Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
R

RINA (Italina Tamara Kravanja dite Ita)

actrice italienne d'origine slovène (Divača 1907 - Budva, Yougoslavie, 1979).

Lauréate d'un concours de beauté en 1926, elle obtient un contrat pour apparaître dans quelques films allemands. Elle est alors remarquée par le réalisateur tchèque Gustav Machaty qui lui offre d'interpréter Erotikon (1929). Le scénario du film à la fois très simple et très osé pour l'époque propulse Ita Rina au rang d'une star internationale. Un rôle qui ne lui convient pas réellement mais qu'elle assume dans Hariba (Joseph Medeotti-Boháč, id.), Der Walzerkönig (Manfred Noa, 1930), Wellen der Leidenschaft (Vladimir Gaïdarov, id.). Sa prestation la plus sensible et la plus émouvante est sans aucun doute celle de Tonischka (Tonka Sbenice, K. Anton, id.) où elle est une prostituée qui accepte d'exaucer le dernier désir d'un condamné à mort. Cette insolite et délicate nuit d'amour sera à la fois le point d'orgue et le chant du cygne de la carrière d'Ita Rina qui se marie et fait ses adieux au cinéma. On la reverra pourtant quelques années plus tard dans des rôles secondaires et en 1960 dans la Guerre du cinéaste yougoslave Veljko Bulajic sur un scénario de Zavattini.

RIO (Maria Dolores Asunsolo López, dite Dolores del)

actrice mexicaine (Durango 1904 - New Port Beach, Ca., 1983).

Belle, fragile, au regard attendrissant, elle commence sa carrière à Hollywood dans les rôles habituellement dévolus aux comédiens exotiques. Elle est alors plus « latine » que nature, quand elle n'est pas... « indienne » avec tresses. Après Joanna (Edwin Carewe, 1925), par quoi elle débute, elle joue notamment dans Resurrection (1927), Ramona (1928) et Evangeline (1929), du même réalisateur, ainsi que sous la direction de Raoul Walsh (Au service de la gloire, 1926 ; The Loves of Carmen, 1927 ; The Red Dance, 1928). Elle atteint les cimes du star-system avec le parlant. Elle devient polynésienne (l'Oiseau du paradis, K. Vidor, 1932), brésilienne dans un musical où elle tient la vedette devant Ginger Rogers et Fred Astaire, Carioca (Flying Down to Rio, Thornton Freeland, 1933), voire française (Madame du Barry, W. Dieterle, 1934), mais elle possède alors une sophistication et une sensualité que le cinéma américain sublime volontiers à travers le musical (Wonder Bar, L. Bacon, 1934 ; I Live for Love, B. Berkeley, 1935). Si Garbo est la femme devenue déesse, Dolores del Rio est, selon Carlos Fuentes, une déesse qui se fait femme. Elle retrouve ses tresses et les archétypes indigènes auprès de ses compatriotes Emilio Fernández (l'Ouragan et Maria Candelaria, 1943, parmi d'autres) et Ismael Rodríguez (La cucaracha, 1958), ainsi que de John Ford (les Cheyennes, 1964). Elle frémit aussi dans un médiocre thriller de Welles et Foster (Voyage au pays de la peur, 1942) et dans les mélodrames de Roberto Gavaldón (Double Destinée, 1946) et Alejandro Galindo (Doña Perfecta, 1950). Elle arrive ainsi à étendre sa carrière sur une quarantaine d'années.

RIO JIM.

Personnage de western incarné dès 1914 par William S. Hart ( ) dans la Capture de Rio Jim (The Bargain), tourné par Reginald Barker sur un scénario de C. Gardner Sullivan. Rio Jim, « le cow-boy aux yeux clairs », « l'homme au regard d'acier », devient très vite une figure typique des productions de Ince, et de la Triangle (1915-1917), de la Paramount Artcraft (que dirige Adolphe Zukor), puis de la William S. Hart Company (1920-1924). Lambert Hillyer, Clifford Smith, après Barker, et Hart lui-même dirigent ces bandes de trois, quatre, puis de six bobines, dont plusieurs sont heureusement conservées. Le détail vrai, la photogénie des paysages ajoutent à la « vérité » de Rio Jim, dont la psychologie (souvent amère) évite le manichéisme.

RIPLEY (Arthur)

scénariste et cinéaste américain (New York, N. Y., 1895 - Los Angeles, Ca., 1961).

Entré dans la profession à quatorze ans, il est d'abord monteur puis devient, chez Mack Sennett, un des plus célèbres gagmen, travaillant notamment sur les longs métrages de Harry Langdon, auprès duquel son rôle semble avoir été déterminant. Il passe à la réalisation en 1938, en cosignant avec Joshua Logan I Met My Love Again. Il n'est l'auteur que de quelques films qui sont d'ailleurs assez remarquables. Retenons l'Évadée (The Chase, 1946), qui adaptait avec une heureuse incohérence un beau roman de William Irish et qui se tirait adroitement d'une redoutable distribution : Robert Cummings, Peter Lorre, Michèle Morgan et Steve Cochran.

RIPPERT (Otto)

cinéaste allemand (Offenbach 1868 - Berlin 1940).

Auteur d'un premier film à épisodes, Nick Carter (1910), il doit la célébrité à son serial Homunculus (1916), dont le héros est un monstre créé par un savant, et qui devient dictateur d'un grand pays ; le film préfigure de façon surprenante l'arrivée du nazisme. Après cette œuvre prémonitoire, il tourne de nombreux autres films dont : la Peste à Florence (Die Pest in Florenz, 1919), la Femme à l'orchidée (Die Frau mit den Orchideen, id.), Die brennende Kugel (1923).

RIPSTEIN (Arturo)

cinéaste mexicain (Mexico 1943).

Fils du producteur Alfredo Ripstein Jr., il fréquente très jeune les studios, mais attribue sa vocation à Bũnuel, dont il a été l'assistant. Tiempo de morir (1965), son premier film, écrit par Gabriel García Márquez et Carlos Fuentes, concilie les codes du western et la volonté de renouvellement, sensible dans la fébrilité de la caméra, la recherche d'un angle original, le goût pour les ellipses et les temps morts. Enfermés dans une vengeance familiale, les personnages sont prisonniers d'obligations et d'engagements affectifs qui les dépassent. Cette « chronique d'une mort annoncée » avant la lettre inaugure une galerie de « losers ». Le Château de la pureté (El castillo de la pureza, 1972) donne un second souffle à la carrière de Ripstein, jusqu'alors hésitante entre les marges et le système. L'enfermement apparaît désormais au cœur de son œuvre. La famille, cloîtrée par un père illuminé, jaloux et autoritaire, évoque à la fois les utopies liberticides et les amours qui tuent, les liens intimes et insoupçonnés entre affect et oppression. L'auteur explore ainsi des niveaux superposés de sens et d'ambivalences. D'autres dogmes, ceux de la religion, provoquent l'infortune de la famille juive de El Santo Oficio (1973), à l'époque coloniale. Le documentaire Lecumberri (1976) décrit la principale prison du Mexique moderne. Ce lieu sans limites (El lugar sin límites, 1977), titre d'un roman de José Donoso qui se réfère à l'enfer, renvoie aux préjugés des normes sexuelles, au machisme, à l'homosexualité et à la prostitution. Le metteur en scène dialogue par la même occasion avec la tradition filmique du Mexique, où la famille résume l'alpha et l'oméga du monde connu et le noyau par excellence de sa dramaturgie. Il maintient une relation conflictuelle avec les formes, les lieux, les archétypes et les genres, tels que le thriller (Cadena perpetua, 1978), l'horreur (La tía Alejandra, id.), la farce érotique (La viuda negra, 1977) et le mélodrame, surtout à partir de sa collaboration avec la scénariste Paz Alicia Garcíadiego, sa compagne, qui partage avec lui son goût pour la lecture, de Juan Rulfo à Naguib Mahfuz. Depuis l'Empire de la fortune (El imperio de la fortuna, 1985), en effet, la fatalité du destin, les relations parents-enfants et les rapports de couple, le confinement réel ou imaginaire, les réalités sordides se prêtent à un traitement mélodramatique, nuancé par une ironie et une humanité qui retournent, comme un gant, les valeurs conventionnelles du genre. L'Empire de la fortune est une adaptation personnelle de Rulfo, plutôt qu'un remake de El gallo de oro (R. Gavaldón, 1964), très différent. Mentiras piadosas (1988) décortique sans complaisance les illusions humaines, la misère affective et la jalousie. La Femme du port (La mujer del puerto, 1991), autre faux remake (cette fois d'un classique de A. Boytler), évite l'idéalisation de la putain au grand cœur et adopte des points de vue successifs, correspondant aux divers protagonistes, pour aborder les passions, les frustrations, les truculences et les tabous du vieux cinéma mexicain, et proposer une réflexion sur l'altérité. À contre-courant de la boulimie banalisatrice des télénovelas, le style de Ripstein s'affine et maîtrise l'utilisation du plan-séquence. Tous les membres de la famille de Principio y fin (1993), chef-d'œuvre inspiré par Mahfuz, confluent vers un déchirant finale, rythmé par une percussion où semblent résonner les tambours bunuéliens de Calanda. La Reine de la nuit (La reina de la noche, 1994) reconstitue avec minutie une période clé de l'identité mexicaine et concentre le conflit sur la chanteuse Lucha Reyes et sa mère. Par la force de Ripstein, un mélo flamboyant et nocturne devient ainsi synonyme de modernité. Alors que Divine : l'Évangile des merveilles (El evangelio de las maravillas, 1998) réitère l'ambivalence envers l'utopie et le messianisme, Carmin profond (Profundo carmesí, 1996), remake des Tueurs de la lune de miel (L. Kastle, 1969), et Pas de lettre pour le colonel (El coronel no tiene quien le escriba, id.), d'après García Márquez, proposent des variations stimulantes sur la passion ou le mariage. Les nouvelles caméras numériques le rapprochent encore davantage des personnages : il tourne dans la foulée Así es la vida (2000), une Médée mise à jour, capable de concilier la dérision et la tragédie, et La perdición de los hombres (2000), qui décortique les illusions du couple avec une bonne dose d'humour noir.