Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SHIN SANG OKK

[Sin Sangok], cinéaste coréen (Ch'ǒngjin, province du Hamgyǒng du Nord, 1925).

Il étudie la peinture à l'université de Tokyo et commence à diriger des films à l'orée des années 50. Metteur en scène très prolifique, il est sans doute le cinéaste le plus célèbre de son pays quand, en 1978, il est enlevé avec sa femme, l'actrice Ch'oe Unhui, en Corée du Nord, selon un scénario digne de John Le Carré. Emprisonné, puis traité avec certains égards par le fils de Kim Il-sung, il est plus ou moins contraint d'enseigner le cinéma aux apprentis réalisateurs de Corée du Nord. Il reçoit l'autorisation de faire lui-même des films (il en tourne sept, qu'il accompagne parfois dans des festivals internationaux tout en restant sous haute surveillance). Au début de l'année 1986, Shin Sang Okk se rend en Autriche avec son épouse, fausse compagnie à ses gardes du corps et se retrouve « expédié » aux États-Unis, où il demeure sous la menace des divers services de renseignement — notamment sud-coréens, dans la mesure où, avant son enlèvement, il avait violemment critiqué son gouvernement. En 1989, le cinéaste — anglicisant son nom en Sheen — revient au cinéma, fonde une société de production, retourne en Corée du Sud, réalise un film quelque peu provocateur, Disparus (Vanished, 1994), et poursuit aux États-Unis ses activités de producteur.

Parmi ses films les plus notables, il faut citer le Roi Yonsan (Yǒnsan gun, 1961), le Locataire et ma mère (Sarangbang sonnim-kwa ǒmǒni, id.), le Riz (Ssal, 1963), Samyong le muet (Pǒngǒri Samyongi, 1964), Une vie (Vy ja il seng, 1968), la Rivière Han (Han Kang, 1974), le Sel (Soh Kum, 1985).

SHINTOHO (Nouvelle Toho).

Compagnie japonaise créée en 1947 par certains techniciens et acteurs de la Toho, procommunistes. Le premier film de la Shintoho fut aussi celui de Kon Ichikawa, Mille et Une Nuits avec Toho, une comédie suivie en 1948 de ‘ 365 Nuits ’. Mais une querelle avec la Toho éclata, cette dernière ne produisant plus que quelques films, tandis que la Shintoho cherchait des salles pour montrer ses productions, et finissait par monter son propre circuit d'exploitation. La qualité ne fut pas un des soucis majeurs de la Shintoho (présidée alors par Shosaburo Saisho), qui réalisait rapidement des films de guerre néomilitaristes, et plusieurs films de genre sans grand intérêt artistique, malgré quelques exceptions comme les Sœurs Munakata (Y. Ozu, 1950) ou la Vie de O-Haru, femme galante (K. Mizoguchi, 1952). Malgré un recours de plus en plus systématique au sensationnel et à la nudité, avant la grande vague érotique des années 60, la Shintoho fut contrainte de déposer son bilan en 1961, sans jamais ressusciter.

SHOCHIKU (abréviation de Shochiku Kinema Gomeisha).

Une des « majors » compagnies japonaises, fondée en 1920 par deux associés, anciens vendeurs de friandises dans les théâtres kabuki : le nom de Shochiku provient de la combinaison de leurs prénoms, Matsujiro et Takejiro, en lecture chinoise, et signifie la compagnie du Pin (Shô) et du Bambou (Chiku). Ils fondèrent d'abord des studios modernes à Kamata, près de la baie de Tokyo, en chargeant le dramaturge Kaoru Osanai de l'organisation de la production et de la formation des acteurs, celui-ci signant avec Minoru Murata un des premiers drames « modernes » du cinéma japonais, ‘ Âmes sur la route ’ (1921). À cette époque, la Shochiku participa directement à la « révolution des actrices » (qui remplacèrent les « oyama »), avec Harumi Hanayagi ou Sumiko Kurishima. Les années 20 et 30 virent fleurir le genre « shomingeki », illustré entre autres par les premiers films d'Ozu (Gosses de Tokyo, 1932), mais aussi une âpre rivalité se développer avec la Nikkatsu, et surtout avec la Toho, qui accapara notamment la vedette Kazuo Hasegawa.

Pendant la guerre, la Shochiku éprouva des difficultés avec les autorités gouvernementales, parce qu'elle ne produisait pas assez de films nationalistes, et ce fut Mizoguchi qui la sauva du désastre en tournant sa monumentale version des 47 Ronin (1941 et 1942). Elle fut l'une des trois compagnies autorisées à subsister, avec Toho et Daiei. L'après-guerre, commencée par une période stérile, vit le développement, dans les années 50, des films de famille, appuyés par la politique du président Shiro Kido, et dirigés par des cinéastes comme Ozu, Kinoshita, ou Noboru Nakamura. Ce fut Kinoshita qui y tourna le premier film en couleurs (Fujicolor) japonais, le Retour de Carmen (1951), et la Shochiku adopta la première le CinémaScope venu de Hollywood, tandis qu'Ozu s'affirmait comme le meilleur cinéaste d'Ofuna, avec des films comme Voyage à Tokyo (1953) ou ‘ Fleurs d'équinoxe ’ (1958).

Dans les années 60, la compagnie eut maille à partir avec les « jeunes loups » de sa nouvelle vague (Oshima, Yoshida, Shinoda), tout en remportant quelques succès internationaux (Harakiri, M. Kobayashi, 1963). Mais elle n'échappa guère à la crise économique générale, et ne se survit plus que grâce au succès local de films populaires, comme ceux de la série « Tora-San » de Yoji Yamada. À la fin des années 70, Shohei Imamura y a fait cependant son retour au cinéma, avec La vengeance est à moi (1979) et Eijanaika (1981). De temps à autre, la compagnie s'efforce de produire des films de prestige, tels Shinran ou le chemin vers la pureté, réalisé par l'acteur Rentaro Mikuni (1987), l'Aiguillon de la mort (K. Oguri, 1990), Sonatine (Takeshi Kinato, 1993), les Fleurs de Shanghai (Hou Hsiao-hsien, 1998) ou Tabou (Nagisa Oshima, 2000), tout en maintenant une production commerciale visant le seul public local.

SHOMIN-GEKI (littéralement « film du bas peuple »).

Terme désignant, au Japon, le genre de films traitant de la vie et du monde du petit peuple : Gosses de Tokyo (Y. Ozu, 1932) ou Okasan (M. Naruse, 1952) sont des exemples de shomin-geki, genre tombé en désuétude depuis le développement économique et les transformations sociales au Japon.

SHORE (Howard)

compositeur américain d'originecanadienne (Toronto 1947).

Qui aurait pu prévoir que le directeur musical du spectacle télévisé mythique et loufoque Saturday Night Live deviendrait un des meilleurs compositeurs de musique de film de sa génération ? D'autant que son style est sérieux, sombre, volontiers menaçant. Ces qualités frappèrent David Cronenberg, qui l'a beaucoup sollicité (Scanners, 1981 ; Videodrome, 1983 ; la Mouche, 1986 ; Faux-semblants, 1988 ; le Festin nu, 1991 ; Crash, 1997 ; EXistenZ, 2000). Howard Shore semble aimer les expériences insolites et les créateurs originaux : Jonathan Demme (le Silence des agneaux, 1991, dont les accords sont proprement terrifiants ; Philadelphia, 1993), Tim Burton (Ed Wood, 1994), James Gray (The Yards, 2000) et même Arnaud Desplechin (Esther Kahn, id.).