Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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LOSEY (Joseph) (suite)

Les années 70, avec la crise qui secoue le cinéma britannique, marqueront pour Losey un nouvel exil. Il tourne en Espagne Deux Hommes en fuite (Figures in a Landscape, 1970), au Mexique et en Italie l'Assassinat de Trotski (The Assassination of Trotsky, 1972), en Norvège Maison de poupée (A Doll's House, 1973). En 1976, il s'installe en France, où il réalise M. Klein, prodigieuse enquête sur l'identité – la France de l'Occupation y devient un labyrinthe kafkaïen –, et les Routes du Sud (1978). Pour la Gaumont, il tourne en Italie l'opéra filmé Don Giovanni (1979), l'une des trois grandes réussites du genre avec la Flûte enchantée de Bergman et Carmen de Francesco Rosi. La Truite (1982), d'après le roman de Roger Vailland, est une déception et, après cet échec, Losey retourne en Angleterre, où il met en scène Steaming et meurt à la fin du montage.

Si Losey est incontestablement un des grands cinéastes de son temps, ses films, en particulier dans la dernière décennie, sont d'une réussite inégale. Les aléas de l'exil et de l'errance, les problèmes de la production internationale « éclatée » et les faiblesses de certains scénarios dont il est tributaire (Losey n'écrit jamais ses propres films) expliquent certaines baisses de régime. Mais cette œuvre massive (plus de 30 films) témoigne des pouvoirs du cinéma pour explorer les complexités de l'homme moderne. Chez Losey se conjuguent un esprit dialectique formé à l'école marxiste et une morale puritaine qui voit volontiers le monde comme une opposition manichéenne entre le Bien et le Mal. De cette contradiction naît la richesse d'un cinéma qui excelle à montrer les duels mortels que se livrent des individus dans un lieu fermé. L'île de Boom, la demeure de Chelsea du Servant, la maison gothique de Cérémonie secrète, la prison des Criminels, l'Oxford d'Accident deviennent des microcosmes dans lesquels les injustices du monde – injustices sociales mais aussi métaphysiques – sont éclairées par un poète et un moraliste.

Autres films :

A Man on the Beach (CM : 1955) ; Pour l'exemple (King and Country, 1964) ; Modesty Blaise (id., 1966) ; Galileo (1974) ; Une Anglaise romantique (The Romantic Englishwoman, 1975) ; Steaming (1985 [RE 1983]) ▲.

LOTAR (Eli)

chef opérateur et cinéaste français (Paris 1905 - id. 1969).

Fils du poète roumain Tudor Arghesi, il a travaillé d'abord comme cameraman, notamment de Joris Ivens (Zuyderzee) et Pierre Prévert (L'affaire est dans le sac). En 1932, il est chef opérateur en titre de Luis Buñuel pour Las Hurdes (Terre sans pain) : il signe une photographie « terreuse », d'une éloquence poignante. L'amitié fidèle de Jacques Prévert lui vaut quelques participations à des films de Marc et Yves Allégret, Leo Joannon et Jean Renoir (pour Une partie de campagne). En 1945, il réalise un « joli » documentaire sur Aubervilliers, d'une certaine force militante, enrichi d'un commentaire et d'une chanson, qui restera célèbre, de Jacques Prévert. Il a tourné en outre quelques courts métrages publicitaires et industriels, qui ne paraissent pas présenter un grand intérêt.

LOTIANOU (Émil) [Emil Vladimirovič Lotjanu]

cinéaste soviétique (Sekouriani, Ukraine, 1936).

Il passe son enfance dans un petit village de montagne en Bucovine, publie des poèmes et part pour Moscou, afin d'y suivre des cours de comédie. Il entre au VGIK, où il a Mikhail Romm pour professeur, et tourne quelques courts métrages de 1958 à 1960. Son premier long métrage de fiction, Attendez-nous à l'aube (Ždite nas na rassvete, 1963), est suivi par les Clairières rouges (Krasnye poljany, 1966) et l'Instant que nous vivons (Eto mǵnovenie, 1969). Il gagne une réputation plus large avec les Léoutars (Lautary, 1972) et surtout avec Les Tziganes montent au ciel (Moj laskovyi i nežnyj zver '/Tabor uhodit v nebo, 1975), où il use – et parfois abuse – d'une poésie folklorique très colorée, ainsi qu'avec Un accident de chasse (Drama na ohote, 1978), adaptation quelque peu académique d'un récit de Tchekhov, Anna Pavlova (1984) et une tragi-comédie musicale, ‘ la Coquille ’ (Skorlupa, 1993).

LOUISE (Anita Louise Fremault, dite Anita)

actrice américaine (New York, N. Y., 1915 - Los Angeles, Ca., 1970).

Une blonde tranquille aux yeux bleus comparable à Priscilla Lane, élégance en plus. Elle aussi reste longtemps sous contrat à la Warner Bros. Dans son abondante filmographie, peu de rôles ont réellement compté. On retiendra peut-être la Titania du Songe d'une nuit d'été (M. Reinhardt et W. Dieterle, 1935), Maria Bonnyfeather dans Anthony Adverse (M. LeRoy, 1936), Mme de Lamballe dans Marie-Antoinette (W. S. Van Dyke, 1938) et une composition discrète mais efficace dans le Poids d'un mensonge (Dieterle, 1945). Depuis 1952, elle s'est consacrée avec succès à la TV.

LOUKOV (Leonid) [Leonid Davydovič Lukov]

cinéaste soviétique (Marioupol [auj. Jdanov] 1909 - Leningrad 1963).

Après un court métrage, l'Écume (Nakil ’, CO : G. Startchevski, 1930), il tourne plusieurs films pour Ukrainfilm à Kiev : Ma patrie, le komsomol (Rodina moja, komsomol, 1931) ; les Pousses d'octobre (Koreški kommuny, id.) ; le Puits de mine « l'Italienne » (Ital'janka, id.) ; le Convoi no... (Ešelon no..., 1933) ; Jeunesse (Molodost ', 1935) ; J'aime (Ja ljublju, 1936). Il entreprend ensuite son œuvre la plus importante, avec Une grande vie (Bol‘ šaja žizn'), dont la première des deux parties sera tournée en 1940 et la seconde en 1946. La censure vigilante repoussera la diffusion du deuxième volet jusqu'en 1958 car, selon la résolution du Comité central, « le réalisateur n'a pas saisi le fait que, dans notre pays, nous louons et nous récompensons les travailleurs modernes, cultivés et compétents, et non des gens arriérés et vulgaires ; maintenant, l'Union soviétique a formé sa propre intelligentsia et, par conséquent, il est ridicule de montrer, en croyant être réaliste, des gens arriérés et vulgaires promis à des postes de haute responsabilité ». Loukov, pendant la guerre, avait signé Ciné Recueil de guerre no 8 (1941, un récit), Une mère (Mat ', 1941), Aleksandr Parkhomenko (Aleksandr Parhomenko, 1942), Deux Combattants / Deux Camarades (Dva bojca, 1943) et C'est arrivé au Donbass (Eto bylo v Donbasse, 1945) ; il tenta, après l'affaire de la seconde partie d'Une grande vie, de faire amende honorable et de se couler le plus habilement possible dans le moule idéologique de l'époque : le Deuxième Classe Aleksandr Matrossov (Rjadovoj Aleksandr Matrosov, 1948) ; les Mineurs du Donbass (Doneckie šahtery, 1951), les Barbares (Vorvary, 1953) ; Vassa Jeleznova (Vassa Železnova, id.) ; Il ne faut pas l'oublier (Ob etom zabyvat ’ nel'zja, 1954) ; Vers un nouveau rivage (K novomu beregu, 1955) ; Différents Destins (Raznye sud'by, 1956) ; Oleko Dounditch (Oleko Dundič, 1958) ; Deux Vies (Dve žizni, 1961, en 2 parties).