Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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GÉORGIE (suite)

La littérature nationale fournit les premiers sujets de films mais on reprocha parfois aux metteurs en scène qui les signaient (Perestiani, Bek-Nazarov, Barskij) de ne pas être eux-mêmes géorgiens et de ne pouvoir ainsi rendre avec exactitude les traits dominants du caractère national. Venus du théâtre, Cucunava et Kot Mardžanišvili [Mardjanichvili] répondaient mieux aux aspirations du public, actualisant les classiques de la littérature, préoccupés par la « vérité » du jeu des acteurs qui devaient refléter les principaux traits de la société géorgienne (la Marâtre Samanišvili [Samanišvilis dedinacvavali] 1927). Leur influence eut une importance indéniable sur leurs suivants immédiats (Nikolaï Šengelaia [Chenguelaïa], Mixail Kalatozišvili [Kalatozichvili], le futur Mikhail Kalatozov). Šengelaia apporte au cinéma ses idées progressistes ((Eliso, 1929) et Kalatozišvili crée une image d'une profonde dureté humaine et en même temps, subtilement poétique dans le Sel de Svanétie (Džim Švante, 1930). À la même époque, Ma grand'mère (Čemi bebia/Moja babuška, 1929) eut le triste honneur d'être le premier film censuré puis interdit. Le réalisateur Kote Mikaberidze s'inspirant parfois de l'expressionnisme allemand fut accusé de formalisme. Cette satire dirigée contre la bureaucratie et l'esprit arriviste et petit-bourgeois avait sans doute déplu à ceux qui se reconnaissaient probablement dans les personnages dépeints avec une cruelle vérité par un cinéaste qui ne se remit jamais de cet échec (le film ne fut autorisé qu'en 1967 et reçut alors un accueil enthousiaste).

Le premier film sonore géorgien est Šakiri de Leo Esakia (1932). Mais les années 30 virent un retour en force du dogmatisme, applaudirent à la glorification sans nuances du héros positif et appliquèrent une « normalisation » peu soucieuse de l'originalité des créateurs.

Les cinéastes de l'époque muette poursuivent leur carrière (Davit Rondeli, Mixail Čiaureli [Mikhaïl Tchiaoureli], Siko Dolidze, Leo Esakia, Nikolai Šengelaia, Ivan Perestiani, Zakari Berišvili [Berichvili]) d'autres apparaissent (Konstantin Pipinašvili, Diomid Antadze) mais leurs films doivent suivre la ligne idéologique du Parti et sont encombrés d'un schématisme appauvrissant. Arsena (M. Čiaureli, 1937) quoique un tantinet théâtral demeure sans doute l'œuvre la plus réussie de ces temps difficiles où le Géorgien Staline assoit son pouvoir à Moscou (une des conséquences immédiates fut notamment le traumatisme subi par Davit Rondeli qui sur ordre de Beria dut interromptre son film le Paradis perdu (Dakarguli samotxe, 1938) échappa au châtiment suprême mais dut poursuivre sa carrière en obéissant servilement à un jdanovisme réducteur qui anihilait toute démarche orginiale.

La production est très réduite pendant les années 40 et presque entièrement consacrée aux films patriotiques, à des comédies optimistes, à des biographies simplificatrices.

Un premier souffle de liberté vient de deux anciens élèves de Youtkevitch et de Romm à l'Ecole de cinéma de Moscou : Tengiz Abuladze [Tenguiz Abouladze] et Rezo Čxeidze [Tchkeidze] : l'Ane de Magdana (Magdanas Lurdža/Lurdža Magdany) est tourné deux ans après la mort de Staline. Même si les scénarios se réfèrent à des valeurs en vogue dans un passé proche (Tchkeidze tournera en 1964 le Père du soldat [Džariskacis mama/Otec soldata] dont le traitement est certes classique mais dont certains détails montrent que la chape de plomb s'est peu à peu déchirée au-dessus des têtes des cinéastes géorgiens).

Le caractère national, enjoué, frondeur, sarcastique parfois transparaît à travers les réalisations des frères Šenguelaia (Eldar et Georgij), de Mixail Kobaxidze [Mikhail Kobakhidze], Merab Kokočašvili [Kokotchachvili], Lana Ǧoǧoberidze, Otar Iosseliani soutenu par des scénaristes inventifs comme Revaz Gabriadze. La société moderne est souvent disséquée sans ménagement. Le comique est parfois très élaboré (chez Mixail Kobaxidze par exemple).

En 1984 le Repentir (Monanieba/Pokajanie) de Tenguiz Abouladze apparaît comme un film-phare de la perestroika en s'attaquant par le biais d'une satire féroce à la dictature et en particulier à celle du couple Staline-Béria. Une génération plus jeune prend le relais à partir de ce brûlot et impose son originalité dans plusieurs festivals internationaux dans les années 90 (Irakli Kvirikadze, Nana Djordjadze, Timour Bablouani). L'isolement artistique de la Géorgie est ainsi définitivement rompu. Iosseliani, sans oublier ses racines géorgiennes, tourne le plus souvent à l'étranger. Une place à part doit être réservée à Sergueï Paradjanov qui, arménien d'origine, s'établit à Tbilissi après avoir été condamné à quelques années à la prison, tourne des œuvres d'une singulière étrangeté à la fois poétiques et symboliques, frôlant le surréalisme.

[Les noms des cinéastes ont été écrits en transcription géorgienne et russe].

GÉRALD (Gérald Cuenot, dit Jim)

acteur français (Genève 1889 - Paris 1958).

Après une jeunesse aventureuse au Far West, Jim Gérald prend contact avec le cinéma français dans les films poursuites des premières années du muet. Il va participer plus tard aux spectacles des Pitoëff et, à la même époque, jouera des rôles importants dans les films de Clair : Paris qui dort (1924), le Voyage imaginaire (1926), la Proie du vent (1927), Un chapeau de paille d'Italie (1928), les Deux Timides (1929). Il a tourné en Angleterre (la Symphonie des brigands, F. Feher, 1935) et en Allemagne. Sans essoufflement malgré son embonpoint, il paraissait encore dans Moulin-Rouge (J. Huston, 1953) et Éléna et les hommes (J. Renoir, 1956).

GERARDI (Roberto)

chef opérateur italien (Rome 1919).

Il débute comme assistant des opérateurs Carlo Montuori et Anchise Brizzi, mais il travaille surtout avec Otello Martelli. Son premier film comme chef opérateur est I colpevoli (Turi Vasile, 1957). Il travaille ensuite avec des réalisateurs comme De Santis (la Garçonnière/Flagrant Délit, 1960), Lattuada (la Novice, id. ; Don Giovanni in Sicilia, 1967), D. Damiani (l'Île des amours interdites, 1962), V. De Sica (les Séquestrés d'Altona, 1962 ; Mariage à l'italienne, 1964), P. Festa Campanile (Adulterio all'italiana, 1966 ; Il marito è mio e l'ammazzo quando mi pare, 1968), Maurizio Ponzi (Il caso Raoul, 1975), Sergio Martino (Spogliamoci così senza pudor..., 1976). Il n'a pas un style à lui mais il est capable de bien s'adapter aux visions des différents cinéastes. Il revient aux lumières essentielles de ses premiers films avec la splendide photo de Ligabue (Salvatore Nocita, 1978), qui transforme une réalité sordide en une peinture naïve.