant les vingt ans qui suivirent, aucun événement marquant ne se produisit. L'on ne doit pas négliger pour autant les améliorations tout à fait considérables apparues au long de cette période : améliorations assez rapides des microphones, améliorations progressives du procédé à piste optique, apparition rapide des possibilités de mixage, etc. À l'instar de la période 1910-1930, la période 1930-1950 fut une période d'universalité : un film tourné dans n'importe quel pays pouvait être projeté sans aucune difficulté dans n'importe quelle salle. Ce ne fut d'ailleurs pas l'évolution des techniques du son mais celle de l'image qui rompit ensuite cette universalité ( FORMAT).

Vers 1950, la grande innovation fut l'introduction, dans le cinéma, de l'enregistrement magnétique. Jusqu'alors, le son était manipulé sous forme optique tout au long de la chaîne du film, depuis l'enregistrement initial jusqu'aux copies d'exploitation. Bien plus simple à mettre en œuvre, et rapidement beaucoup plus performant, l'enregistrement magnétique supplanta en quelques années le son optique pour l'enregistrement, le montage, le mixage. Pour la diffusion des films, le son magnétique ne connut pas le même succès. Il y eut bien le CinémaScope (1953) avec ses 4 pistes magnétiques, puis le 70 mm (1955) avec ses 6 pistes, qui offraient tous deux une restitution sonore supérieure à celle du son optique, et qui offraient en outre la stéréophonie. Mais la diffusion de ces types de copies demeura limitée, essentiellement en raison des problèmes économiques soulevés (voir plus loin). À l'inverse, c'est le son magnétique qui permit de pratiquer le cinéma d'amateur sonore.

Le son optique demeura donc — et demeure — la règle pour la diffusion des copies 35 mm. C'était possible parce que, à force de progrès, il avait atteint des performances très acceptables. Mais les autres moyens de restitution du son (disque, radio en modulation de fréquence) avaient eux aussi progressé, et ils avaient notamment fait entrer la stéréophonie dans les mœurs Le son optique devait progresser à nouveau, ce qu'il fit avec le procédé Dolby Stéréo, qui offre simultanément la stéréophonie*, la réduction du bruit de fond et l'amélioration de la bande passante tout en conservant les avantages du son optique traditionnel, avec lequel il est compatible. Apparu vers 1975, le Dolby Stéréo s'est progressivement implanté d'abord pour les films musicaux ou les films à grand spectacle, puis se généralise au cours des années 80. Très peu de films sont aujourd'hui diffusés en mono. L'équipement stéréophonique des salles, avec quatre canaux de diffusion, se généralise aussi progressivement à partir de cette époque.