Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
F

FÉLIX (María de los Angeles Félix Guereña, dite María)

actrice mexicaine (Alamos, Sonora, 1914).

Ses débuts au cinéma datent de 1942, avec un rôle dans El peñón de las ánimas (M. Zacaŕıas). Avec son interprétation, en 1943, de Doña Bárbara de Fernando de Fuentes, elle s'impose dès ses débuts comme une des plus grandes stars du cinéma de langue espagnole des années 40. On retrouve sa silhouette élégante dans de nombreux films mexicains, dont : La monja alférez (E. Gómez Muriel, 1944) ; la Femme de tout le monde (La mujer de todos, J. Bracho, 1946) ; Enamorada (E. Ferńandez, id.) ; Maclovia (id., 1948) ; la Femme cachée (La escondida, R. Gavaldón, 1956) ; Sonatas (J. A. Bardem, 1959) ; La fièvre monte à El Pao (L. Buñuel, 1960). Vedette de renom, sa forte personnalité de femme à la fois passionnée et obstinée lui ouvre les portes du cinéma international. Elle tourne en Espagne (Mare Nostrum, R. Gil, 1948), en Italie (Messaline, C. Gallone, 1951) et en France (French Cancan, J. Renoir, 1954 ; la Belle Otéro, R. Pottier, id. ; Les héros sont fatigués, Y. Ciampi, id.).

FELLINI (Federico)

cinéaste italien (Rimini 1920 - Rome 1993).

D'abord attiré par le journalisme — il rêve de devenir grand reporter —, Fellini, après une enfance et une adolescence passées dans un milieu familial petit-bourgeois, quitte sa Rimini natale pour Florence en 1938. Après quelques mois passés dans la cité toscane (il travaille chez l'éditeur Nerbini et collabore au périodique satirique 420), il arrive à Rome au printemps de 1939 et réussit à se faire engager dans un hebdomadaire humoristique de grand tirage, le Marc'Aurelio. À partir de juin 1939, il collabore régulièrement à ce journal, écrivant de nombreux articles jusqu'en 1942 et dessinant de nombreuses vignettes. Ce talent de caricaturiste est demeuré vivace et il n'est pas rare que les personnages des films trouvent leur première forme sous le crayon de l'ancien dessinateur. C'est dans le milieu journalistique que Fellini rencontre le cinéma : il participe avec toute la rédaction du Marc'Aurelio à l'invention de gags pour les premiers films de Macario. Dans cette période, l'amitié avec Aldo Fabrizi est décisive : le populaire acteur romain fait participer Fellini aux scénarios d'Avanti c'è posto (1942) et Campo de'fiori (1943), de Mario Bonnard, et du Diamant mystérieux (L'ultima carrozzella, id.) de Mario Mattoli. À cette même époque, Fellini fait la connaissance de Rossellini à l'ACI, une société de production qui a engagé le futur cinéaste au bureau des sujets. Fellini écrit également des textes pour des émissions radiophoniques : une des interprètes des sketches est Giulietta Masina (Fellini l'épouse à la fin de 1943). En juin 1944, Rome est libérée par les Américains. Fellini ouvre une boutique de caricaturistes pour les soldats de l'US Army ; c'est là que Rossellini vient le chercher pour collaborer à un projet de court métrage. En quelques semaines, le projet se transforme : Rossellini, Fellini et Amidei écrivent le scénario de Rome ville ouverte (1945). La collaboration avec Rossellini va durer pendant plusieurs années (Paisà, 1946 ; le Miracle, 1948 ; Onze Fioretti de François d'Assise, 1950 ; Europe 51, 1952). Elle est fondamentale, dans la mesure où elle fait prendre conscience à Fellini que le cinéma peut parvenir à la même personnalisation de l'expression que l'écriture ou le dessin. Fellini a trouvé sa voie : le cinéma comme moyen d'exprimer un univers personnel remplace toute autre forme de création. Fellini collabore aussi avec Germi, mais c'est à partir des scénarios écrits pour Lattuada que va venir la première mise en scène. Après le Crime de Giovanni Episcopo (1947) et Sans pitié (id.), Lattuada et Fellini réalisent ensemble les Feux du music-hall (1950). Dès ce premier film, dont il est l'auteur du sujet, Fellini porte sur l'écran un monde de réminiscences autobiographiques vécues ou rêvées, qui constituera un des filons les plus riches de tout l'œuvre à venir. Après Courrier du cœur (1952), digression attendrie sur le milieu des confectionneurs de romans-photos et sur la fascination qu'exerce un histrion sur une jeune mariée écervelée, les Vitelloni (1953) impose définitivement l'univers fellinien. Bâti sur les souvenirs d'une adolescence provinciale, le film jette un regard nostalgique et glacial sur un groupe de jeunes gens englués dans leur médiocrité. Les films suivants confirment sa puissance créatrice. Après sa collaboration au film à sketches imaginé par Zavattini, l'Amour à la ville (1953), Fellini tourne successivement La strada (1954), Il bidone (1955), les Nuits de Cabiria (1957). De la pauvre fille ballottée sur les routes par un saltimbanque irresponsable à la prostituée candide honteusement trompée par un homme qui n'en avait qu'à son argent, non à son amour, en passant par l'escroc vieillissant qui meurt abandonné par ses complices alors qu'il tentait de retrouver le respect de soi-même, se définit un univers de la détresse humaine, une détresse sans issue sinon une espérance chrétienne fréquemment présente sous les traits de la grâce qui, à l'improviste, frappe les cœurs les plus endurcis. Dans ces années, Fellini écrit ses scénarios avec Tullio Pinelli et Ennio Flaiano : sans rien retrancher au génie de l'auteur de La strada, l'apport de ces deux hommes et surtout de Flaiano est essentiel. On peut d'ailleurs distinguer, dans la filmographie de Fellini, une période Flaiano, qui va jusqu'à Juliette des esprits, et une période Bernardino Zapponi — le nouveau scénariste —, qui commence avec le sketch d'Histoires extraordinaires (1968) et qui dure jusqu'à nos jours, collaboration interrompue seulement pour Amarcord (scénario écrit avec Tonino Guerra). À y regarder de près, la période Fellini-Flaiano présente des différences sensibles avec la période Fellini-Zapponi. En 1959, la réputation de Fellini devient encore plus grande avec l'énorme succès de La dolce vita (Palme d'or au festival de Cannes en 1960). À travers un personnage (interprété par Marcello Mastroianni), clairement donné comme le double du cinéaste, Fellini se livre à une sorte de radiographie de la société romaine mise en scène dans ses turpitudes. L'amertume du propos n'est ici tempérée que par le visage angélique de Valeria Ciangottini. Le film est par ailleurs un spectacle de près de trois heures, qui suscite lors de son exploitation commerciale des accusations de scandale et de blasphème. Après l'intermède de Boccace 70 (1962), qui permet à Fellini de régler ses comptes avec le moralisme des bien-pensants, Huit et demi (1963) développe de nouvelles variations sur le double fellinien (toujours interprété par Mastroianni) : l'auteur livre avec impudeur ses angoisses et ses incertitudes de créateur, ses fantasmes œdipiens, sa solitude et ses frustrations sexuelles (le rapport qu'il entretient avec les femmes est à la fois boulimique et empreint de culpabilité). Comme dans les films antérieurs, la pureté est inaccessible et prend les traits évanescents de Claudia Cardinale toute de blanc vêtue. Après les grandes réussites que constituent La dolce vita et Huit et demi, Fellini traverse une période stylistiquement et thématiquement incertaine. Juliette des esprits (1965) est un inventaire un peu artificiel des rêves, des espérances, des cauchemars d'un personnage féminin en qui se retrouvent une fois de plus les obsessions de l'auteur. Le sketch Toby Dammit de Histoires extraordinaires (1968) ne s'élève guère au-dessus d'un exercice brillant inspiré d'un conte de Poe. Bloc-Notes d'un cinéaste (1968), tourné pour la télévision, évoque un film resté à l'état de projet et introduit les préparatifs du film à venir, le Satyricon. Redevenant pleinement maître de ses moyens, Fellini oriente alors son travail vers un sujet moins directement personnel ; il met en scène, avec le Satyricon (1969), une Antiquité décadente vue comme le reflet exacerbé de notre propre décadence. Dans un film qui foisonne en images baroques ou fantastiques, le cinéaste parcourt un champ de l'imaginaire qu'il défrichera également dans les films suivants : de plus en plus s'imbriquent notations réalistes, images mentales, projections dans le passé, visions futuristes (Roma, 1972 ; Casanova, 1976 ; Répétition d'orchestre, 1978). C'est toutefois dans une veine plus nostalgique (les Clowns, 1970 ; certains moments de Roma, 1972 ; Amarcord, 1973) qu'il retrouve son inspiration la plus authentique, celle liée à des souvenirs d'enfance qui, dans leur singularité, n'en atteignent pas moins à l'universel. Dans une humanité caricaturale parmi laquelle se range le cinéaste lui-même, l'angoisse du temps qui passe masque son agression sous les déguisements du ridicule ou du grotesque. À nouveau secondé par son acteur fétiche Mastroianni, son double vieillissant, Fellini aborde, avec la Cité des femmes (1980), aux rives d'un continent de plus en plus indéchiffrable. Échappant au harem, accédant à une autonomie qui ne relève plus de la virginité, de la maternité ou de la prostitution, la femme renvoie le cinéaste à ses angoisses et à sa solitude. Et vogue le navire reprend d'une certaine manière les thèmes du Satyricon et de Casanova. En mettant en scène une étrange cérémonie funéraire, Fellini évoque la fin d'un monde qui se dissout dans des visions fulgurantes. Grand homme de spectacle, inventeur de formes luxuriantes, visionnaire sachant saisir la dimension onirique des êtres et des choses, Fellini, sous ses oripeaux de magicien de l'écran, contemple le crépuscule de notre univers. Chez lui, face à l'angoisse du présent, le retour aux rives apaisantes du souvenir et de l'enfance est une tentative désespérée pour échapper à la vieillesse et à la mort. Car, à y bien regarder, il plane une atmosphère mortuaire sur tous les films de Fellini.