Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SCHLESINGER (John) (suite)

Cinéaste éclectique, Schlesinger continue à réaliser des documentaires (épisode The Longest, dans Visions of Eight, sur les jeux Olympiques de Munich, 1973). Il s'est aussi essayé à la mise en scène d'opéra. Il a réalisé pour la BBC An Englishman Abroad (1983), remarquable évocation de l'espion britannique Burgess, puis à Hollywood le Jeu du faucon (The Falcon and the Snowman, 1984), également inspiré par le monde des services secrets. En 1987, il décrit, en utilisant les recettes du thriller, l'Amérique gangrenée par les sectes et le surnaturel : les Envoûtés (The Believers). Puis, de retour dans son pays natal, taille un rôle à sa mesure pour Shirley MacLaine, celui d'un professeur de piano possessif et exclusif qui tente d'inculquer les valeurs culturelles occidentales à son jeune élève d'origine indienne (Madame Sousatzka, 1988). Il semble cependant s'installer aux États-Unis où son travail est maintenant très inégal, allant du thriller efficace (Fenêtre sur le Pacifique, Pacific Heights, 1990) au véhicule impersonnel aux mesures de Madonna (Un couple presque parfait [The Next Best Thing], 2000), en passant par un douteux plaidoyer pour l'autodéfense (Au-delà des lois, An Eye for an Eye, 1996) et quelques films de peu de relief : The Innocent (1993), Cold Confort Farm (1996). ▲ 

SCHLÖNDORFF (Volker)

cinéaste allemand (Wiesbaden 1939).

Né dans une famille de médecins, il fait ses études en France à partir de quinze ans. Après s'être formé à l'IDHEC, il devient assistant réalisateur de Jean-Pierre Melville, Alain Resnais et surtout Louis Malle, de 1960 à 1965. C'est en Allemagne fédérale, toutefois, qu'il tourne son premier film, Wen Kummert's (1965), un court métrage qui sera immédiatement interdit en France car il évoque la guerre d'Algérie. Bénéficiant des premières mesures adoptées en Allemagne pour aider le cinéma d'auteur, il adapte et met en scène un roman de Robert Musil, les Désarrois de l'élève Tœrless (Der junge Törless, 1966). Primé au festival de Cannes, c'est un des films qui affirment le renouveau du cinéma d'outre-Rhin. Le succès qu'il remporte permet à son auteur de réaliser presque immédiatement un deuxième long métrage : Vivre à tout prix (Mord und Totschlag, 1967), qui n'échappe pas aux concessions malgré l'âpreté du scénario. Après Un moment bizarre (Ein unheimlicher Moment, id.), primitivement destiné à être un film à épisodes et distribué en court métrage trois ans plus tard, il tourne Michael Kohlhaas, le rebelle (Michael Kohlhaas, 1969), d'après une nouvelle de Kleist. C'est l'histoire d'un maquignon du XVIe siècle qui se révolte contre le féodalisme. Ce film préfigure la Soudaine Richesse des pauvres gens de Kombach (Der plötzliche Reichtum der armen Leute von Kombach, 1970), où Volker Schlöndorff adapte des événements historiques précis : l'attaque d'un collecteur d'impôts par des villageois vers l'année 1820. Le récit est d'une grande rigueur, la mise en scène toujours maîtrisée, et l'analyse historique s'accompagne d'une réflexion profondément humaine sur la logique de la révolte et de la répression. Animé par la volonté de démystifier les idylles rurales qui encombrent l'histoire du cinéma allemand, ce film est un de ceux qui ont créé ce qu'on a appelé le « nouveau Heimatfilm » ou « Heimatfilm critique ».

Depuis 1969, les films de Schlöndorff sont généralement produits par la société qu'il a créée avec Peter Fleischmann, Halleluyah Film. Le contexte allemand des années 1968-1974, peu favorable au cinéma d'auteur, le conduit à travailler pour la télévision, avec notamment une adaptation de Baal d'après Brecht, où le rôle principal est tenu par Fassbinder. Le film le plus important de cette période est Feu de paille (Strohfeuer, 1972), écrit en collaboration avec Margarethe von Trotta, qui est devenue son épouse. Simple chronique en apparence, c'est une œuvre qui dévoile les mécanismes d'oppression de la femme par l'homme.

En 1973, associé à Reinhard Hauff, il crée une nouvelle société de production, Bioskop Film. Le premier film qu'il tourne pour cette société est l'Honneur perdu de Katharina Blum (Die verlorene Ehre der Katharina Blum, 1975), écrit et réalisé en collaboration avec Margarethe von Trotta. Conçu pour dénoncer la presse à sensation et des méthodes policières en contradiction avec les principes d'un État libéral, le film veut convaincre, et abandonne l'ironie et la distance du récit de Böll dont il est l'adaptation. Il rencontre en Allemagne un succès exceptionnel. Le Coup de grâce (Der Fangschuss, 1976) repose sur des principes opposés. Tourné en noir et blanc, sans passion malgré la force romanesque du livre d'origine (signé Marguerite Yourcenar), c'est une œuvre austère et rigoureuse qui semble contredire la réputation de cinéaste à succès que Volker Schlöndorff est en train d'acquérir.

Désormais, le cinéaste partage ses activités entre des films à budget confortable qui rencontrent un large public et des films de témoignage politique qui sont autant d'interventions sur la scène politique. En 1977-78, il est un des artisans de la réussite de l'Allemagne en automne (Deutschland im Herbst) auquel collaborent onze autres scénaristes et cinéastes. Il a dirigé avec Alexander Kluge les séquences de reportage et réalisé l'épisode Antigone écrit par Heinrich Böll. Avec Kluge, Stefan Aust et Alexander von Eschwege, il tourne le Candidat (Der Kandidat, 1980), qui, à partir d'un portrait quelque peu polémique d'un politicien de droite (Franz Josef Strauss), s'érige en une véritable analyse de la vie politique en Allemagne fédérale depuis 1945. Toujours avec Kluge, et en compagnie d'Axel Engstfeld, Stefan Aust et Heinrich Böll, il signe en 1983 Guerre et Paix (Krieg und Frieden), illustrant de manière percutante le problème de la paix et de la guerre atomique.

Le Tambour (Die Blechtrommel, 1979), dont l'esprit est très fidèle à celui du livre de Günter Grass, a été l'un des plus grands succès du cinéma allemand. Le film remporte la Palme d'or au festival de Cannes et l'Oscar du meilleur film étranger à Hollywood. Après le Candidat (Der Kandidat, CO A. Kluge et Stefan Aust), Schlöndorff réalise le Faussaire (Die Fälschung, 1981), d'après le livre de Nicolas Born la Falsification. Tournée à Beyrouth, l'œuvre évoque le désarroi provoqué par un conflit absurde, et, d'une certaine manière, c'est un film sur la fin des idéologies. Le cinéaste, bénéficiant de moyens importants et de la participation d'acteurs célèbres, tente l'impossible exploit de restituer l'univers de Marcel Proust à l'écran et adapte Un amour de Swann, réalisé en France en 1983. Il adapte en 1985 Mort d'un commis voyageur (Death of a Salesman), offrant un rôle de premier plan à Dustin Hoffman. Le style adopté par Schlöndorff est très différent de la version tournée en 1951 par László Benedek avec Fredric March dans le rôle principal. Le huis-clos reste relativement lent et théâtral mais fait davantage appel à l'environnement psychanalytique des personnages.