Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
P

PASTERNAK (Joseph, dit Joe) (suite)

De retour aux États-Unis en 1936, après un crochet par Vienne et Budapest, Pasternak ramène avec lui Henry Koster. Il confie à celui-ci la réalisation du premier film de Deanna Durbin : Trois Jeunes Filles à la page, dont le succès commercial sauve l'Universal de la faillite. Il connaît avec le tandem Durbin-Koster plusieurs autres réussites (Deanna et ses boys, 1937 ; Premier Amour, 1939 ; Three Smart Girls Grow Up, id.), aide Marlene Dietrich à trouver un nouveau public : Femme ou Démon (G. Marshall, 1939), la Maison des sept péchés (T. Garnett, 1940), et, en 1942, entre à la MGM, où il mènera pendant vingt ans une riche carrière dans le musical populaire : Parade aux étoiles (G. Sidney, 1943), Escale à Hollywood (id., 1945), Féerie à Mexico (id., 1946), le Souvenir de vos lèvres (R. Thorpe, 1947), Sur une île avec vous (id., 1948), le Bandit amoureux (L. Benedek, id.), la Jolie Fermière (Ch. Walters, 1950), le Grand Caruso (Thorpe, 1951), Désir d'amour (Walters, 1953), la Fille de l'amiral (R. Rowland, 1955), les Pièges de la passion (Ch. Vidor, id.), Viva Las Vegas (Rowland, 1956), la Plus Belle Fille du monde (Walters, 1962), etc.

PASTRONE (Giovanni)

cinéaste et producteur italien (Montechiaro d'Asti 1882 - Turin 1959).

Giovanni Pastrone découvre le cinéma à l'âge de 25 ans en entrant comme comptable à la société Carlo Rossi & Cie qui vient d'être fondée à Turin en 1907. Dans ces années, une trentaine de films sont produits et distribués en Italie et à l'étranger. Des difficultés financières conduisent à la liquidation de l'entreprise et à son rachat par l'ingénieur Carlo Sciamengo et par Pastrone lui-même : les deux hommes changent l'appellation de la société qui devient en mars 1908 l'Itala Film. La nouvelle firme s'impose très vite aux côtés de l'Ambrosio et de la Cines comme le troisième pilier de l'industrie italienne. Pastrone devient le principal responsable de la société : il coordonne et supervise le choix des sujets et l'écriture des scénarios, il contrôle l'engagement des comédiens, faisant par exemple venir à Turin André Deed pour y interpréter la série des Cretinetti (1909-1911). Il suit souvent les tournages, passant lui-même quelquefois à la mise en scène. Il dirige ainsi trois films en 1909, Il conte Ugolino, Enrico III, Giulio Cesare, films dans lesquels il commence à rompre le cadre fixe de l'image frontale par des panoramiques latéraux. Après Agnese Visconti en 1910, La Chute de Troie en 1911 et un film policier, Più forte che Sherlock Holmes, en 1913, il signe en 1913-1914 l'œuvre la plus célèbre de l'Itala Film, Cabiria.

Cabiria a donné lieu à un gros travail de documentation : Pastrone visite à Paris en 1912 l'exposition de la civilisation carthaginoise. La construction des décors se fait en tenant compte des ressources de l'histoire de l'art. En juin 1913, D'Annunzio accepte, moyennant une solide rétribution, d'assumer la paternité artistique du film. Le tournage occupe une bonne partie de l'année 1913, il mobilise plusieurs équipes et met en jeu une foule de figurants, sans compter les chevaux et les éléphants. En mars 1914, le film est terminé. Il a coûté un million de lires alors que le devis moyen d'une production est de 50 000 lires. Parmi les nombreuses innovations techniques, on note l'apparition du travelling : à de multiples reprises la caméra avance ou recule dans le champ pour modifier le point de vue et pour mieux faire sentir l'ampleur des décors construits en dur et non selon la technique des toiles peintes. Cabiria marque le triomphe des grandes superproductions en costumes. Le film mélange des éléments proprement historiques – les guerres puniques mettant en présence Scipion l'Africain et Hannibal – avec des éléments de pure imagination, notamment le personnage de Maciste. Interprété par un ancien docker du port de Gênes engagé pour sa force physique, Bartolomeo Pagano, Maciste incarne le « bon géant » redresseur de torts, sorte de compromis entre Samson et Hercule.

En homme avisé à l'écoute des goûts des spectateurs, Pastrone oriente l'Itala vers les films de divas. Il tourne lui-même Le Feu en 1915 et Tigresse royale en 1916, deux œuvres parmi les plus typiques du cinéma magnifiant la figure de la femme fatale dans le cadre de drames passionnels aux résonances dannunziennes. Pina Menichelli, au jeu hiératique antinaturaliste par opposition à la gestuelle frénétique de son partenaire Febo Mari, resplendit dans des toilettes insolites notamment dans Le Feu en femme hibou dont le chapeau aux ailes déployées masque la chevelure ou en femme serpent le corps étroitement moulé dans un voile impudique lorsqu'elle pose pour un peintre.

Après la guerre, Pastrone tourne encore deux films, Le Patron des ferrières (co-réal. Eugenio Perego) en 1919 et Heda Gabler en 1920 avant que l'Itala, qui a rejoint l'Union Cinématographique Italienne, ne soit entraînée par l'organisme fédérateur des producteurs transalpins dans la débâcle du cinéma italien.

PATHÉ (Charles)

industriel et producteur français (Chevry-Cossigny 1863 - Monaco 1957).

Il fut le grand entrepreneur de spectacles du cinéma muet, s'imposant comme le plus inventif et le plus audacieux des « marchands de pellicule ». Il peut s'en targuer sans exagération dans son autobiographie De Pathéfrères à Pathécinéma : « J'ai toujours su ce que je voulais et j'ai toujours voulu ce qui était le plus facilement réalisable et le plus avantageux pratiquement. Je n'ai pas inventé le cinéma, mais je l'ai industrialisé. » Comme Léon Gaumont, d'un an son cadet, auquel il ouvrit la voie, il fonda un empire, plus fragile peut-être, plus menacé par la surenchère des « margoulins ». Il est frappant de constater que le règne de ces deux magnats de l'industrie du film suit une courbe parallèle : prise de pouvoir en 1895, apogée entre 1907 et 1916, déclin dans les années 20, abdication en 1929, restauration au parlant avec des fortunes diverses. Sans trop vouloir les comparer, on pourra dire que Gaumont a incarné un certain « esprit » du cinéma, tandis que Pathé peut en revendiquer l'extension concrète, la robuste et durable infrastructure.