Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DUVAL (Daniel)

acteur et cinéaste français (Vitry-sur-Seine 1944).

Formé par le court métrage, dont le très remarqué Mariage de Clovis (1968), il alterne des réalisations pour la télévision et une carrière d'acteur et réalise en 1974, avec des moyens rudimentaires, le Voyage d'Amélie, récit doux-amer de loubards convoyant le corps du mari d'une vieille dame, film très réussi annonçant son goût pour les marginaux, paumés, immigrés ou voyous en quête de devenir et d'espoir, dont il reparlera dans l'Ombre des châteaux (1977). En 1979, il adapte le best-seller de Jeanne Cordelier, la Dérobade, récit plus conventionnel sur le monde de la prostitution. Ce succès public l'amène à réaliser deux films d'amour noir l'Amour trop fort (1981) et Effraction (1983). Comme acteur, il a joué notamment dans la Décharge (J. Baratier, 1970), Que la fête commence (B. Tavernier, 1974), l'Agression (G. Pirès, 1975), le Bar du téléphone (C. Barrois, 1980) et dans certains de ses films (la Dérobade et l'Amour trop fort).

DUVALL (Robert)

acteur américain (San Diego, Ca., 1931).

Bien qu'il aborde des rôles fort divers dès ses débuts à l'écran (Du silence et des ombres, R. Mulligan, 1962), il joue le plus volontiers les leaders. Administrateur de télévision (Network, S. Lumet, 1976), éminence grise d'une famille de mafiosi (le Parrain, F. F. Coppola, 1972, et le Parrain 2e partie, 1974), ou officier mégalomane (Apocalypse Now, id., 1979), ses personnages expriment une énergie intérieure considérable. Leur diction voilée et saccadée, leur regard, fixe et intense, trahissent d'autre part une nervosité à fleur de peau. Ils affichent une détermination (THX 1138, G. Lucas, 1971), une violence rentrée (les Gens de la pluie, Coppola, id.) qui confinent à l'obsession. Pourtant il sait aussi se faire remarquer dans un contre-emploi trompeur (le chanteur paumé et alcoolique de Tender Mercies de Bruce Beresford, qui lui vaut un Oscar). Duvall possède les qualités propres aux meilleurs acteurs de composition américains : souplesse, discipline et sobriété ; il excelle à incarner les ambitieux frustrés. À quelques exceptions près (The Great Santini, Lewis John Carlino, 1979 ; Sanglantes Confessions, 1981), la plupart de ses personnages évoluent légèrement en marge de l'action, et se remarquent surtout par la note de menace ou de folie (Apocalypse Now) qu'ils apportent à l'ambiance générale du film. Il tourne notamment The Stone Boy (Christopher Cain, 1985), le Bateau-phare (Jerzy Skolimowski, 1986), Colors (D. Hopper, 1988), la Servante écarlate (V. Schlöndorff, 1990), Convicts (Peter Masterson, 1991), la Peste (L. Puenzo, 1992), Geronimo (W. Hill, 1993), le Journal (R. Howard, 1994), The Stars Fell on Henrietta (James Keach, 1995), Amour et mensonges (L. Hallström, id.), les Amants du Nouveau Monde (R. Joffé, id.).

Acteur de théâtre et de télévision réputé (il fut en 1979 le héros de la série Ike), Duvall a également réalisé trois films : le documentaire We're Not the Jet Set (1974), Angelo, My Love (1983), qui se déroule chez les Gitans d'Amérique et le Prédicateur (The Apostle, 1997), remarquable chronique de l'Amérique profonde où il interprète avec conviction le rôle principal d'un prédicateur.

DUVALL (Shelley)

actrice américaine (Houston, Tex., 1950).

Fille d'un juriste, c'est par hasard qu'elle vient au cinéma : Robert Altman, rencontré dans une soirée, lui propose un rôle dans Brewster McCloud. L'excellence de son jeu, une sensibilité originale feront d'elle une des actrices préférées d'Altman, qui, si l'on compte Kubrick et Woody Allen, est jusqu'à présent l'un des trois metteurs en scène de cinéma avec lesquels elle a travaillé. L'incongruité de son physique exagérément longiligne la prédispose aux rôles de composition, à connotation tragique aussi bien que comique (telle l'épouse de Popeye) dont le dénominateur commun paraît être une sorte de rêve éveillé, une apparente attention au réel qui n'est, tout bien considéré, qu'un regard intérieur. Les personnages incarnés par Shelley Duvall sont tous d'une inquiétante cocasserie. Mais, si ce personnage, souvent dérisoire et agaçant, est aussi attendrissant pour Altman, il semble libérer chez Kubrick une forme de misogynie exacerbée (Shining).

Films :

Brewster McCloud (R. Altman, 1970) ; John McCabe (id., 1971) ; Nous sommes tous des voleurs (id., 1974) ; Nashville (id., 1975) ; Buffalo Bill et les Indiens (id., 1976) ; Annie Hall (Caméo, W. Allen, 1977) ; Trois Femmes (Altman, id.) ; Shining (S. Kubrick, 1979) ; Popeye (Altman, 1980) ; Bandits, bandits (T. Gilliam, 1981) ; Roxane (F. Schepisi, 1987) ; Suburban Commando (B. Kennedy, 1991) ; Portrait de femme (Portrait of a Lady, J. Campion, 1996).

DUVALLÈS (Frédéric Coffinières, dit)

acteur français (Paris 1894 - id. 1971).

Il transporte au cinéma le répertoire égrillard du théâtre du Palais-Royal, dont il reste longtemps le pensionnaire notoire. Dans la grosse farce, de gros succès : Train de plaisir (L. Joannon, 1936), Tricoche et Cacolet (P. Colombier, 1938). On le voit aussi, trépidant et ahuri, dans Paris-Méditerranée (J. May, 1932), Dora Nelson (René Guissart, 1935), le Roi (Colombier, 1936). Quelques films exceptionnels : Donne-moi tes yeux (S. Guitry, 1943) ; Elena et les hommes (J. Renoir, 1956) ; Ni vu ni connu (Y. Robert, 1958) ; la Chambre ardente (J. Duvivier, 1962).

DUVIVIER (Julien)

cinéaste français (Lille 1896 - Paris 1967).

En 1919, lorsque Duvivier commence la réalisation de Haceldama, il apporte au cinéma sa réelle passion pour le théâtre. Il a été très vite tenté par les planches comme acteur et on l'a vu à l'Odéon. C'est Antoine qui lui conseille de ne pas persister dans ce rêve et l'oriente vers les studios ; ainsi Duvivier est-il engagé par la SCAGL et, à partir de sa décision bien réfléchie, il va se mettre au travail avec cette opiniâtreté et ce goût du travail bien fait qui le caractérisent et vont lui permettre de totaliser 61 films au terme d'une carrière exceptionnellement féconde. Le cinéma muet, pendant la période duquel il sacrifie un peu trop aux adaptations littéraires (son éclectisme le menant de Ludovic Halévy à Germaine Acremant et d'Émile Zola à Henri Bordeaux), lui permet, d'une part, d'assimiler au mieux la technique, d'autre part, de s'essayer à des gammes où l'on discerne déjà son doigté pour amener une scène à son paroxysme. Aussi bien Duvivier écrit-il lui-même ses scénarios — et toujours il fera l'adaptation et parfois les dialogues de ses films — et les compose-t-il en homme de théâtre qui connaît le poids et sait le prix d'une œuvre bien charpentée. Avec cela, prêt à honorer toute commande : ce qui explique les nombreux films d'inspiration catholique qui parsèment sa filmographie. Son absence évidente de foi confère à ses films une tournure mélodramatique (l'Agonie de Jérusalem, 1927 ; la Divine Croisière, 1929). Le brio qu'il apporte dans son travail et en particulier dans son maniement des foules de figurants ne parvient pas à dissimuler le vide de ses productions. Il vaut mieux retenir pour cette période le curieux essai intitulé la Machine à refaire la vie dans lequel, aidé par Henry Lepage, il esquisse en 1924, par les vertus du montage, une histoire du cinéma depuis les origines. La révolution du parlant place tout à coup Duvivier parmi les grands réalisateurs français. Il découvre en Harry Baur un acteur inspiré (de lui, il fera le pathétique et inquiétant David Golder). En même temps, il assimile et maîtrise les problèmes du son que pose l'année 1930. Il enchaîne sur un marivaudage franco-allemand : Allô Berlin, ici Paris, où il résout en souriant d'autres problèmes : ceux de la coproduction. La Tête d'un homme lui permet de décrire avec ce goût du détail sordide et fascinant qu'on retrouve dans ses meilleurs films la faune et le décor du Montparnasse d'avant-guerre. Ce réalisme cruel, envoûtant, qui se reflète dans Panique (1947) et dans Voici le temps des assassins (1956), dérive de cette aventure du commissaire Maigret. Duvivier sait tirer parti des modes cinématographiques : l'exotisme de la Légion (la Bandera, 1935), le romantisme de la pègre (Pépé le Moko, 1937), l'air du temps (la Belle Équipe, 1936), évocation douce-amère du Front populaire. Parfois même, il contribue à les lancer : ainsi celle des films à sketches dont Un carnet de bal (1937) reste le modèle. Il en retrouve la veine plus tard aux États-Unis (Lydia, 1941 ; Six Destins, 1942) et la continue encore en France (Sous le ciel de Paris, 1951 ; le Diable et les Dix Commandements, 1962). Un fragment de la vie du Christ, Golgotha (1935), réalisé avec une belle ampleur, avait attiré l'attention des Américains, qui, après le triomphe de Pépé le Moko, l'appellent à Hollywood. Il y réussit brillamment Toute la ville danse (1938), prouvant que tous les genres, y compris l'opérette viennoise, lui sont bons. En France, il bénéficie d'une haute renommée affirmée par des récompenses et un statut de cinéaste officiel à qui on confie des commandes comme Untel père et fils, tourné en 1940 aux fins de propagande. Mieux vaut se souvenir de la Fin du jour (1939), chronique sans espoir des vieux comédiens où éclate le pessimisme foncier qui, de Poil de carotte (1925 et 1932) à Pot-Bouille (1957), baigne tous ses récits. Pessimisme qui transparaît même dans un divertissement réussi comme la Fête à Henriette (1952) ou à travers les rêveries brumeuses de Marianne de ma jeunesse (1955). Seuls, les épisodes de Don Camillo (1952 et 1953) apportent un sourire ironique et bon enfant sans équivoque. La conscience et l'énergie restent les qualités majeures de celui qui a dit : « Le génie c'est un mot, le cinéma c'est un métier, un rude métier que l'on acquiert. Je n'ai pas d'illuminations. Rien chez moi ne se crée sans effort. »