Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
I

IVENS (Joris) (suite)

Originaire d'un pays terraqué, Ivens a toujours placé ses films sous le signe des quatre éléments (la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu). Il a su harmonieusement faire coexister en lui le poète et le militant. Pédagogue chaleureux, il a formé dans tous les pays des élèves, amis plutôt que disciples. Il les a associés à son travail et il leur a communiqué son opiniâtreté et sa soif de justice sociale. Ivens n'est sans doute pas un documentariste « analytique » ; il faut voir en lui le témoin de l'espoir révolutionnaire et non l'hagiographe servile d'idéologies « progressistes » sujettes à tous les déviationnismes, pour ne pas dire à tous les parjures. Ses films (qui baignent parfois dans un climat de générosité idéologique proche de l'utopie) restent des documents de première main sur l'histoire de notre siècle.

À 90 ans il part en Chine avec Marceline Loridan tourner Une histoire de vent qui sera son dernier film et dont il sera également l'interprète : l'histoire d'un vieil homme qui veut filmer le vent. Cette œuvre lyrique et onirique est également un hommage émouvant à toutes les possibilités du cinéma pour filmer l'infilmable. Il est l'auteur d'une autobiographie (la Caméra et moi, 1969).

Autres films :

la Flèche ardente / la Hutte (Brandende Straal De Wigwam, Pays-Bas, CM, 1911) ; les Brisants (Branding, PB, CM, 1929) ; les Patineurs (Schaatsen rijden, PB, CM ; id.) ; Moi Film (Ik-Film, PB, CM , id.) ; Nous bâtissons (Wij Bouwen, PB, 1929-30) ; Congrès du N. V. V. (N. V. V. Congres, PB, id.) ; Journée de la jeunesse (Jeug ádag, PB, CM, id.) ; Arm Drenthe (CM, PB, id.) ; V. V. V. C. Journal (CM, PB, 1930-31) ; De Tribune Film (Breken en Bouwen, PB, id.) ; Notre front russe (Our Russian Front, US, CM, 1941) ; Alarme ! branle-bas de combat (Action Stations !, CAN, MM, 1943) ; la Course de la paix Varsovie-Berlin-Prague (Wyscig Pokoju Warszawa-Berlin-Praga, POL-RDA, MM, 1952) ; 600 Millions avec vous (CM, Chine, 1958) ; le Petit Chapiteau (CM, Chili-FR, 1963) ; le Train de la victoire (CM, Chili, 1964) ; Rotterdam-Europort (CM, PB, 1966) ; Loin du Viêt-nam (CO A. Resnais, J. L. Godard, W. Klein, C. Lelouch, A. Varda, 1967) ; Rencontre avec le président Ho-Chi-Minh (CM, Viêt-nam, 1970) ; les Kazaks — minorité nationale — Sin Kiang (MM, Chine-FR ; CO M. Loridan, 1973-1977) ; les Ouigours — minorité nationale — Sin Kiang (CM, Chine-FR ; CO M. Loridan, id.). ▲

IVES (Burle Icle Ivanhoe, dit Burl)

acteur américain (Hunt, Ill., 1909 - Anacortes, Wash., 1995).

Joueur de football professionnel, puis guitariste ambulant (il fait autorité en matière de country music), ce géant barbu n'est apparu à l'écran qu'en 1946 dans Smoky, de Louis King, mais a marqué de sa tonitruante présence plusieurs excellents rôles, dans À l'est d'Éden (E. Kazan, 1955), la Forêt interdite (N. Ray, 1958), la Chatte sur un toit brûlant (R. Brooks, id.), la Chevauchée des bannis (A. de Toth, 1959). Oscar du « second rôle » pour les Grands Espaces (W. Wyler, 1958), son activité cinématographique s'est beaucoup ralentie à partir des années 60. Il tourne son dernier film de cinéma en 1988 (Two Moon Junction de Zalman King).

IVORY (James)

cinéaste américain (Berkeley, Ca., 1928).

James Ivory a été un temps une curiosité : un Américain très britannique qui faisait des films en Inde. Les qualités mêmes de son cinéma découlaient de cette particularité : étranger partout, il semblait contempler d'autres mondes avec respect, émerveillement et humour. Cette distance pudique et complice était un facteur déterminant de la réussite totale de Shakespeare Wallah (1965), une sorte de détachement mais aussi de tendresse et de sensualité.

La distance étant chez lui essentielle, il a toujours été gêné par des productions de type traditionnel (le Gourou, 1969 ; The Wild Party, 1975) qui brimaient son dilettantisme. Mais, après quelques productions indépendantes comme Bombay Talkie (1970) ou Autobiographie d'une princesse (Autobiography of a Princess, 1975), il a trouvé un équilibre précaire. Il ne réussit pas tous ses films et la nonchalance de l'approche risque quelquefois de devenir froideur : les Européens (The Europeans, 1979). Mais il reste original et sans concession : Jane Austen in Manhattan (1980) est un film étrange, qui ne ressemble à rien si ce n'est à un Shakespeare Wallah transposé dans un monde moderne ausi dépaysant que l'Inde. Quartet (1981), en revanche, est plus personnel et secret dans sa peinture des intellectuels anglo-saxons perdus dans le Paris de 1927 ; tout comme Chaleur et Poussière (Heat and Dust, 1983), nouvelle variation sur le thème de la confrontation entre l'Orient et l'Occident à travers la vie de deux jeunes Anglaises que l'Inde envoûte également, totalement, à six décennies d'écart. Son œuvre la plus méconnue est Roseland (1977) : Ivory y trouvait sa dimension véritable dans le format de la nouvelle cinématographique. La concision y affûtait ses qualités : direction d'acteurs souple, mélange de cruauté et d'émotion, imagerie finement ciselée. Poursuivant ses études de caractères, attentif aux mésalliances dues aux conventions sociales (Chambre avec vue , 1985), aux tourments de l'homosexualité face aux interdits de la société victorienne (Maurice, 1987), à la peinture des milieux artistiques de Manhattan (Esclaves de New York , 1989) ou à celle de l'Amérique « profonde » des années 30 (Mr. and Mrs Bridge, 1990), Ivory s'impose comme un cinéaste original, imprégné de culture européenne et indienne mais capable d'analyser au plus tranchant les mœurs de ses compatriotes. Son succès quitte la confidentalité avec Retour à Howards End (Howards End, 1992) et les Vestiges du jour (Remains of the Day, 1993) et le couple populaire formé par Anthony Hopkins et Emma Thompson. Ces films ne sont pourtant que le prolongement de ses œuvres antérieures. Ainsi institutionalisé, Ivory perd de sa désinvolture et se fige dans une forme d'académisme (Jefferson à Paris, Jefferson in Paris, 1995 ; Surviving Picasso, id., 1996) mais peut de temps à autre retrouver sa sensibilité (La Fille d'un soldat ne pleure jamais, A Soldier's Daughter Never Cries, 1998) ou son élégance (la Coupe d'or, The Golden Bowl, 2000). Il faut impérativement lui associer ses fidèles collaborateurs : le producteur Ismail Merchant et la scénariste Ruth Prawer-Jhabvala (la romancière de Chaleur et Poussière).