Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GERMON (Germaine Hélène Nannon, dite Nane)

actrice française (Paris 1909).

Le cinéma a longtemps confiné cette actrice originale dans des rôles de laiderons dont elle sut toujours tirer le maximum : Mayerling (A. Litvak, 1936) ; le Mioche (L. Moguy, id.) ; Ma sœur de lait (Jean Boyer, 1938) ; Accord final (J. Rosenkranz [I. R. Ray], id.). Épouse infidèle dans Remorques (J. Grémillon, 1941 ; 1939), elle esquisse une apparition balzacienne dans Vautrin (P. Billon, 1944), puis un personnage de pécore dans la Belle et la Bête (J. Cocteau, 1946). Ainsi va-t-elle, toujours spirituelle, du Café du cadran (Jean Géhret, 1947) à l'Auberge rouge (C. Autant-Lara, 1951), passant de Colpi (Une aussi longue absence, 1961) à Malle (le Voleur, 1967).

GERRON (Kurt Gerson, dit Kurt)

acteur et cinéaste allemand (Berlin 1897 - Auschwitz 1944).

Célèbre « rondeur » de l'écran allemand, il est surtout connu pour son rôle de directeur de la troupe de l'Ange bleu de Sternberg (1930), où il écrase des œufs sur la tête d'Emil Jannings. Mais Gerron avait déjà à son palmarès une dizaine de films, ayant débuté en 1922 (dans Frau Sünde de Fred Sauer) et tourné notamment sous la direction de Richard Oswald, Carl Froelich, Hans Behrendt (en Grande-Bretagne), G. W. Pabst, Anatole Litvak, etc. À partir de 1931, il devient réalisateur, d'abord en Allemagne (Meine Frau, die Hochstaplerin), puis en France (Une femme au volant ; CO Pierre Billon, 1933) et en Hollande. Directeur du Théâtre juif à Amsterdam, il tombe aux mains des nazis, qui le contraignent à tourner en 1944 l'atroce documentaire truqué commandé par Hitler sur le camp de concentration « modèle » de Terezin (Terensienstadt) : Le Führer offre une ville aux Juifs (Der Führer schenkt den Juden eine Stadt). Il meurt en déportation à Auschwitz sitôt le film terminé.

GERSHWIN (George) et GERSHWIN (Ira)

GERSHWIN (George) compositeur américain (Brooklyn, N. Y., 1898 - Beverly Hills, Ca., 1937) et GERSHWIN (Ira) , parolier américain (New York, N. Y., 1896 - Beverly Hills, Ca., 1983).

Hollywood adapte les opérettes de ces deux frères, avec leurs chansons entraînantes et solidement bâties : Lady Be Good (1924) sera filmée en 1941 (N. Z. McLeod) ; Funny Face (1927) en 1957 (Drôle de frimousse de Donen) ; Girl Crazy (1930) en 1932 par Seiter, en 1943 par Taurog et en 1965 par Alvin Ganzer (When the Boys Meet the Girls) ; Porgy and Bess (1935) en 1959 par Preminger. De plus, les Gershwin ont créé pour l'écran de riches ensembles de chansons : Delicious (D. Butler, 1931), l'Entreprenant M. Petrov (M. Sandrich, 1937), Demoiselle en détresse (G. Stevens, 1937) et The Goldwyn Follies (G. Marshall, 1938), et la comédie musicale fit souvent appel à leur répertoire (Tout le plaisir est pour moi, H. Potter, 1955), recourant parfois à des inédits (The Shocking Miss Pilgrim, G. Seaton, 1947). Trois films enfin rendent hommage à George Gershwin : Manhattan (W. Allen, 1979) par sa partition ; Un Américain à Paris (V. Minnelli, 1951), qui illustre certaines de ses plus belles pages ; Rhapsody in Blue (I. Rapper, 1945), sa biographie romancée.

Ira continue sa carrière après la mort de son frère. Pour le cinéma, il écrit des textes vifs et rythmés, sur des musiques de Kern (la Reine de Broadway, Ch. Vidor, 1944), de Burton Lane (Donnez-lui une chance, S. Donen, 1953) et de H. Arlen (Une étoile est née, G. Cukor, 1954). Mitchell Leisen adapte, dans son film les Nuits ensorcelées, l'œuvre qu'il avait écrite en 1941 avec Kurt Weill.

GERT (Gertrud Samosch, dite Valeska)

actrice allemande (Berlin 1892 - Kampen, île de Sylt, 1978).

Élève de Maria Moissy, elle se spécialise au cabaret, dès 1920, dans un type de danse « grotesque » de style expressionniste où elle affirme traduire sa volonté de vivre sa vie et d'exorciser la mort ; au cinéma, son jeu sera également marqué par son goût du style excentrique et volontiers caricatural. Elle se fait remarquer par ses créations dans les films de Pabst (la patronne du bordel dans la Rue sans joie, 1925 ; la directrice de la maison de redressement du Journal d'une fille perdue, 1929 ; Frau Peachum dans l'Opéra de quat'sous, 1931). Renoir (Nana, 1926) fait d'elle une camériste, et Junghans sait l'utiliser dans Telle est la vie (1929). Émigrée aux États-Unis en 1933, elle fonde à New York un cabaret : le Bar des mendiants. Après la guerre, on la retrouve en Europe dans Juliette des esprits (F. Fellini, 1965) et le Coup de grâce (V. Schlöndorff, 1976), ainsi que dans un savoureux court métrage de Pierre Philippe, la Bonne Dame (1967), qui rend justice à son talent inquiétant en lui donnant le rôle d'un vampire ; elle sera d'ailleurs pressentie par Herzog pour son Nosferatu, peu avant sa mort. Schlöndorff lui a consacré en hommage son Kaleidoskop Valeska Gert (1977). Elle a écrit plusieurs livres : Mon chemin (1931) ; le Bettlerbar de New York (1950) ; Je suis une sorcière (1968) ; les Chats de Kampen (1973).

GESCHONNEK (Erwin)

acteur allemand (Berlin 1906).

Membre de la troupe d'Erwin Piscator, antihitlérien actif, il connaîtra l'épreuve des camps de concentration. Après la fin de la guerre, il débute au cinéma (In jenen Tagen d'Helmut Kaütner en 1947), et Bertholt Brecht l'engage au Berliner Ensemble. Il devient alors l'un des plus célèbres acteurs de la RDA en s'imposant notamment dans le Capitaine de Cologne (S. Dudow, 1956), les Aventures de Till l'Espiègle (G. Philipe et J. Ivens, id.), Leute mit Flügeln (K. Wolf, 1960), Nu parmi les loups (Nackt unter Wölfen, F. Beyer, 1963), Jacob le menteur (F. Beyer, 1975), l'Île des hérons blancs (J. Jireš, 1977 COPR avec TCH.), le Moulin de Levine (Levins Mühle, Horst Seemann, 1980), Mon Dieu, quel papa ! (Mensch, mein Papa !, Ulrich Thein, 1989).

GETINO (Octavio)

cinéaste argentin d'origine espagnole (León 1935).

Écrivain et documentariste de formation, il est un des fondateurs du groupe péroniste Cine Liberación. Il est à ce titre coauteur de l'Heure des brasiers (F. Solanas, 1968), ainsi que de La revolución justicialista et d'Actualización política y doctrinaria (id., 1971), deux exposés du général Perón. Il tente la fiction avec El familiar (1973), allégorie historique peu convaincante. Parmi d'autres écrits, le manifeste Vers un troisième cinéma (1969) obtient un certain retentissement à l'heure où se profile à Cuba le mouvement pour une organisation tricontinentale. Contre, d'une part, le premier cinéma (impérialiste, dominant, aliénant) et, d'autre part, contre le deuxième cinéma (d'auteur, réformiste, idéaliste), ce texte prône un nouveau cinéma militant, de témoignage social, produit et distribué hors des circuits officiels, un cinéma-guérilla, qui sorte le spectateur de sa passivité pour l'engager dans l'action politique. Auteur d'études sur l'économie du cinéma latino-américain, Getino assume des responsabilités à la tête de la cinématographie argentine à deux reprises (1973 et 1989-90).